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Olivier : Quel que soit leur age, les députés ne votent-ils pas d'abord, à de rares exceptions, en fonction des consignes explicites et implicites de leurs parti?
Oui, et pour une raison très simple : quand on sollicite l'investiture d'un parti pour une élection législative, c'est qu'on se reconnaît dans le programme du parti et les valeurs qu'il porte, et c'est d'ailleurs 99 fois sur 100 le parti dont nous sommes membres. C'est normal de nous retrouver dans ses positions et celle du groupe politique qui va avec.
Cela n'empêche pas, notamment sur les questions de société, par exemple la loi bioéthique, les questions sur l'euthanasie, qu'il y ait une vraie liberté de vote. Et pour ma part, je me suis déjà prononcé différemment de mon groupe, notamment pour le traité européen.
Moïse : L'électorat de l'Ardèche, sauf erreur, n'est pas réputé pour sa jeunesse. En dehors de vos indéniables qualités juvéniles, à quoi attribuez-vous votre élection ?
Du terrain, du terrain et toujours du terrain. Et puis il y a quelque chose de frappant en 2007, dans la campagne, les personnes les plus âgées, souvent, m'ont réservé le meilleur accueil, fréquemment sur le thème de la relève.
Paul : Comment expliquez-vous une si faible présence des jeunes à l'Assemblée nationale ? Est-ce une spécificité française ?
Je crois malheureusement que oui. Il y a quelque temps, Le Monde Magazine a fait un dossier sur la Scandinavie, avec de très jeunes parlementaires. En ce qui concerne la France, il n'y a pas de limitation dans le temps. Et il y a un vieux principe en politique, qui est de croire qu'on a besoin de perdre trois fois pour laisser penser que nous sommes compétents.
Théodore : Cette insuffisante représentation de la jeunesse est-elle perçue par vos collègues plus âgés comme un problème ou ne le voient-ils même pas ?
Certains ne le voient pas, très clairement. Certains même considèrent qu'on est trop jeunes, mais beaucoup s'interrogent sur la question de la représentativité. Mais pas seulement des jeunes. Il y a la question des femmes, des catégories sociales, des origines, de la diversité. Et d'ailleurs, quand on parle de catégories sociales, si on considère qu'être jeune, c'est d'avoir moins de 40 ans, il y a moins d'ouvriers que de jeunes à l'Assemblée.
De mémoire, il doit y avoir un ou deux députés qui déclarent "ouvrier" comme profession.
Guest : Pensez-vous qu'il serait bon de faire entrer des députés de 18 à 29 ans à l'Assemblée nationale ou qu'il faille avoir passé la trentaine pour avoir un regard plus "mature" sur les choses ?
Je pense qu'il faut que toutes les générations soient représentées. Je suis favorable à la baisse de l'âge d'éligibilité de 23 à 18 ans. C'est déjà le cas pour la présidence de la République. Et après, ce sont les électeurs qui choisissent, et uniquement eux.
Nope : Le problème crucial n'est-il pas tant l'âge des députés qu'un renouvellement/cumul des mandats hors de tout contrôle, qui fait que les leaders politiques d'aujourd'hui sont dans le système depuis des décennies ?
Le seul cumul qui n'est pas contrôlé, c'est celui dans le temps, il n'y a pas de limite au nombre de mandats successifs possibles. Il y a deux députés, par exemple, qui ont été élus en 1968. Pour le reste des cumuls, il y a déjà des règles claires. Peut-être insuffisantes mais qui existent et qui contrôlent les cumuls.
Babar : Croyez-vous que le Parti socialiste soit plus en pointe que la droite sur la question de la représentation des jeunes au Parlement ?
J'espère, et quand on regarde les douze de moins de 40 ans, il y en a six qui sont de gauche – 4 socialistes, 1 Vert et 1 PRG –, soit la moitié, alors que nous ne sommes qu'un tiers de l'Hémicycle.
Il y a encore beaucoup de travail à faire quand même.
Olympe : Pensez-vous que le Parlement légifèrerait différemment s'il était composé d'élus plus représentatifs de la population française, en âge et en sexe ? Par exemple sur la réforme des retraites, qui a un impact fort sur les jeunes actifs.
Je pense que oui. J'espère en tout cas. La question n'est pas tant : comment le Parlement pourrait légiférer s'il était plus représentatif ? La question est de savoir si nos débats seraient plus riches, et je crois qu'avec plus de diversité générationnelle, et de toutes sortes, ce serait le cas, avec plus de points de vue.
Claire : Un jeune député n'est-il pas happé par la logique des anciens, majoritaires, qui imposent leurs pratiques dominantes en empêchant les idées nouvelles d'émerger ?
Je pense qu'on est happés par cette logique si on se laisse happer. Je ne dis pas que c'est facile, il faut se faire sa place à l'Assemblée quand on arrive. Mais la difficulté à exister n'est pas une question d'âge, c'est plutôt une question d'ancienneté et de connaissance du fonctionnement de la maison, de l'institution, et des "bons plans" pour exister. Et cela quel que soit l'âge du nouveau député, c'est un problème qu'on a tous connu, et c'est là qu'on apprend.
Baptiste : On critique souvent la tradition française qui veut que les hommes politiques soient des professionnels (n'exerçant pas d'autre métier, ni avant, ni pendant, ni après leur mandat). Qu'en pensez-vous et quels sont vos projets personnels pour l'avenir ?
Fabienne : Pensez-vous que vous serez encore député dans quarante ans, vous aurez alors 72 ans ?
D'abord, c'est faux : la plupart des députés ont un métier, ont un passé et auront un avenir. La moyenne, pour les députés, c'est un mandat et demi. Cela montre qu'il y en a très peu qui restent très longtemps. En revanche, je pense que c'est bien pendant le mandat de ne pas avoir d'autre métier, pour éviter les conflits d'intérêts.
Et pour ce qui me concerne, je pense que dans quarante ans je ne serai plus député. Certainement avant, d'ailleurs. D'abord parce que je ne me vois pas rester aussi longtemps, et surtout parce que je pense que les électeurs ne veulent plus de cela. Les jeunes députés, quand on en parle, considèrent aussi que les carrières de quarante ans sont terminées.
Sab : Comment êtes-vous perçus par vos aînés à l'Assemblée? Ne subissez-vous pas un regard un peu infantilisant de la part des uns ou des autres?
Je n'espère pas, je ne crois pas, je pense avoir assez de caractère pour ne pas être infantilisé. Après, il y a aussi des députés plus expérimentés, plus âgés, dont j'apprécie aussi les conseils. Et être conseillé, ce n'est pas être infantilisé. Mais je pense que la seule chose qui est reconnue, c'est le travail. Que vous ayez 30 ou 70 ans, si votre argumentaire est pourri, on vous le dira de la même façon.
Sab : Quels sont les sujets qui vous tiennent particulièrement à cœur? Ont-ils un lien avec votre jeunesse ?
Etonnamment, pour le premier sujet, non. C'est la question des collectivités locales et des finances locales. Le deuxième ne tient pas à ma jeunesse, mais à mon parcours : c'est la question de l'égalité des chances. Et le troisième est peut-être plus lié à ma génération, en tout cas dans la manière de l'approcher, c'est tout ce qui relève des questions de société, notamment la bioéthique.
Adélaïde : De quel milieu social êtes-vous issu? Pensez-vous être représentatif de la société française ?
Je crois être représentatif de la société, mais être malheureusement une exception parmi le personnel politique. Mon père est décédé, il était ouvrier, et malheureusement souvent au chômage. Et ma mère est toujours ouvrière.
Guillaume : Au-delà d'une simple représentativité de la population française, ne pensez-vous pas que la faible représentation des moins de 40 ans à l'Assemblée nationale est le reflet d'un désintérêt des nouvelles générations pour la politique ?
Je ne crois pas. Et je pense que si tous les partis prenaient les mêmes risques que ceux qui ont été pris pour ma candidature, on aurait plus de jeunes à l'Assemblée. Et quand on regarde les élus locaux, on s'aperçoit qu'il y a déjà beaucoup plus de jeunes qui sont élus.
Mick J. : L'aspect à la fois local et national du mandat ne conduit-il pas à une impasse sur des questions sensibles pour la réélection (fermeture d'hôpitaux, radars routiers...) et à des comportements qui ne sont pas à l'honneur de la classe politique ?
Non, en tout cas dans la façon dont je fonctionne. Je suis élu dans un département rural, avec une population assez âgée, et je me suis prononcé publiquement pour l'euthanasie, en tout cas pour le droit à mourir dans la dignité, pour l'adoption et le mariage ouverts à tous les couples, et récemment pour la gestation pour autrui
Je ne sais pas si cela me coûtera des voix, mais en tout cas, c'est comme cela que je travaille, et je suis fier d'être clair sur ces sujets-là.
Charline : Avez-vous le sentiment de porter une parole différente par rapport à vos collègues de gauche, du fait de votre âge ?
Parfois, mais plus sur une question de méthode, d'angle dans l'approche des questions. C'était le cas sur les retraites sur certains points. Mais comme je le disais, à 30 ou 60 ans, le socle de valeurs reste le même.
Elvire : Votre jeunesse a-t-elle été un atout ou un handicap pour vous faire élire ? Avez-vous utilisé la "carte jeune" lors de vos campagnes électorales ?
Oui. Si utiliser la "carte jeune", c'est dire qu'une élection est aussi l'occasion de participer au renouvellement, la réponse est oui.
Stéphane : Le conflit intergénérationnel étant inévitable, comment les "anciens" de votre parti vous ont-ils laissé partir aux législatives, sachant que les postes sont très convoités ?
Ma circonscription en 2007 était réputée imprenable par la gauche. Cela m'a aidé à être investi. Puis j'ai eu de la chance, car localement, les élus locaux du PS ont fait le pari du renouvellement.
Marie-Odile : Cette sous-représentation par rapport à la population en âge de voter ne relève-t-elle pas d'abord de la responsabilité des partis politiques ?
Si, totalement. Plus des partis que des électeurs. Pendant trente ans, on nous a dit que les électeurs ne voteraient pas pour des femmes. Aujourd'hui, ça passe, même si malheureusement il reste encore quelques appréhensions sur les jeunes ou sur les candidats d'origine étrangère.
Largo : Trouvez-vous des points de convergence avec les propos de Rama Yade sur l'accession des jeunes en politique ?
Si Rama Yade était représentative de la jeunesse, je pourrais en trouver.
Lolotte : Que faudrait-il faire pour améliorer la représentativité des parlementaires ? Car le problème ne concerne pas seulement les jeunes, mais aussi les femmes et les minorités.
Cela recoupe la question sur les partis : que les partis puissent prendre un peu plus de risques. On ne décrètera pas le renouvellement en claquant des doigts.
De lair : Avez-vous déjà travaillé dans une entreprise ?
Oui, mais de manière brève. C'était pour financer mes études. J'ai fait de l'intérim, pour des collectivités locales.
Aurélien : Vous représentez, d'une certaine manière, une partie de l'avenir du PS. Si demain on venait à vous nommer ministre, quelle serait votre place dans cette équipe gouvernementale ?
Je dis souvent, pour les ministères, que ça ne se demande pas et que ça ne se refuse pas. Et si on devait me le proposer, j'aimerais que ce soit sur le domaine où je me sens le plus compétent. Et pas forcément la jeunesse, d'ailleurs.
Clothilde : Seriez-vous favorable à l'instauration de quotas ? Ou, au minimum à l'instauration d'une limite d'âge ?
Limite d'âge, oui, mais pas de quotas. Et sur la limite d'âge, pas de couperet, mais plutôt un âge à partir duquel on n'a pas le droit d'être candidat à une nouvelle élection. On finit le mandat commencé mais on ne se présente pas à un mandat suivant. C'est déjà le cas dans certains conseils d'administration.
Largo : Comment partagez-vous votre temps entre votre présence à l'Assemblée et votre circonscription ?
Je suis présent à l'Assemblée toutes les semaines, au minimum le mardi et le mercredi, plus quand c'est nécessaire. D'ailleurs, le classement nosdeputes.fr montre que sur les douze derniers mois, je fais partie des parlementaires très présents. Et je crois sur ce point que la chance qu'on a aujourd'hui, ce sont les nouvelles technologies, qui permettent des échanges très rapides de documents.
César : En quoi votre pratique politique diffère-t-elle de celle de vos aînés ? Quel regard portez-vous sur le monde politique français en général ?
La différence, je crois que c'est un rapport désacralisé. L'élu dans sa tour d'ivoire, c'est terminé. L'élu Superman, c'est terminé aussi. Donc on est plus dans la proximité et l'échange direct qu'auparavant. Et je pense que les réseaux sociaux, notamment, y sont pour beaucoup.
Quant à mon regard sur la politique, je ne partage pas du tout l'antiparlementarisme ou le populisme qui consiste à dire "tous pourris". Tous les jours, je vois des gens, quel que soit leur âge, qui ont un vrai sens de l'engagement et qui ne font pas carrière au sens le plus péjoratif du terme. Il faut faire attention à ce qu'on dit sur la politique et ne pas la déconsidérer. C'est utile au quotidien, mais aussi au débat.
Il y a une chose que je regrette, c'est la peoplisation et le fait qu'on s'intéresse à la femme de l'un, au mari de l'autre, à la garde-robe plutôt qu'au fond et aux propositions. C'est aussi pour cela que je me reconnais plus et que je travaille avec des gens comme Benoît Hamon ou Martine Aubry, parce que priorité est donnée au fond plus qu'à l'image et aux couvertures de magazine. Même si j'adore être à la une du "Monde Magazine" !
Chat modéré par Emmanuelle Chevallereau et Pascale Krémer
Ah bon ? Vous vous êtes prononcé différemment de votre groupe sur le traité européen ?
Différemment, peut-être puisque votre nom n'apparait pas.
Mais pas opposé à votre groupe.
D'accord, vous avez voté contre la réforme constitutionnelle devant aboutir au traité de Lisbonne.
Le groupe socialiste à l'Assemblée Nationale avait 17 pour, 91 contre et 94 abstentions.
La motivation (tout à fait légitime) était la demande d'un référendum puisque le traité de Lisbonne reprenait quasiment le texte de la constitution européenne repoussée par les Français en 2005.
Vote des députés au Congrès sur ce point (04-02-08) :
http://www.assemblee-nationale.fr/13/scrutins/jo9000.asp
Quant au vote sur la ratification du traité de Lisbonne (07-02-08), le groupe socialiste avait 121 pour, 25 contre et 17 abstentions.
Et votre nom n'apparaissait pas :
http://www.assemblee-nationale.fr/13/scrutins/jo0083.asp
Rédigé par : Jacques | 20 décembre 2010 à 01:35