Beaucoup d’habitants du Nord Ardèche et de salariés du Crédit immobilier (CIF) de France m’ont interpellé au sujet des difficultés rencontrées par cet établissement bancaire. Les salariés avec une inquiétude légitime quant à leurs emplois. Les habitants avec un attachement pour cet organisme qui a permis à beaucoup l’accession à la propriété.
Le CIF rencontre de graves difficultés depuis plusieurs mois et même plusieurs années. Il est regrettable que les dirigeants précédents et le ministère de l’Economie n’aient pas réagi plus tout. Le nouveau ministre, Pierre Moscovici a trouvé une situation extrêmement dégradé qui l’a conduit à préconiser une intervention de l’Etat et à en demander l’autorisation, sous conditions, auprès de la Commission Européenne.
Pour bien cerner le sujet, il faut prendre un peu de recul. Le CIF, créé en 1908 et historiquement proche du mouvement HLM, est le seul établissement financier indépendant spécialisé dans le crédit immobilier aux particuliers. Il dispose de 300 agences dans toute la France, employant 2 500 personnes, réparties au sein de 10 sociétés régionales. Cet ancrage confère au CIF une connaissance précise des marchés immobiliers locaux. Le CIF est la propriété de cinquante-six sociétés anonymes coopératives d’intérêt collectif pour l’accession à la propriété (SACICAP). Ces dernières sont des opérateurs maîtrisant l’ensemble de la problématique de l’accession à la propriété. Elles apportent localement, en concertation avec les collectivités, des réponses extrêmement diversifiées et complémentaires pour tous les statuts d’habitat. Elles sont ainsi un outil particulièrement efficace au service de la mixité sociale, de la cohésion territoriale et de la diversité de l’habitat.
Le CIF a comme mission d’accompagner tous les ménages dans leurs parcours immobiliers, de favoriser l'accession à la propriété au plus grand nombre de ménages, y compris les populations à faibles revenus, et enfin de participer à la vocation sociale du réseau PROCIVIS qui, au travers de ses Missions Sociales, intervient pour régler des problèmes de mal logement en s'inscrivant dans les dispositifs publics.
Le CIF gère 33 milliards d’euros de prêts aux particuliers et dispose de 2,4 milliards d’euros de fonds propres. Cette institution présente un mode de financement particulier. En effet, le CIF se finance à travers des structures financières, qui émettent des obligations à long terme achetées par des investisseurs institutionnels. Avec cet argent, elle fait des prêts d’accession à la propriété pour des ménages modestes, qui se sont généralement vus refuser un prêt immobilier par les réseaux bancaires classiques.
Le CIF présente donc la particularité de se financer uniquement sur les marchés puisqu'il ne collecte pas de dépôts.
Ce n’est pas, à proprement parler, la crise économique qui est à l’origine de l’effondrement des liquidités du CIF, mais plutôt les dégradations successives de la note de l’institution par Moody’s au cours de l’année 2012. Ces dégradations ont dissuadé les investisseurs institutionnels d’acheter les obligations émises par le CIF pour se refinancer et pouvoir accorder des prêts. Ces dégradations s’expliquent par le fait que le modèle de financement du CIF, faisant presque exclusivement appel au marché, a été fragilisé par la crise et qu’il est remis en cause pas les nouvelles normes prudentielles Bâle III (concernant entre autres le niveau des liquidités des établissements bancaires).
Ce jugement était partagé par l’Autorité de contrôle prudentiel, régulateur des banques en France. L’ACP considérait que les caractéristiques du CIF, concentré sur un seul métier, peu rémunérateur, obligeaient à terme l’institution à revoir son modèle économique. Il eut fallu adosser le CIF à d’autres partenaires financiers mais les dirigeants d’alors n’ont pas mené cet effort jusqu’à son terme. Faute de partenaires solides, le CIF se trouvait encore plus fragilisé.
L’agence Moody’s a dégradé une dernière fois la note du CIF en août 2012, dégradation qui signifiait le dépôt de bilan à venir de l’établissement.
Ces dégradations successives de la note du CIF par Moody’s ont rendu impossible le refinancement de l’institution sur les marchés financiers. Le CIF risquait de ne plus pouvoir rembourser ses prochaines échéances de dette. Pour éviter le dépôt de bilan, le gouvernement Ayrault a décidé d’accorder, début septembre, une première garantie de 4,7 milliards d’euros au CIF pour lui permettre d’honorer ses échéances immédiates. Le plafond total de cette garantie sera porté à hauteur de 20 milliards d’euros lors de l’adoption de la loi de finances pour 2013. Par contre, une telle opération nécessite l’accord de la commission européennes et la contrepartie exigée par cette dernière en cas de plan de garantie d’Etat, est la gestion en extinction du CIF. Ainsi, l’établissement va gérer le stock de crédits existants, mais l’activité de production de nouveaux prêts s’arrête.
La disparition progressive du CIF peut entraîner, de fait, la suppression de 2 500 emplois. Cette disparition pose une autre question : qui va désormais assumer le rôle de distributeur de prêts immobiliers à caractère social ? Le CIF est une institution unique en son genre, dont les activités ont permis aux ménages les plus modestes d’accéder à la propriété, notamment grâce au dispositif de prêt à taux zéro. La problématique du logement est une des priorités du gouvernement : avec la disparition du CIF, il va être indispensable de créer de nouveaux mécanismes pour favoriser l’accession à la propriété pour les plus modestes. À fortiori, les actionnaires du CIF, qui sont des sociétés d’investissement liées à des collectivités territoriales, principalement des sociétés HLM, vont se retrouver dans une situation financière précaire.
Lors de la séance de questions au Gouvernement, Pierre Moscovici a résumé la position du gouvernement. Le fait que l’Etat accordera sa garantie au CIF, sous réserve de respecter les conditions imposées par la Commission Européenne, donne le temps et les moyens pour préserver l’emploi et pour préserver l’activité de prêt afin de la diffuser vers d’autres établissements financiers. C’est l’engagement du Gouvernement.
D’autres dossiers importants sont périphériques à cette affaire du CIF. Ainsi, par exemple, des filiales de celui-ci ont participé au montage des dossiers financières dans l’affaire dite « Appolonia » et aujourd’hui, les victimes de cette escroquerie présumée s’inquiètent de savoir qui pour les indemniser en cas de liquidation du CIF.
Commentaires