Tribune parue dans Libération le 22 août 2013.
La croissance forte voyage sur la planète, mais semble avoir quitté durablement l’Europe. L’admettre n’est pas renoncer. Il n’y aura pas de saison 2 aux «Trente Glorieuses», la croissance d’hier n’étant pas soutenable, elle n’est pas souhaitable. Il nous faut donc apprendre à vivre dans un nouvel écosystème.
Soyons concrets et efficaces face aux néolibéraux, dont les solutions sont toujours les mêmes : moins de dépenses publiques, moins de recettes fiscales, moins de régulation dans un univers low cost. L’offensive menée par l’UMP contre le principe de précaution, pour le compte du MEDEF, des vendeurs de gaz de schiste ou d’OGM et des nucléocrates, témoigne de cette vision archaïque et à court terme du progrès.
Comment vivre avec, au plus, un ou deux points de croissance du PIB et contenir le réchauffement à 2 degrés ? Comment traduire les enjeux climatiques, écologiques et démographiques dans l’économie et les créations d’emploi? Comment redonner de l’espoir à une société déprimée et partager un projet mobilisateur avec les acteurs économiques et sociaux ? Deux réponses, au moins, nous semblent indispensables…et à notre portée.
Première réponse utile : nous orienter vers une croissance sélective et durable, amplifier la transformation du système productif qui tarde et choisir les richesses que nous voulons voir croître et celles pour lesquelles nous décidons de nous autolimiter. La sobriété n’est pas une punition ! Il importe de mieux relier innovation et changement de mode de développement. Le progrès scientifique et technologique est l’allié de cette grande transformation.
Pour dynamiser une croissance sélective, la puissance publique doit assumer son rôle et ses responsabilités, innover dans ses modes d’action et descendre dans l’arène de l’activité économique pour la soutenir et l’orienter. Les dispositifs existants, à commencer par le CICE, méritent d’être évalués, orientés et complétés par des leviers de politique économique et industrielle utilisés prioritairement vers les conversions et les secteurs stratégiques dans lesquels nous voulons, demain, être les meilleurs.
C’est le rôle d’un Etat moderne d’orienter et soutenir la recherche, la formation de compétences nouvelles, de participer au financement d’investissements d’avenir, et d’affirmer ses priorités. C’est aussi une vocation majeure de l’Union européenne que de cofinancer des investissements de long terme.
C’est ainsi que depuis deux siècles, les économies « se » sortent des crises, par de larges gammes de biens ou services nouveaux qui transforment les modes de vie. Le secteur non lucratif, l’économie circulaire, contributive, coopérative sont attendus.
Nous avons sous les yeux les révolutions des usages numériques et des biens et services de la transition écologique. Là résident les sources de long terme de la croissance. L’énergie et les transports sont deux sujets planétaires pour lesquels la recherche et le développement de technologies sont indispensables pour une plus forte efficacité et une meilleure résilience. La France a des compétences et une histoire industrielle dans ces deux domaines qui peuvent la placer en tête des innovations et des marchés mondiaux.
Deuxième réponse utile : repenser le partage des richesses dans notre modèle redistributif et affronter les défis nouveaux de la protection et de l’égalité. Cela implique, pour tous les acteurs économiques et sociaux, d’accepter de réviser le pacte social.
Le financement de la Sécurité sociale ne repose déjà plus sur les seules cotisations assises sur les salaires. L’organisation par régime professionnel devient archaïque avec le droit universel à la santé ou à la retraite. La CSG prendra d’autant plus de place qu’elle deviendra progressive et plus juste, la réforme fiscale n’est pas achevée. Le financement de la dépendance n’était pas un sujet pour les membres du Conseil National de la Résistance, mais il est une préoccupation majeure de leurs petits-enfants.
Un nouveau pacte social suppose aussi de faire cesser l’avidité spéculative de ceux qui ont acquis, grâce à l’héritage, à leur capital social ou universitaire, et à l’économie de casino en vogue depuis trente ans, un niveau de richesse excessivement supérieur à celui de 95% de la population.
Proposer un nouveau modèle de développement n’est pas une méditation isolée. C’est un exercice démocratique dans lequel nous devons engager sans retard une majorité des Français. Parler franc, rendre l’avenir plus visible, et donner le cap ! Le déclin n’est pas notre destin.
Laurence Rossignol, Christian Paul, parlementaires PS, animateurs du collectif La Gauche Durable, Barbara Pompili, Denis Baupin, députés Europe Ecologie-Les Verts.
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