La victoire complète de François Hollande donne enfin à la gauche le pouvoir d’agir. Ce n’est pas une victoire empoisonnée mais une force. La gauche peut réussir et durer. Mais à quelles conditions ? Trois nous tiennent à cœur : repenser notre modèle de croissance, remettre l’égalité des territoires au cœur de l’action publique et créer des cadres démocratiques et participatifs nouveaux.
Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault propose à la France de faire face à la crise tout en réparant les injustices et déséquilibres provoqués par la droite. Son énergie risque d’être, tout entière, absorbée par le redressement budgétaire et social et les défis européens. L’appel à la croissance pour relancer l’emploi ne suffira pas. La croissance productiviste et consumériste des Trente Glorieuses pourrait bien n’être que la nostalgie d’une génération.
Nous ne croyons plus à la formule qui lie relance du pouvoir d’achat et de la consommation, relèvement du taux de croissance et baisse du chômage. Nous assistons à une mutation structurelle de notre mode de production et de consommation, et pas seulement à une crise.
Des taux de croissance et des gains de productivité faibles, la stagnation du pouvoir d’achat combinée à la hausse des inégalités et à un chômage endémique persistent dans les pays industrialisés. Partout sur la planète, l’épuisement de nombreuses ressources naturelles, la tension énergétique, le mouvement spéculatif des capitaux et l’âpreté de la compétition internationale dominent. Autant d’indicateurs qui ne présagent pas d’un miracle au cœur de la vieille Europe.
Pour faire le pont entre l’ancien et le nouveau modèle de développement, nous voulons utiliser tous les leviers de l’action pour une prospérité sobre en ressources, moins consumériste, précautionneuse à l’égard des êtres humains et de la nature. C’est aussi un modèle de coopération pour l’Europe, le Maghreb et l’Afrique.
Deuxième condition essentielle : engager la bataille de l’égalité des territoires et du déclassement. La transition énergétique et écologique ne se fera pas contre les populations vulnérables. Nous devons traiter à la racine les peurs qui naissent de la relégation dans les replis des fractures territoriales, bien loin de l’égalité affichée. L’isolement physique et social, l’insécurité s’aggravent. L’accès à la santé et à l’éducation n’est plus garanti. Les Français savent que rien ne sera jamais plus comme avant. Beaucoup sont inquiets. Une inquiétude à la fois intime et collective qui les paralyse. Quelle sera ma vie, celle de mes enfants ? Quel sera mon pays ?
L’analyse des votes confirme une fracture électorale aussi profonde que menaçante entre, d’une part, les grandes agglomérations et, d’autre part, les territoires ruraux, périurbains et les lointaines banlieues. Des millions de Français sont dans un tunnel dont ils ne voient pas le bout. Pendant les cinq ans à venir, nous ne devons pas, un seul instant, les quitter des yeux ou leur laisser croire qu’ils sont abandonnés par la République.
Passer du monde d’hier à celui de demain et garder les citoyens dans l’adhésion aux valeurs républicaines. Voilà la feuille de route du quinquennat. Nous devons convaincre les Français que changer de modèle n’est pas tourner le dos au progrès, mais lui donner une autre direction.
Pour emporter l’adhésion des Français et les enthousiasmer, la décision publique devra être partagée. La transformation du pays sera participative ou ne sera pas. Nous avons besoin de collectifs ingénieux et responsables, impliqués dans les arbitrages de l’intérêt général.
Pour relever ces défis politiques essentiels nous créons la Gauche durable (1). La Gauche durable réunit des parlementaires, des élus locaux et des citoyens engagés par leur action, leurs travaux, leur militantisme associatif, leur expertise dans la transition durable et démocratique de notre pays et de notre planète.
Au Parlement, la Gauche durable veillera à ce que les politiques fiscales et industrielles soient orientées en faveur de la transition d’une économie éreintée vers une économie décarbonée, numérique, innovante, créatrice d’emplois dans les PME ou l’économie sociale et solidaire. Malgré la crise, en 2009 et 2010, la création d’emplois dans la seule économie verte, qui représente près d’1 million d’emplois, a été soutenue (+4,5%).
Le budget de l’Etat concède 35 milliards de subventions qui ont un impact négatif sur l’environnement, et méritent la même rigueur que les autres niches fiscales. La réindustrialisation doit être orientée vers le long terme et les budgets recherche et développement doivent encourager la transformation des anciens secteurs et accélérer l’essor des nouvelles technologies.
Les emplois d’avenir doivent réellement préparer l’avenir : celui des bénéficiaires, bien sûr, mais aussi l’avenir commun. Leur affectation en faveur des territoires relégués et des activités nouvelles devra être une priorité. Nous avons besoin, pour l’intérêt général, d’une méthode qui renoue avec les corps intermédiaires sans céder aux corporatismes. Nous avons besoin d’un pilotage ferme qui ne vacille pas face à la puissance des lobbys financiers et industriels. La Gauche durable organisera, en rompant la loi du silence, un rapport de force pour appuyer les choix du gouvernement.
Mobiliser la société pour la transformer exige des signaux préalables forts et rapides : l’abandon sans retard du cumul excessif des mandats, le transfert de compétences supplémentaires, la transition énergétique donneront une impulsion nouvelle. Nous défendrons cette vision du changement et de la décentralisation.
Ouverte à tous ceux et celles qui se reconnaissent dans cette démarche, la Gauche durable a vocation à rassembler et à pousser les feux de la réflexion, de l’expression et de l’action. Les seules ressources inépuisables sont la créativité et la recherche pour soi et pour les autres d’une société meilleure !
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