De plus en plus souvent, les collectivités locales sont confrontées à des difficultés de financement de leurs projets, en particulier en matière d’investissement. Ces difficultés sont de deux ordres, d’une part la difficulté à générer une épargne nette sur leur budget de fonctionnement, d’autre part les difficultés d’accès aux financements bancaires.
En matière de fonctionnement, les collectivités sont confrontées à un redoutable effet-ciseau. Leurs dépenses, à compétences égales et sans recrutements nouveaux, tendent à augmenter. Les fluides (carburants, gaz…) connaissent des hausses de tarifs importantes. La masse salariale évolue a minima au rythme de l’ancienneté et des progressions de carrière. Les politiques de solidarité sont encore plus sollicitées du fait de la crise économique et de la précarité croissante. Face à ce dynamisme presque naturel de leurs dépenses – illustré par un indice des dépenses communales plus fort que l’indice général des prix – les recettes sont elles très contraintes. La crise économique et sociale interdit le recours à la fiscalité locale qui est par ailleurs très injuste, et l’Etat réduit chaque année ses dotations de fonctionnement en particulier pour les communes connaissant une faible croissance démographique. Dépenses difficiles à maîtriser, recettes qui stagnent ou décroissent… le résultat est évidemment une difficulté à générer une épargne nette pour financer les investissements.
En matière d’investissement justement, les collectivités rencontrent là encore deux difficultés. La première réside dans la baisse des participations financières de l’Etat et de leurs autres partenaires. Mais surtout, c’est l’accès au financement bancaire qui se complique.
Nombre de collectivités n’obtiennent pas de réponse à leurs demandes de crédits bancaires. Lorsqu’elles en obtiennent, les taux s’envolent et les conditions se durcissent notamment pour la durée du remboursement. Les collectivités paient tout à la fois la dégradation de la politique économique et fiscale de l’Etat, la volatilité des marchés financiers mais aussi le comportement des acteurs de ce marché qui préfèrent souvent placer leurs avoirs dans les banques centrales, à la fois pour respecter les nouvelles règles prudentielles dites « Bale3 » mais aussi souvent aux dépens de leur rôle pour le financement de l’économie et du développement. Enfin, la défaillance du principal acteur bancaire du monde local a aggravé cette situation.
Il faut se souvenir que les collectivités assurent plus de 70% de l’investissement public en France, soit environ 52 milliards d’euros pour 2012. Aujourd’hui, environ le quart de cet investissement n’est pas financé de manière certaine. Laisser perdurer une telle situation porte le risque d’un mauvais coup porté à l’économie et en particulier aux entreprises locales, premières bénéficiaires de la commande publiques.
Les associations d’élus ont réagi. Leur projet majeur est la création d’une agence de financement local qui garantirait les prêts contractés directement sur les marchés financiers au profit des collectivités participant à l’agence. Las, dans un rapport rendu public le 13 mars dernier, le Gouvernement pointe les difficultés d’un tel projet. “La création d’une agence financière reposant sur une approche entièrement nouvelle dans un contexte de recomposition de l’offre de prêts aux collectivités présente un degré de complexité important”, constate le rapport.
Dans leurs scénarios, les font l’hypothèse d’une notation optimale de la future agence (AAA ou AA+). C’est un préalable indispensable pour emprunter sur les marchés dans des conditions financières satisfaisantes. Or, la dégradation de l’Etat hypothèque fortement cette possibilité.
Par ailleurs, pour garantir les prêts auprès des marchés, l’agence devra disposer de fonds de réserves initiaux “d’un montant considérable” et ce en amont de la création de l’agence qui risque donc d’être endettée avant même d’avoir agi
Enfin, le rapport souligne qu’en l’état actuel du droit « les collectivités locales, leurs groupements et leurs établissements publics locaux ne sont pas autorisés à consentir des aides qui ne répondent pas à un intérêt local ». C’est un frein supplémentaire qui, avec les autres, obligent les élus à l’initiative du projet d’agence de revoir sa mise en œuvre.
Trois grandes responsabilités apparaissent à ce stade. La première est celle conjointe de la Caisse des Dépôts et de la Banque Postale, les deux acteurs bancaires chargés de la reprise des actifs, et du passif, de Dexia. Ils doivent absolument proposer une offre bancaire opportune et stable aux collectivités. La deuxième est celle du monde bancaire en général qui doit intégrer que le financement de l’économie est un devoir et, dans le cas présent, une contrepartie à l’effort national consenti pour leur sauvetage. Enfin, il revient à l’Etat d’agir, d’abord pour rappeler les deux premières responsabilités, mais aussi pour restaurer un climat de confiance avec les collectivités locales et garantir à celles-ci le montant des dotations et une vraie visibilité sur les évolutions de celles-ci.
Enfin, les collectivités locales elles-mêmes doivent agir. Elles le font déjà mais elles doivent encore renforcer leur politique d’investissement et de maîtrise de leur fonctionnement.
L’enjeu est d’importance. Les investissements d’aujourd’hui sont le socle des politiques publiques de demain, en matière scolaire, culturelle, de solidarité, de petite enfance ou de sport, comme en matière de développement et d’aménagement du territoire.
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