Lors de l’émission Parole de candidat, diffusée sur TF1 le 27 février, François Hollande a annoncé sa volonté de créer une nouvelle tranche d’imposition à 75 % pour les très hauts revenus : ce n'est pas sur la totalité de leurs rémunérations que les plus hauts revenus auront un taux d'imposition à 75 %, mais sur ce qui dépassera les un million d'euros par an. Politiquement forte, cette mesure vise à sensibiliser les grands patrons sur les rémunérations excessives, et permettra de rétablir une redistribution équitable, les plus riches participant au redressement de la France.
"Pour les revenus de plus d’1 million d’euros par an, le taux d’imposition sera de 75 % ", a déclaré François Hollande sur TF1. Une manière pour le candidat d’affirmer ses objectifs de redressement de la France, de justice sociale et fiscale et d’égalité.
Comment François Hollande a pris sa décision?
Le 14 février, Proxinvest, cabinet français de conseil et d'analyse financière publie un rapport sur la rémunération des dirigeants. Dans ce document, il est dit que les patrons du CAC 40 "ont bénéficié pour 2010 d'une hausse moyenne de 34% de leur rémunération, pour un montant moyen de 4,11 millions d'euros annuel. 11 dirigeants français dépassent pour 2010 le plafond de 240 SMICS annuels, soit actuellement, 4,6 millions d'euros par an."
Jean Marc Ayrault témoigne de la réaction du candidat: "J'étais là lorsque François Hollande a appris que les patrons du CAC 40 s'étaient octroyés une augmentation de 34% de leurs rémunérations. J'ai vu son indignation, sa colère." Le lendemain, François Hollande est à Rouen, dans sa ville natale. Le soir, devant 12 000 personnes, il prononce après le Bourget son deuxième grand discours de campagne. Nicolas vient d'annoncer sa candidature sur TF1 et a publié un article dans le Figaro Magazine où il vante "la valeur travail" défendu selon lui par le Président candidat.
A la tribune du Palais des Congrès, la réaction de François Hollande est sans équivoque et il transmet sa conviction au public venu nombreux: " Où est le respect du travail quand les patrons du CAC 40 s’augmentent de 34 % pour une rémunération moyenne de 4 millions d’euros par an — 240 années de Smic — et quand les mêmes considèrent que relever le Smic serait prendre un risque pour l’économie elle-même ?" Cette phrase est peut-être passée inaperçue, mais elle est la suite de la refllexion de de François Hollande sur les hautes rémunérations. Dans ses 60 engagements, François Hollande proposait déjà la suppression des stocks option et d'imposer un écart maximal de rémunération de 1 à 20 aux dirigeants desn entreprises publiques.
En allant sur le plateau de TF1, lundi 27 février, vers 22 heures, un échange s'engage entre Laurence Ferrari et François Hollande:
Laurence FERRARI: Vous allez relever le taux d’imposition des hauts revenus justement ?
François HOLLANDE: Oui, sur les hauts revenus, j’ai déjà dit, 150 000 euros de revenus, ce sera un taux de 45 % et j’ai appris, c’est vrai, les progressions considérables des rémunérations des patrons du CAC40. 2 millions d’euros en moyenne, par mois, comment l’accepter. 2 millions d’euros !
Laurence FERRARI: Quel taux d’imposition alors…
François HOLLANDE Et donc j’ai considéré et j’en fais ici, l’annonce que pour au-dessus de 1 million d’euros par an, eh bien, le taux d’imposition devra être de 75 %. Parce que ce n’est pas possible d’avoir, ces niveaux de revenus.
Mardi 28 février, en visite au Salon de l'Agriculture, François Hollande revient sur son annonce en en précisant l'esprit:
« J’avais depuis longtemps cette idée face à des rémunérations qui peuvent être excessives, voire même indécentes. Nous avons eu la publication des chiffres. Rendez-vous compte : il y a un certain nombre, très peu d’ailleurs, de dirigeants de grandes entreprises qui gagnent jusqu’à 250-300 smic en une seule année ! Est-ce normal ? Est-ce acceptable ? Donc pour un écart qui s’établirait au-delà de 100 smic par an, il y a nécessité d’un nouveau taux d’imposition. De façon à ce que les entreprises, lorsqu’elles distribuent un certain nombre de bonus, fassent attention. C’est un signal qui est envoyé. C’est aussi un message de cohésion nationale. Lorsqu’il y a des efforts à faire, et il y aura des efforts à faire, il nécessaire que ceux qui sont au plus haut dans la hiérarchie sociale, qui dirigent des entreprises, qui peuvent être grâce à leurs talents bien rémunérés, fassent aussi acte de patriotisme. C’est du patriotisme que d’accepter de payer un impôt supplémentaire pour que le pays se redresse. Et que ce soient les plus hauts revenus qui le fassent me paraît un bon exemple ».
"Il nécessaire que ceux qui sont au plus haut dans la hiérarchie sociale, qui dirigent des entreprises, qui peuvent être grâce à leurs talents bien rémunérés, fassent aussi acte de patriotisme."
Et François Hollande de préciser à la question d’un journaliste sur la possibilité des plus aisés de quitter la France :
« Je fais confiance à ces dirigeants. Ils n’ont pas besoin d’être rémunérés jusqu’à 200-300 smic annuel, voire davantage. Il y a un moment où lorsque le pays doit se redresser, lorsque l’effort doit être demandé à tous, ceux qui ont le plus doivent montrer l’exemple. Et nul besoin de leur imposer un taux supérieur s’ils se comportent avec la retenue nécessaire ».
Ces dernières années en effet, les écarts de richesse se sont creusés aggravant les inégalités, au bénéfice de quelques-uns.
Les chiffres parlent d’eux mêmes :
- En 2010, les patrons du CAC 40 ont vu leurs revenus augmenter en moyenne de 34% quand les salariés payés au smic voyaient les leurs progresser de 0,5%.
- Pour exemple, le patron de L’Oréal a gagné en 2010 l’équivalent de 685 Smic, le patron de Renault 621 smic, ou celui de Lagardère 314 smic.
Des excès que François Hollande condamne, notamment quand les Français sont appelés à faire des efforts pour participer au redressement économique du pays. Il propose donc une nouvelle tranche de l’impôt à 75%. C’est ce qu’on appelle une imposition marginale : seule la part des revenus qui dépassera 1 million d’euros sera imposée à 75%. Les citoyens concernés n’auront donc pas un taux de 75% d’imposition sur la totalité de leurs revenus
La politique fiscale que souhaite mettre en œuvre François Hollande va dans le sens contraire à celle choisie par Nicolas Sarkozy depuis 2007. Depuis 5 ans, le Trésor public a rétribué aux 925 personnes "les plus riches" 352 millions d'euros au titre du remboursement du bouclier fiscal, soit 380 000 euros en moyenne par personne, un montant pouvant atteindre les 30 millions d'euros pour le plus riche foyer fiscal de France (Liliane Bettencourt).
Pour François Hollande, il s’agit de mettre fin à l’indécence. Il propose la création d’un grand impôt sur le revenu qui ne sera pas troué par des niches fiscales plafonnées à 10 000 euros par an. Un volonté rendue possible par le rapprochement puis la fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG, laquelle créera le Prélèvement Progressif sur les Revenus.
Il s’agira aussi de rétablir la justice fiscale, et d’imposer tant le capital (stock) que les revenus du capital (le flux généré par le capital) :
- l'impôt sur le capital: c'est le rétablissement des droits sur les très grandes successions et sur l'ISF.
- l'impôt sur les revenus du capital: c'est le rétablissement du même taux qu'il s'agisse d'un revenu du travail ou du capital, sachant qu'aujourd'hui, les revenus du capital échappent à l'impôt sur le revenu classique grâce au Prélèvement libératoire qui les taxe qu'à hauteur de 21%.
- La contribution de chacun sera rendue plus équitable par une grande réforme permettant la fusion à terme de l’impôt sur le revenu et de la CSG dans le cadre d’un prélèvement simplifié sur le revenu (PSR). Une part de cet impôt sera affectée aux organismes de sécurité sociale. Les revenus du capital seront imposés comme ceux du travail.
- Je ferai contribuer les plus fortunés des Français à l’effort national en créant une tranche supplémentaire de 45 % pour les revenus supérieurs à 150 000 euros par part. En outre, nul ne pourra plus tirer avantage des « niches fiscales » au-delà d’une somme de 10 000 euros de diminution d’impôt par an.
- Je reviendrai sur les allégements de l’impôt sur la fortune institués en 2011 par la droite, en relevant les taux d’imposition des plus gros patrimoines. L’abattement sur les successions sera ramené à 100 000 euros par enfant et l’exonération en faveur des conjoints survivants sera conservée. Je renforcerai les moyens de lutter contre la fraude fiscale.
Décryptage dans les médias
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