François Mitterrand mourrait il y a dix ans (le 8 janvier 1996 plus exactement).
A la fois personnage contrasté et président contrastant avec son successeur, à qui il aura d’ailleurs donné l’occasion (rare) d’une belle intervention, lorsqu’il s’est adressé aux Français pour lui rendre hommage.
Une référence incontournable des socialistes, partagés entre le courant « moi c’est l’homme d’Epinay qui restera » le courant « ah, le 10 mai 1981, tu te souviens » et le courant « dès le congrès de Metz, Rocard avait bien dit que ».
Ma génération n’a (au mieux) qu’un très vague souvenir du second et qu’une approche historique du premier. Et pourtant...
En ce qui me concerne, François Mitterrand a d’abord été la source d’un engagement en politique, l’adhésion aux valeurs qu’il incarnait, l’idéal européen avec le oui au traité de Maastricht. Faire bloc dans la tempête, c’est ainsi que j’ai forgé mes premières années de militantisme politique. Je garderai probablement toute ma vie cette image et ces mots à Nevers, prononcés lors des obsèques de Pierre Bérégovoy en mai 1993 « (...) toutes les explications du monde ne justifieront pas que l’on ait pu livrer aux chiens l’honneur d’un homme et finalement sa vie (...) ».
François Mitterrand, c’est aussi la source d’une rupture, celle de l’affaire Bousquet. Inimaginable d’accompagner un homme fidèle à un monstre.
Ce choc brutal est celui d’un certain désenchantement politique et de l’apprentissage du gris, quand le blanc et le noir ne répondent plus.
Du gris à la grisaille il n’y a qu’un pas. Il aurait été facile de le franchir à cette époque, entre le génocide rwandais et la résignation face au chômage (« on a tout essayé » en juillet 1993). Comment l’homme qui avait fait la démonstration inédite de l’alternance pouvait il devenir le premier théoricien de l’impuissance politique ?
C’est enfin en référence à François Mitterrand que s’est ouverte une page nouvelle en 1995, lorsque Lionel Jospin réclame et applique le droit d’inventaire sur les années Mitterrand. Jospin le fils rebelle plutôt qu’Emmanuelli le grognard fidèle ..., une autre époque ! Cette campagne électorale de 1995, autant présidentielle que providentielle, aura marqué le retour d’une certaine exigence morale alliée au volontarisme politique. L’heure est à Mendès plutôt qu’à Mitterrand.
Il a marqué le monde, l’Europe et la France. Ses familles, privées et publiques. Son parti et chacun de nous à bien des égards. Son parcours et son bilan enseignent l’éloignement d’un certain obscurantisme. Il n’y a ni héros, ni pureté théorique en politique. Sinon, l’Europe sociale serait faite et la Vème République abolie depuis belle lurette.
Mais c’est une fois qu’on a regardé les parts d’ombre qu’on apprécie encore mieux les rayons de lumière. Alors, à l’occasion du dixième anniversaire de la mort de François Mitterrand, je vous souhaite autant de volonté et de courage que lui, dans votre vie personnelle, dans vos engagements, vos combats, vos rêves.
Bonne année 2006.
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