Le Parti Socialiste élabore son projet de société patiemment. Après la convention thématique consacrée au « nouveau modèle de développement » et celle consacrée à la « nouvelle donne internationale et européenne », il aborde un troisième débat de fond consacré à « l'égalité réelle ». Cette série de conventions sera complétée de forums thématiques autour de la sécurité, de l'éducation, ou des institutions.
Benoit Hamon coordonne le travail sur la convention consacrée à « l'égalité réelle ». Nous sommes plusieurs élus et responsables à travailler parallèlement, et de manière complémentaire, sur la question des inégalités territoriales. Un groupe d'élus de zone rurale s'est récemment réuni dans la Nièvre, sous la houlette de Fabien Bazin, Vice-président de la Région Bourgogne, et Christian Paul, Député de la Nièvre. Avec d'autres, ils ont travaillé sur l'idée d'un « bouclier rural » qui permettrait de définir le socle minimal de services publics et au public pour garantir le développement de tous les territoires.
Je me retrouve totalement dans leur travail et je serai parmi les signataires du textes, comme mes collègues Michel Vergnier, de la Creuse, ou Germinal Peiro, de Dordogne.
Vous pouvez le consulter ici : Téléchargement Contribution Bouclier rural Lormes 23 oct 2010-1
La question territoriale est certainement au cœur de toute reconquête politique durable pour le Parti Socialiste. De notre capacité à percevoir la nouvelle France issue de la mondialisation néo-libérale ; une France en manque de repères mais pourtant créative, une France qui semble hésiter entre le « vivre mieux ensemble » et l’impasse individualiste dépend notre faculté à convaincre de la pertinence de nos propositions.
C’est toute l’épaisseur territoriale et sociale de notre pays que nous devons retrouver.
Au moment où le Parti socialiste affirme la vision d’une nouvelle société urbaine, il est indispensable qu’il s’empare également de la nécessité d’une ruralité moderne.
Issue de nombreux départements ruraux, riches de nos diverses expériences du terrain, des combats menés pour défendre nos territoires, de moments de fierté pour la vitalité de nos cantons, notre démarche se veut humblement une contribution à cet immense défi qui est face à nous.
Depuis quelques années et sans faire de bruit, l’exode rural est devenu exode urbain, la population rurale augmente même si tous ceux qui s’installent à la campagne ne le choisissent pas nécessairement. Représentant près de 20% de la population française, plus âgée, plus pauvre, plus ouvrière, cette France périphérique et populaire devrait être une préoccupation majeure de notre parti ; d’autant plus que c’est aussi une France qui sait accueillir tous les talents et qui sait innover au quotidien. Mais loin des centres-villes, la campagne a disparu des écrans, réanimée seulement à l’occasion du salon de l’agriculture ou par quelques faits divers pittoresques, on ne l’entend plus.
D’ailleurs, depuis quelques années, l’Etat a choisi de l’oublier. Elle n’est plus considérée que comme une terre de relégation. La fracture sociale s’est doublée d’une fracture territoriale !
Pourtant qui sait que 10 millions de citadins ont un projet de vie à la campagne ? Comment ignorer que partout les élus et les acteurs locaux se battent pour permettre à chacun d’y travailler et d’y vivre mieux ? A maints égards, la ruralité a endossée une nouvelle forme de modernité : nouvelles technologies, environnement préservé, qualité des relations humaines, commerces de proximité… Chaque jour, on y invente des solutions à des questions très concrètes de la vie quotidienne. Tout cela rend possible une contribution de la ruralité à un nouveau modèle de vivre ensemble qui promeut « la ré-humanisation des villes et la revitalisation des campagnes » comme le propose Edgar Morin.
C’est pourquoi, nous voulons un bouclier rural car nous vivons dans des territoires de résistance qui ont subi les premiers et de plein fouet la politique de Nicolas Sarkozy et surtout car c’est le seul moyen de rétablir aujourd’hui, dans notre pays, le principe républicain d’égalité entre les citoyens où qu’ils habitent sur notre territoire national.
Un bouclier pour se protéger, pour retisser des liens entre les habitants des campagnes mais aussi entre les villes et les campagnes. Pour faire France, on ne peut accepter toute brisure entre un archipel métropolitain aspiré par le turbo-capitalisme et un arrière-pays rural condamné à la marginalité sociale.
Un bouclier aussi pour relever la tête et montrer par des résultats concrets qu’un autre modèle de vie est possible et que cette alternative peut justement venir des campagnes. Nous militons pour une République respectueuse de tous ses territoires.
En effet, depuis plusieurs années, nous avons subi le pire :
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dans l’éducation : suppression de dizaines de milliers de postes d’enseignants entraînant la fermeture de milliers de classes et d’écoles
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dans la santé : fermeture d’hôpitaux et de maternités de proximité, désertification rurale sans que la volonté législative s’exerce réellement pour imposer le principe d’accès aux soins
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dans le service postal : par la mise en œuvre des directives européennes sur la mise en concurrence de ce service, sans accompagnement financier durable, fermeture masquée des points de contact du réseau postal
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dans l’accès au numérique : celui-ci étant classé dans la catégorie des services à caractère concurrentiel et donc privé, l’Etat n’investit rien et ne garantit plus l’équité territoriale
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pour les services de l’Etat : fermetures en cascade de perceptions, de tribunaux d’instance, d’établissements publics en particulier du Ministère de la Défense, de services décentralisés…
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pour les grands services publics de l’énergie et de la téléphonie, avec la fermeture de centaines d’agences de proximité dans les territoires ruraux et la détérioration des réseaux
Pour que nos campagnes vivent, le bouclier rural doit être un arsenal de mesures qui rétablissent l’égalité tout en prenant en compte les spécificités de la vie à la campagne. Refusant les recettes cosmétiques nous appelons donc à écrire une loi de la République qui s’impose à l’Etat et aux personnes morales en charge de politiques publiques. Nos propositions sont sur la table, elles ne demandent qu’à être précisées, amendées ou complétées.
Maintien ou rétablissement de services publics indispensables à la cohésion sociale et à la création de richesses
Il est primordial de garantir un temps d’accès minimum aux services essentiels et de base :
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Santé : accès à moins de 45 mn d’une maternité, de 20 mn d’un accueil de médecine générale, mesures de lutte contre le désert médical et régulation des installations de médecins sur le territoire
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Justice : accès à moins de 45 mn d’un tribunal d’instance, à moins d’1 h 30 d’un tribunal de Grande Instance
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Education : accès à moins de 15 mn d’une école élémentaire et primaire (30 mn par transport scolaire), à moins de 25 mn d’un collège (45 mn par transport scolaire)
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Services du Trésor : accès à moins de 20 mn d’une trésorerie, de 45 mn d’un centre des impôts
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Service postal : accès à moins de 15 mn d’un bureau de poste ouvert au moins 26 heures par semaine
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Accès au très haut débit : tout habitant, entreprise ou collectivité doit avoir accès aux voies nouvelles de communication via la fibre optique
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Missions d’accompagnement d’accès à l’emploi et à la formation (initiale et professionnelle) : accès à moins de 30 mn d’un lieu d’accueil et d’information.
Par ailleurs, et face aux dégradations qui s’accélèrent depuis dix ans, il est primordiale de maintenir une qualité de distribution de l’électricité équivalente à celle des villes. De même, et pour préparer l’avenir, il faut que tout habitant, toute entreprise ou collectivité ait accès au très haut débit. Nous devons nous engager dans un véritable programme qui amène, partout et pour tous, la fibre optique.
Cela implique notamment de partir des besoins des habitants et non d’obligations d’économies purement comptables. Cela impose la suppression de la règle de non remplacement d’un fonctionnaire sur deux dans nos territoires.
Création de zones de développement économique rural
Nous savons bien que pour assurer le développement économique des zones rurales, il faut à la fois créer des richesses, c’est-à-dire maintenir les activités productives, les renouveler et les moderniser, capter des richesses pour maintenir l’attractivité résidentielle et touristique qui est importante dans le monde rural et faire circuler ces richesses à travers les commerces, les services, les associations etc.
Ces trois volets sont en totale interdépendance. Agir sur l’une sans penser aux autres n’est pas optimum, voire contre-productif. Nous proposons donc la création de zones de développement économique rural.
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Cela permettra pour les entreprises déjà installées dans les territoires ruraux les plus isolés de bénéficier de conditions sociales et fiscales adaptées. Il faut en effet tenir compte de l’isolement géographique et de la saisonnalité du chiffre d’affaires : la fiscalité nationale et locale comme les cotisations sociales doivent être compatibles avec ces activités qui très souvent s’apparentent à une mission de service public. Si nous savons accompagner ceux qui veulent s’installer, il est nécessaire de soutenir aussi ceux qui sont là et qui résistent pour faire vivre nos villages.
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Elles prendront en compte la situation particulière des artisans et des commerçants en définissant un statut réellement protecteur pour ceux qui ont fait le choix d’entreprendre dans ces territoires.
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Ces zones permettront aussi d’adapter le rythme des mises aux normes dans des établissements à taille humaine (par exemple l’hôtellerie ou les stations services) qui sont menacées par des fermetures massives
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Elles doivent être accompagnées de nouveaux outils bancaires, publics ou privés (en s’inspirant du modèle CRA aux Etats-Unis), qui tiennent compte de la spécificité de l’activité dans les zones rurales et de règles qui imposent aux établissements bancaires de réinvestir dans ces zones une partie des sommes qu’ils y prélèvent.
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Elles réserveront certains marchés publics aux PME et aux TPE, au moins au titre de la sous-traitance.
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Elles permettront la création de pôles de compétitivité ruraux et apporteront des soutiens spécifiques à l’économie agricole.
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Elles permettront de bonifier les dotations de fonctionnement de l’Etat qui, à l’heure actuelle, sont deux fois moins importantes dans les zones rurales que dans les zones urbaines
Soutien au bénévolat et aux associations que rendent des services d'intérêtgénéral
L’aide à l’action bénévole, comme les sapeurs pompiers volontaires, dont le statut précaire peut mettre en danger à terme les premiers secours, mais aussi les centres sociaux, dont l’existence et les services aux familles sont parfois mise en péril par la remise en cause silencieuse des dispositifs d’aides publiques constituent quelques exemples de soutiens durables indispensables à la cohésion sociale de nos territoires. Le soutien pérenne aux lieux d’échanges et de débats, comme les comités de territoires ou les associations de développement est indispensable, car nous avons expérimenté ce qui doit être un élément fondamental de la citoyenneté de demain.
Invention d’une « nouvelle école »
Le bouclier rural est aussi une contribution pour repenser notre système scolaire. Nous proposons de généraliser les « ZEP rurales » c'est-à-dire les « aires rurales d'éducation concertée » (AREC), véritables bassins éducatifs pour une éducation et une formation tout au long de la vie et outils pour « penser global » l’offre éducative. Nous demandons d’abord des classes à taille humaine (25 élèves maximum), des temps de transports scolaires compatibles avec le rythme de vie des enfants et l'encouragement à la scolarisation dès deux ans parce que la très petite section de maternelle est le premier lieu de socialisation. De même, nous suggérons de généraliser « des maisons des petits à l’école » pour réussir enfin le passage de la famille à l’école ainsi que la mise en œuvre de « groupes de soutien au soutien » pour les enseignants.
Prise en compte de notre légitimité territoriale dans la réforme des collectivités territoriales
Le développement des intercommunalités rurales a renforcé le tissu rural. Tout aussi indispensable sont les parcs naturels régionaux et les pays parce qu’ils sont fondés sur la délibération collective et le contrat qui permettent d’inventer une ruralité moderne.
Alors que nous représentons 80 % du territoire, et que la réforme des collectivités territoriales prévoit de diviser par quatre le nombre de nos élus locaux, le bouclier rural doit prévoir la représentation de nos territoires en fonction de la population, certes, mais aussi de la superficie de nos territoires qui demandent d’être considérés comme des espaces à part entière, spécifiques et légitimes.
Les agriculteurs l’ont dit avec beaucoup de force car la brutalité des variations de prix qu’ils subissent et les baisses de revenu qu’elles impliquent seraient inacceptables pour tout autre secteur d’activité : l’indifférence et le mépris ne sont plus supportables.
Le monde rural demande à être respecté et entendu. Nous, socialistes, devons relever ce défi du développement de nos territoires, nous en sommes capables. Il y a dans nos campagnes des forces extraordinaires qui ne demandent qu’à s’exprimer. Tous nos concitoyens veulent vivre avec des services publics de qualité pour pouvoir créer des richesses. Cela passe certainement par un nouveau pacte entre la République et le monde rural.
Pour vivre mieux ensemble, pour que nos campagnes se développent dans un équilibre entre villes et campagnes, nous demandons la mise en œuvre du bouclier rural !
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