Avec 14 collègues parlementaires, nous avons formé un club pour une "gauche durable". A la fois pour dire notre volonté de construire un nouveau modèle de croissance, basé sur un respect de l'environnement, l'égalité des territoires et des droits, mais aussi de nouvelles pratiques politiques. Nous considérons aussi que l'Europe doit être réorientée et c'est pourquoi nous avons interpellé le Président de la République et le Premier Ministre.
Par Pervenche Berès, Christian Paul, Laurence Rossignol, Pouria Amirshahi, Philippe Martin, Philippe Baumel, Brigitte Bourguignon, Philippe Cordery, Olivier Dussopt, Daniel Goldberg, Chaynesse Khirouni, Arnaud Leroy, Philippe Plisson, Barbara Romagnan, parlementaires socialistes de la Gauche Durable.
Monsieur le Président de la République,
Beaucoup de nos concitoyens observent, avec inquiétude, le cours des affaires de l’Europe. Refusant de céder à la tentation du repli, ils attendent une nouvelle ambition européenne.
En effet, la crise, avec sa croissance faible, sa monnaie fragilisée, ses budgets nationaux exsangues et le chômage installé, éclaire crument l’impuissance collective à construire un cadre de décision démocratique, au service des citoyens européens.
La France entretient avec l’Europe un rapport ambigu, mêlant exigence et déception, attachement et distance, désir de protection et crainte de dépossession. Le malentendu européen s’est nourri de la montée de thèses souverainistes et de la difficulté de la gauche à porter d’une même voix le projet européen. Une nouvelle occasion s’ouvre à nous aujourd’hui.
Vous avez conduit la gauche à la victoire car vous avez su dépasser le débat entre plus ou moins d’Europe et rassembler les Français dans une ambition commune. Pour autant, cette réconciliation est fragile et peut se fissurer. La discorde sur l’Europe ébranlerait la puissance publique face à la crise financière, menacerait la cohésion nationale et affaiblirait la majorité que vous avez su réunir.
Avec beaucoup d’autres parlementaires et, quel que soit le vote émis par chacun lorsque viendra la ratification du traité, nous pensons que ces inquiétudes appellent une parole publique forte.
Votre engagement pour que l’accord, initialement accepté par votre prédécesseur, ne soit pas validé en l’état est connu et apprécié. L’initiative de croissance est le fruit concret de cette volonté. Les Français, et beaucoup d’Européens, espèrent de vous et de la France.
Nous les savons disponibles pour soutenir les initiatives que vous prendrez afin d’établir un nouveau rapport de forces pour un changement en Europe. Ils souhaitent être partie prenante des choix collectifs, mais ils veulent aussi évaluer l’efficacité des décisions proposées et être assurés que la répartition de l’effort sera juste, en France comme en Europe, et entre les générations.
Ces citoyens veulent surtout que se dessine une perspective durable pour l’Europe, et pour la France dans l’Europe. Ils veulent savoir quelle vision du futur inspire chaque étape, pour comprendre le moment présent. Ils ont le sentiment que les sacrifices sont toujours pour aujourd’hui et les contre parties toujours pour demain.
Nous devons dire clairement, dans la compétition économique mondiale, que ce sont des continents qui se mesurent. Nous devons affirmer le choix d’une Europe aussi forte de ses industries, de la qualification et de la formation des hommes et des femmes que de son modèle social. Nous devons conforter le leadership de l’Europe dans la transition écologique et assurer ainsi son indépendance énergétique.
Il est urgent de porter avec vigueur dès cette année ce projet dans toutes les instances de l’espace public européen.
Les propositions de la droite allemande pour un fédéralisme de contraintes se bornent à transférer à l’Union Européenne le contrôle budgétaire et la sanction des États contrevenants. La nécessaire construction démocratique et politique de l’Europe, l’essentiel, en est absent.
Il faut oser la démocratie. Seul un « saut démocratique » fera progresser la confiance des citoyens, en réalisant une avancée politique qui permette aux Européens d’orienter réellement par leur vote le choix de leurs dirigeants et le cours des politiques européennes.
Pour cela il nous faut plus d’Europe. Mais les transferts de souveraineté doivent être réalisés au bénéfice des citoyens et des salariés européens et non au service exclusif des acteurs économiques et financiers.
Nous avons besoin d’une Europe de l’emploi, une Europe de l’énergie, une Europe de la recherche, une Europe industrielle. Nous avons besoin d’une Europe offensive pour sortir de la crise sociale, environnementale et identitaire qu’elle traverse.
Comme nos concitoyens, nous attendons un grand projet pour l’Europe. Les échéances ne manqueront pas, dès les prochaines semaines, pour que la France puisse l’exprimer par votre voix. Votre légitimité en sortira renforcée, en France et en Europe.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre profond respect.
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