Avec quelques uns de mes collègues, nous avons publié dans l'édition internet de Libération des 17 et 18 juin un appel contre le projet de loi proposé par le Gouvernement. Vous le trouverez ci-après et dans la suite de cet article.
Cet appel a été signé par Didier Migaud, Député de l'Isère, Christian Paul, Député de la Nièvre, Patrick Bloche, Député de Paris, Jean-Marie Le Guen, Député de Paris, Sandrine Mazetier, Députée de Paris, Manuels Valls, Député de l'Essonne, Christophe Caresche, Député de Paris, François Lamy, Député de l'Essonne, Guy Bono, Député Européen, Nicole Bircq, Sénatrice des Yvelines, Bariza Khiari, Sénatrice de Paris, et moi-mêrme.
L'appel contre une loi d'exception pour l'Internet
Le Conseil des Ministres devrait examine aujourd'hui le projet de loi HADOPI.
Ce projet, dans la continuité de l’illusion répressive qui règne au plus haut niveau de l’Etat sur ce sujet, prévoit la mise sous surveillance de toutes les communications électroniques. Il ouvre la possibilité de priver jusqu'à un an un citoyen de toute connexion Internet.
Pour quels faits ces mesures d'exception sont-elles réclamées ? Terrorisme international? Criminalité en bande organisée ? Non, pour téléchargement d'oeuvres protégées par des droits d'auteur...
Le pouvoir poursuit ainsi sa croisade
moyenâgeuse contre les internautes.
Après l'échec
de l'adoption d'une première version de la « riposte
graduée » à l'occasion de l'examen, de triste
mémoire, de la loi sur les « Droits d'Auteur et Droits
Voisins dans la Société de l'Information »
(DADVSI), le gouvernement persiste aujourd'hui avec une proposition
attentatoire aux libertés fondamentales et n'apportant aucune
réponse aux besoins de financement des créateurs.
Sous la pression des lobbies, le Gouvernement persiste à imposer une règlementation censée défendre un modèle économique obsolète et perpétuer des situations de rente détenue par les majors des industries culturelles et informatiques.
Pour sanctuariser ces intérêts privés, la technologie est à nouveau appelée à la rescousse, dans l'espoir de contrôler l'incontrôlable : la copie et le partage à l'infini des contenus numériques
Hier, les systèmes de gestion des droits et autres dispositifs anti-copie (les DRM) étaient présentés comme la solution aux maux de l'industrie. L'Histoire a depuis rendu son jugement, tant sur l'inefficacité de ces systèmes que sur leurs nuisances graves : absence d'interopérabilité, espionnage de leurs faits et gestes, disparition inopinée de contenus, exclusion des logiciels libres, etc..Les « verrous numériques » partent heureusement aux oubliettes.
Les « nouvelles solutions » proposées aujourd'hui pour défendre des modèles économiques dépassés relèvent de la même illusion technologique. La surveillance et le contrôle des échanges de données entrainera mécaniquement une réponse de la part des utilisateurs, tout comme l'attaque brutale contre Napster avait précipité l'émergence des échanges de pair à pair. Les réseaux et leurs logiciels permettant le chiffrement des données et l'anonymisation des utilisateurs existent déjà. Ils sont aussi simples d'utilisation que les réseaux P2P aujourd'hui les plus prisés. Le franchissement d'une nouvelle étape dans cette stérile course aux armements ne fait guère de doutes.
Le gouvernement et les majors inspiratrices de ce projet tentent à nouveau, non sans hypocrisie, de convaincre que seules les oeuvres sont surveillées, mais pas les utilisateurs. Ses choix de textes, musiques, films en disent pourtant le plus souvent long sur les gouts et les opinions d'une personne. Le titulaire d'un accès Internet n’est d'ailleurs pas nécessairement à l'origine de tous les échanges effectués via sa connexion : s'il utilise un réseau WI-FI, le projet de loi HADOPI rendra demain des parents responsables non seulement des actes de leurs enfants, mais également de ceux de leurs voisins maladroits ou indélicats.
Il y a aujourd'hui une triple urgence démocratique, économique et sociale à libérer les échanges sur Internet et à définir les nouvelles rémunérations des créateurs.
Des solutions sont à portée de main, pour peu que l'on sorte d'une logique exclusivement répressive et que l'on accepte de reconnaitre le progrès extraordinaire que pourrait constituer la mise à disposition gratuite et illimitée de la plupart des contenus culturels, pour peu qu'elle fasse l'objet d'une contrepartie équitable.
Fondées notamment sur la répartition d'une redevance en fonction de la réalité des consultations et productions d'oeuvres culturelles, elles n'ont de sens que dans une société de confiance où l'on ne cherche pas à dissimuler tous ses échanges. Ces solutions sont, sommes toutes, classiques. Une licence légale existe pour la radio. Les chaines de télévision rémunèrent certains créateurs en fonction de l'utilisation qu'elles font de leurs oeuvres, sans avoir à demander au préalable une autorisation. Nous pouvons envisager un dispositif similaire pour l'Internet. Nous devons également soutenir toutes les formes de rémunération indirecte, qui représentent une part croissante de la rémunération des artistes.
Ces solutions sont d'autant plus faisables techniquement que les modèles économiques des majors ont évolué ces derniers mois vers une offre illimité contre paiement d'une redevance, d'un abonnement forfaitaire ou en présence de publicités..
Socialistes, nous nous dressons donc aujourd'hui contre ce projet disproportionné et dangereux, relevant d'une vision rétrograde et conservatrice de la société de l'information. Nous refusons de voir ouvrir, avec HADOPI, une nouvelle chasse aux internautes. Nous refusons que l'argent public soit dilapidé dans un dispositif voué une nouvelle fois à l'échec. Nous appelons à la mise en place d'une juste rémunération apportant une véritable garantie aux créateurs.
La France, pays des droits de l'Homme et des Lumières, ne peut pas entrer dans le millénaire du numérique avec les habits de l'Ancien Régime.
D'abord merci pour l'amendement R999, même s'il n'est pas passé ("En cas d’offre commerciale regroupant des produits distincts, le prix affiché doit individualiser celui de chacun des produits contenus dans l’offre.")
Sur autre blog je signalais que "la France a ratifié la Convention sur la cybercriminalité (STCE no. : 185) le 10.01.06 alors qu'elle l'avait signée le 23.11.01. Ce n'était vraiment pas urgent"
Source : Conseil de l'Europe www.coe.int
Sur l'article, il y a un point qui mérite discussion "Les « verrous numériques » partent heureusement aux oubliettes". Non, ils deviennent plus discrets.
Quant aux risques, je me souviens de la confusion, sur ce blog entre deux pseudos qui étaient selon l'adminstrateur une même pesonne puisqu'ayant même adresse IP.
Pendant que j'y suis. La période de propriété intellectuelle a une très forte tendance à augmenter. Cela devient une rente à perpétuité. Merci Walt Disney et autres lobbys.
Rédigé par : k.tasse.trof | 17 juin 2008 à 21:14
"La France, pays des droits de l'Homme et des Lumières, ne peut pas entrer dans le millénaire du numérique avec les habits de l'Ancien Régime."
Certaines techniques , celle dont il est question ici , la possibilité pour tous à tout moment d'accéder à toutes informations , documents sonores, vidéo etc
Celle , dans un domaine très différent des Organismes Génétiquement Modifiés
nous renvoient à nos modes d'organisation de la société et se rejoignent en amont par cette caractéristique d'une société organisée pour le profit : D'un côté au lieu de se réjouir des nouvelles possibilité de communication et d'en tirer immédiatement tous les avantages , on cherche à brider ce progrès , d'un autre au lieu d'appliquer immédiatement le principe de précaution , on concocte des lois biaisées et ambigues...
Dans les deux cas les a priori de l'action de nos dirigeants sont les mêmes : ne surtout pas toucher à l'organisation libérale d'une société dont même ses progrès techniques montre la limite.
Au nom de ces principes nous mangeons des ogm et n'avons pas d'écran ciné dans nos villages.
On voit ici la limite parlementaire : un système ne peut se changer par des lois , mais par la claire volonté politique d'un peuple .
Quel est dans ce pays l'outil public permettant l'émergence du projet national?
Rédigé par : Di Girolamo | 18 juin 2008 à 08:17
je pense que cette initiative, bien que vouée à l'échec, méritait plus d'approbation
maintenant, après les observations critiques du Conseil d'état, c'est parti
et déjà les marchands de galettes applaudissent, ils ont gagné. quoi ? probablement pas grand chose ni pour longtemps
techniquement je suis bien curieux de voir ce que pourront faire les FAI (fournisseurs d'accès internet), dès maintenant et après adaptation des logiciels par leurs clients ! voir à ce sujet l'article "Freenet pourrait rendre Hadopi impossible à appliquer" sur www.numerama.com
Ceux qui développent des logiciels dits de partage n'ont aucun problème pour les diffuser, il n'y a qu'à voir dans un autre domaine, les navigateurs, le succès de FireFox3 (plus de 8 millions de téléchargements en 24 heures, 4% du parc, presque 300000 en France) tandis que créer, mettre en place et faire fonctionner des outils de filtrage (le terme est utilisé dans le projet de loi) sera bien plus difficile (traduire ici : onéreux et inefficace), cela coûtera plus cher que de faire arriver l'ADSL à Glun (votre circonscription Monsieur le député ?) par exemple
réduire d'environ 70% les chargements illégaux : je n'y crois pas; M. Woerth constate que le bonus-malus écologique des voitures coûtera 200 millions d'€ alors que l'équilibre était prévu, voilà pour les prévisions
quant à confier aux parents la mission de rabrouer et contrôler leur progéniture, ce sera possible si celle-ci explique le courriel ou la lettre d'avertissement aux parents
il y aura ici aussi du travail pour les associations de consommateurs pour expliquer et aider les moins favorisés (déjà occupées avec, entre autres, les litiges avec les FAI),
bonne chance aux UFC-Que choisir, CLCV et autres !
Rédigé par : k.tasse.trof | 19 juin 2008 à 23:09
52 artistes lancent un appel contre le piratage. Soit.
Pour mon information pourrait-on savoir le total actuel des ventes en France pour ces 52 artistes et le total des revenus déclarés et soumis à l'impôt sur le revenu pour ces 52 artistes pour les revenus correspondants?
Ils disent "ne pillez pas nos oeuvres". des internautes répondent "payez les imôts en France". Ont-ils raison?
Je n'émêts aucune opinion concernant les personnes, la qualité de leurs oeuvres, le prix, la répartition des recettes.
Je me cantonne aux CDs, mais je voudrais faire remarquer que pour certains artistes une grande part de leurs revenus vient des tournées et éventuellement des autres droits (publicité par exemple) Voir Le point 28.01.2008. Un coup de google avec "artistes revenus tournées" est instructif, particulièrement chez numerama l'article "De l'industrie du disque vers l'industrie de la musique" de juillet 2007.
Alors je me pose des questions...
Rédigé par : k.tasse.trof | 22 juin 2008 à 22:04
puisque vous signalez les appels concernant l'informatique, je viens de signer la pétition "pour obtenir l'abandon du fichier EDVIGE instituant le fichage systématique et généralisé, dès l'âge de 13 ans, par la police des délinquants hypothétiques et des militants syndicaux, politiques, associatifs et religieux"
en consultant la liste des signataires j'y ai vu quelques députés et sénateurs
le lien : http://nonaedvige.ras.eu.org/
(Aujourd'hui 28 juillet 2008, il y a 53911 signatures électroniques enregistrées et 499 signatures d'organisations, collectifs, partis et syndicats depuis le 10 juillet 2008)
à mon avis c'est encore plus important que la loi HADOPI
Rédigé par : k.tasse.trof | 28 juillet 2008 à 06:51
La suite...
L'ALPA (Association de Lutte Contre la Piraterie Audiovisuelle) a communiqué à la presse le résumé d'une étude.
1. L'ALPA a un site http://www.alpa.asso.fr/ qui ne comporte que la page d'accueil, rien d'autre, c'est déjà inquiétant
2. Les journalistes n'ont reçu qu'un document succinct sur lequel ils ont rédigé leurs articles
3. Ce document déjà est difficile à trouver
4. L'étude complète, qui seule permet de s'assurer avec des techniciens que les résultats sont corrects, ne sera disponible qu'en septembre. C'est à dire que soit elle arrivera trop tard pour être discutée lors des votes des lois mais les interprétations auront eu le temps de se fixer dans les mémoires, soit elle arrivera avant, mais bien tard.
5. Les commentaires de l'ALPA, repris par la presse montrent une méconnaissance totale d'Internet : exemple " selon l'ALPA, la demande totale est loin d'être satisfaite. Les serveurs de peer-to-peer sont régulièrement saturés, et ne peuvent répondre qu'à moins de 40% des sollicitations." (challenges.fr), ou, ailleurs, M. Pascal Nègre, le patron d'Universal Music France, nous explique que "si vous allez télécharger [un fichier] au Japon, avant que vous atteigniez le Japon et qu'il revienne, vous allez mettre trois jours avant de le télécharger" sur le net cela est commenté par LOL MdR et autres ;-) (MdR signifie Mort de Rire)
Alors 450000 téléchargements par jour ? donc autant d'entrées de cinémma de perdues ? Sûrement pas mais autant d'entrées qu'ils voudraient en plus dans leur tiroir caisse
Rédigé par : k.tasse.trof | 09 août 2008 à 18:57
Les députés européens ont refusé la riposte graduée (573 contre 74, amendement 138). Nous verrons si l'Europe en tiendra compte.
Rédigé par : k.tasse.trof | 25 septembre 2008 à 10:26
"Le bureau national du Parti Socialiste (PS) met en place un groupe de travail pour harmoniser ses positions sur le projet de loi Création et Internet indique l'AFP." selon ZDNET
déjà ! enfin je pense qu'au PS il y avait plus urgent
Rédigé par : k.tasse.trof | 05 novembre 2008 à 22:43
Qu'a donné ce groupe de travail maintenant que le projet de loi devrait arriver pour disucssion et vote à l'Assemblée ? Un rapport ? Une position du parti ? Le 18 février un amendement rejeté en Commission des lois ! C'est vraiment peu. Détrompez-moi s'il vous plaît.
Rédigé par : k.tasse.trof | 02 mars 2009 à 09:59
Franck Riester (UMP) : « l'accès à Internet n'est pas à mon sens une liberté fondamentale »
Il n'y a actuellement que Patrick Bloche (PS) que l'on a entendu sur ce projet de loi.
Alors celà sert à quoi cet "Appel contre une loi d'exception pour Internet" si le PS reste quasiment muet ? Le site du PS ne contient ni le mot HADOPI, ni l'expression "Création et Internet" !
D'ailleurs le site du PS ne semble même pas avoir un RSS :-(
Rédigé par : k.tasse.trof | 09 mars 2009 à 21:30