J'ai publié une tribune dans Les Echos avec mes amis et collègues Benoit Hamon, Député Européen et Secrétaire National du PS, Régis Juanico, Député et Conseiller Général de la Loire, et Marylise Lebranchu, Députée du Finistère, ancienne Garde des Sceaux.
Cette tribune traite de la doctrine économique que révèle et recèle le projet de loi dit de modernisation de l'économie (LME). Vous pourrez prendre connaissance de cette tribune ci-dessous et dans la suite de ce billet.
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La concurrence fait baisser les prix. Mais quel est le prix de la concurrence ? Quel sera le prix de l’entrée de la France dans l’ère du « low cost », nouvel eldorado économique vanté par le gouvernement à des ménages français déprimés par une croissance exsangue, un pouvoir d’achat en berne et une condition sociale de plus en plus vulnérable.
Evoquons le diagnostic, auquel le gouvernement actuel et son prédécesseur ne sont pas étrangers, qui motive le projet de loi « LME ». En France et en Europe, les revenus stagnent et les prix augmentent. Conséquence, le pouvoir d’achat des classes populaires et moyennes s’effondre.
Deux options se proposent. Augmenter les revenus, principalement les salaires ou inverser la courbe des prix.
La première option est rejetée par le gouvernement et le patronat. Deux arguments lapidaires sont assénés pour justifier le choix de la modération salariale. Toute augmentation des salaires, alourdit le coût du travail et dégrade la compétitivité des entreprises françaises, d’une part. C’est au nom de cette logique que le MEDEF refuse une négociation salariale globale et exige en outre la baisse de la contribution patronale au financement de la sécurité sociale. D’autre part, la Banque centrale européenne, soutenue par la Commission, considère qu’une hausse généralisée des salaires ou des retraites entrainera par son impact immédiat sur la consommation des ménages, l’inflation des prix dans la zone euro. Fermez le ban.
C’est donc du côté de la baisse des prix qu’il faut attendre des acteurs politiques et économiques les réponses qui permettent de soulager le pouvoir d’achat des familles françaises.
La doctrine économique européenne milite déjà depuis longtemps en faveur d’une amélioration de la compétitivité européenne par la baisse des prix. En dépit des déclarations d'intention de la stratégie de Lisbonne, l’Europe néglige depuis plusieurs années l’amélioration de la compétitivité par la hausse de la productivité et délaisse les investissements indispensables dans le domaine de la formation, de l'éducation, de la recherche et du développement. Un indicateur témoigne sans l’ombre d’un doute de ce choix politique : l’Europe consacre 1.93% de son PIB à la recherche et au développement tandis que les Etats-Unis y consacrent 2.59% du PIB et le Japon 3.15%. Et ce retard s'aggrave.
Le
consommateur français, comme ses voisins européens, est donc invité à
se comporter en acteur économique avisé et à stimuler la concurrence et
la baisse des prix en comparant les marchandises et les services qu’il
achète. A-t-il un autre choix ? Vraisemblablement non. Sait-il le
dessein plus global qu’il sert. Vraisemblablement pas d’avantage.
Explication :
Le consommateur encadré par des revenus qui stagnent et la hausse de plusieurs dépenses incompressibles (loyer, énergie, alimentation…) est contraint de choisir pour ses achats, les prix les plus bas. Il stimule ainsi une concurrence par la baisse des coûts de production et devient, sans le savoir, l'artisan de la remise en cause de ses propres droits et de ses propres protections.
En effet, la libéralisation du marché intérieur et l’ouverture à la concurrence des pays à faible cout de main d’œuvre, a créé pour les entreprises européennes un environnement hautement concurrentiel. Dans un contexte où la demande de rentabilité du capital continue irrationnellement de croitre, les entreprises cherchent à maintenir leur compétitivité par la baisse des coûts de production et pour l’essentiel la réduction du coût du travail. Ce sont donc les rémunérations des salariés mais aussi les cotisations qui financent les systèmes sociaux qui sont mises à l’amende.
La politique économique à l’œuvre incite les consommateurs à arbitrer contre leurs intérêts de salariés et de citoyens. Le chantier des réformes structurelles qui désosse méthodiquement les modèles sociaux européens a ainsi trouvé dans les consommateurs européens des alliés infortunés ignorant le but qu'ils servent. La pression à la baisse des coûts de production exercée par le consommateur européen est aussi un formidable accélérateur des délocalisations dans et hors de l’Union Européenne. La découverte, par exemple, d’un marché français pour la Logan, la voiture « low cost » de Renault initialement destinée à l’Europe centrale crée une concurrence sociale supplémentaire entre les constructeurs automobiles favorable à l’accélération des délocalisations des unités de production dans des pays à faible coût de main d‘œuvre. L'expansion du "low cost" creuse aussi les déficits des comptes sociaux de la nation, par la multiplication des souffrances psychologiques et des maladies professionnelles directement liées à la détérioration des conditions de travail des salariés de ce secteur.
Enfin, plus les entreprises sont contraintes de réduire leurs coûts de production, plus elles sacrifient la qualité et la sécurité des produits et des services qu’elles vendent. L’économie « low cost » crée un environnement concurrentiel contraire aux exigences de la protection de l'environnement et économiquement incompatible avec les investissements et les coûts de production plus lourds qu’il est parfois nécessaire de consentir à court terme – mais à court terme seulement.
Le modèle de développement incarné par l’économie « low cost » est aberrant. Il encourage le dumping social et environnemental. Il se nourrit de la pénurie de pouvoir d’achat pour transformer le consommateur européen en architecte d'un deal qui sacrifie à la consommation de masse, les sécurités sociales, la protection de l'environnement et parfois même la santé des citoyens. La nouvelle religion gouvernementale du "low cost" inaugure une dangereuse politique économique de la terre brulée.
"La nouvelle religion gouvernementale du "low cost" inaugure une dangereuse politique économique de la terre brulée."
C'est exact , sauf que l'inauguration date de bien plus longtemps : à partir du moment où quittant le principe de réalité nous avons biaisés les prix en "tapant " inconsidéremment dans les ressources fossiles de la planète , produisant un effet démultiplié grâce aux immenses progrès techniques;cette nouvelle relation avec la planète la considérant comme un objet à exploiter indéfiniment , dans l'exacte même ligne que la relation colonialiste considérant les autres comme des objets à exploiter, va bientôt , démographie , climat , pic pétrolier oblige , passer de l'inauguration à la débandade ; le low cost va soudainement afficher à l'étal son véritable prix : très lourd et dramatique.
Le débat n'est donc pas ici entre la gauche et la droite entre des options techniques différentes.
Prolonger et animer ce débat , à ce niveau de gestion,, participe de la même erreur que l'écologie du développment durable , cette erreur consistant à minimiser les enjeux et à croire qu'un système non durable et en bout de course peut se réformer de l'intérieur avec les mêmes outils et le même regard sur le monde.
Rédigé par : Di Girolamo | 18 juin 2008 à 10:05
A quant la TVA Sociale, vrais bonne idée, mal présenté et mal interprété, elle permettrait en bloquant les prix HT, d'augmenter le pouvoir d'achat en diminuant, voir si l'augmentation de la TVA est assez forte, en suppriment les charges sociales et patronales et du même coup baisser le cout du travail, sans changer la date de départ à la retraite, ni le temps de travail.
Le rapport étant 1 pour 5, la TVA jouant sur nos importations plus fortement que sur nos productions. Si une mesure de blocage des prix HT est prise dans le même temps (Pour une durée courte de 8 mois) c'est 20% de pouvoir d'achat supplémentaire pour les ménages. Sans parler que l'on pourrait instauré un taxe carbone sans même la faire ressentir... Mais comme toujours les idées radicale ne verrons jamais le jour...
Rédigé par : Julien CLUZEL | 18 juin 2008 à 20:18
Et oui quel dommage pour la TVA sociale qui permettrait à la France d'avoir des produits nationaux beaucoup plus compétitifs...
Rédigé par : Rolex | 19 juin 2008 à 14:50
"En plus les entreprises sont contraintes de réduire leurs leurs coûts de production..."
J'ajouterai qu'en plus la mauvaise qualité des produits entraine un coût plus important par le fait que l'on doit détruire ou recycler prématurément le produit.
Quand on sait que l'on a déjà payé toute la publicité nécessaire pour acheter ce produit qui bien souvent n'a aucune utilité sinon celle d'assouvir notre désir de possession?
De plus la dé-localisation outre le fait qu'elle entraîne du chômage, nous dépossède du savoir faire.
R. Chatelus
Rédigé par : Roger Chatelus | 19 juin 2008 à 17:41
Mazette !!!!!!!!!!!!! Je suis bluffé...
Dites moi : une séance de décicaces est-elle prévue dans un bar / tabac / bureau de presse de la ville ?
Pourra t'on également faire des photos ?
Rédigé par : odlepicier | 19 juin 2008 à 20:30
TVA , TVA sociale ....Je ne crois pas que la situation globale puisse être aujourd'hui corrigée par des mesures d'ordre technique , qu'elles soient économiques, sociales ou écologiques. Nous avons besoin de toute autre chose parce que les enjeux (économiques,sociaux ,environmentaux ) sont aujourd'hui de nature cataclysmique ; la situation qui analogiquement se rapprocherait le plus c'est l'état de guerre, avec son corolaire :la mobilisation de toutes les ressources citoyennes ; pas en terme militaire mais en terme de recherche développement d'une autre organisation sociétale.
Toutes les recettes gestionnaires, même les plus subtiles , se heurtent à ce principe d'une réalité mondiale qui est ce qu'elle est , et au lieu de nous faire porter nos efforts là où il le faudrait , nous divertissent au sens Pascalien du terme de cette réalité difficile qu'on évite ainsi de diagnostiquer.
Chirac disait :"il y a le feu à la maison" mais lui et ses successeurs se comportent en drôle de pompiers pyromanes s'attachant plus à leur uniforme et l'idée du feu se reflétant sur leur casque et les faisant briller , qu'à la réalité : une marge de manoeuvre de plus en plus restreinte pour notre humanité.
Rédigé par : Di Girolamo | 20 juin 2008 à 15:09
Bien l'article, mais le "mal" est en place depuis tellement d'années que la guérison sera des plus dfficiles.En effet, outre des politiques adaptées à tous les niveaux: français,européen,mondial...c'est un changement de comportement du consommateur qui est nécessaire.Ce dernier, dans ces habitudes de consommation, suivant l'origine des produits,devrait se poser les vrais questions tant environnementales que des destructions des emplois locaux...voire le sien. Pour cela il faudrait des médias responsables et intelligents pouvant lui assurer ce type d'information, en fait jouer sur la solidarité...nous en sommes aux antipodes.La montée en puissance de l'individualisme depuis 20 ans a fait de très gros dégats.En général ces types d'histoire se termine par des conflits majeurs ou l'on s'en à de pseudos ennemis...alors que les vrais essaient toujours de tirer(s'il en reste) leur épingle du jeu.
Néanmoins, ne désespérons pas, si nous sommes suffisemment nombreux à agir...peut-être y arrivons-nous? De toute manière, on ne peut compter que sur une "force collective" si l'on veut faire changer l'orientation.
Nanard
Rédigé par : CARRERE | 20 juillet 2008 à 21:43