Trois arguments doivent être développés, pour se démarquer des tenants de l’orthodoxie budgétaire et rassembler les partisans d’un changement de modèle économique :
1) La règle d’or n’est pas crédible. Dans sa version allemande et espagnole, elle impose un déficit structurel proche de l’équilibre (0,37% en Allemagne). Le déficit structurel français est, selon les calculs de l’OFCE, proche de 3% du PIB (pour un déficit courant en 2011 sans doute supérieur à 6%). 3% du PIB correspondent à 60 milliards d’euros. Dans l’hypothèse où la France parvenait à réduire ses déficits à 3% en 2013, il faudrait donc opérer une ponction supplémentaire de 60 milliards dans le budget 2013 si l’on appliquait, comme le suggèrent certains socialistes, la règle d’or, pour atteindre un déficit structurel nul. Compte tenu du retournement conjoncturel en cours, les effets récessifs d’une telle amputation seraient incommensurables. Dans ce cas, les recettes fiscales escomptées feraient défaut et les déficits ne se réduiraient pas…
L’application de la règle d’or est d’autant moins crédible que le retournement de la conjoncture compromet sérieusement la trajectoire de réduction de 6 à 3% en deux ans. La Commission et le Conseil considérait déjà le scénario remis par le Programme National de Stabilité français comme trop optimiste. Celui-ci tablait sur une croissance de 2% en 2011, 2,25% en 2012 et 2,5% en 2013. Le gouvernement vient de revoir ces prévisions. Il anticipe 1,75% en 2011 et 2012 là où les conjoncturistes travaillent sur des hypothèses de 1,6 pour 2011 et 1,4 pour 2012. Sous les hypothèses retenues par Fillon, une ponction de 11 milliards est déjà nécessaire en 2011 et 2012. On n’ose imaginer l’ampleur des mesures d’austérité à adopter en 2012, si la règle d’or devait s’appliquer avant le vote du budget 2013.
Dans l’état actuel de la conjoncture, aucun macroéconomiste avisé ne croit en la possibilité de revenir à un déficit de 3% en 2013, et encore moins d’appliquer une règle d’or de déficit structurel nul.
2) La règle d’or inscrirait dans le marbre de la constitution un principe de politique économique néo-libérale encadrant sévèrement l’intervention publique. Elle rencontrera le même rejet que celui dont a fait l’objet la partie III du défunt Traité constitutionnel. Ce principe interdit de facto la conduite de politiques anti-cycliques, permettant, compte tenu des fluctuations de la conjoncture, de maintenir l’économie en plein-emploi. Elles ont été timidement utilisées au cours de la crise des subprimes. Elles ont néanmoins permis de recapitaliser les banques et relancer la croissance. Alors que les taux d’utilisation des capacités de production n’avait pas recouvert leurs niveaux normaux, le retrait prématuré des mesures de soutien, complété par le retour des politiques néo-conservatrices dures, explique en grande partie le retournement conjoncturel actuel. La généralisation des plans d’austérité dans toute l’Europe renforcera le caractère pro-cyclique des politiques néo-conservatrices (en phase de récession, on serre la vis). Au contraire, ce sont des mesures budgétaires anti-cycliques qui s’avèreront dans les mois qui viennent pragmatiquement nécessaires pour recapitaliser les banques et relancer l’activité. Certains objecteront l’épuisement des marges de manœuvres budgétaires. Pourtant, la donne serait rebattue si les banques, détentrices des dettes souveraine et menacées de faillite, transféreraient à l’Etat, en cas de recapitalisation, leurs propres créances sur l’Etat lui-même. En clair, l’Etat n’aurait donc plus de créanciers à rembourser. Cela n’est en aucun cas immoral si l’on considère que la dette résulte des effets pervers des politiques fiscales néo-conservatrices et est en grande partie illégitime. L’Etat pourrait de surcroît en profiter pour imposer, cette fois, les contreparties qu’il n’a pas osé demander au système financier en 2008 (séparation des acticités de dépôts et d’affaire, interdiction des ventes à nu sur les opérations non commerciales, interdiction de spéculer sur les CDS souverains, encadrement de la titrisation et des marchés dérivés… etc).
3) Il est possible de réduire le déficit structurel sans sacrifier l’investissement dans l’avenir. Nous proposons une réforme fiscale qui devrait raisonnablement permettre de réduire de 20 milliards le déficit structurel (ceci est bien plus réaliste que la ponction de 60 milliards précédemment évoquée). Le déficit structurel serait alors de l’ordre de 2%. Pour préparer l’avenir, nous opposons à la règle d’or néo-libérale un pacte d’investissement. Nous proposons, à l’instar du PSE et du groupe S et D au Parlement européen d’exclure les dépenses d’investissement du calcul des déficits. Celles-ci représentent actuellement 3% du PIB (elles sont réalisées pour deux tiers par les collectivités territoriales) et sont susceptibles de croître pour compenser le déficit d’investissement privé.
Si ces propositions étaient d’ores et déjà appliquées en 2011, sur un déficit courant de 6 %, le déficit affiché ne serait plus que de 3%. Il comprendrait une partie structurelle, 2% et une partie conjoncturelle, 1%, correspondant au jeu des amortisseurs sociaux, appelés à se retirer lorsque la reprise est consolidée. De quoi émettre des signaux rassurants à l’opinion et aux marchés…
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