Le président de la République et la majorité affrontent les trois déficits hérités de la droite : déficits financier, d'emploi et de compétitivité. S'y ajoute, notamment depuis que la zone euro a replongé dans la récession, un déficit massif de demande : le taux d'utilisation des capacités de production est inférieur de près de quatre points à la normale.
Redresser le pays exige de réduire tous ces déficits, mais l'activité des entreprises est si fragile et la vie quotidienne des ménages si difficile que le sursaut face au déclin impose un pilotage économique adapté. Il est rare d'être confronté simultanément à un déficit de demande et à un défaut d'offre compétitive. Il est plus rare encore d'avoir à les résoudre alors que la réduction de la dette appelle celle, rapide, du déficit des finances publiques. De même qu'un médecin doit d'abord stopper l'hémorragie avant de prodiguer les traitements indispensables, il faut répondre à l'urgence : le chômage et la dette. C'est le sens du projet de loi de finances bâti par le gouvernement. En ramenant le déficit à 3 % dès 2013, il inverse la courbe de la dette dès 2014. Tout en réduisant des dépenses inefficaces, il soutient trois priorités : l'emploi, l'éducation et la sécurité.
En même temps, toute hausse générale des impôts est récusée. L'essentiel de l'effort est réclamé aux plus hauts revenus et aux très grandes entreprises. La consommation et l'emploi, moteurs de la reprise, sont préservés. Pour engager cette politique, le préalable a consisté, l'été dernier, à supprimer le pseudo-choc de compétitivité décidé avant la présidentielle par Nicolas Sarkozy à travers le transfert des cotisations sociales patronales sur la TVA. Dans une situation d'effondrement de la demande, c'est l'idée même d'un transfert de prélèvements des entreprises vers les ménages qui était dangereuse. Elle le reste.
Entre droite et gauche, le débat ne porte pas sur l'existence d'un déficit de compétitivité de notre économie, mais sur sa nature et sur les solutions à y apporter. Pour les libéraux conservateurs, la compétitivité se réduit au coût du travail. Pourtant, si l'Allemagne réalise un excédent commercial de 150 milliards d'euros et si la France accuse un déficit de 70 milliards – dans la même zone monétaire –, ce n'est pas en raison du niveau des salaires (ils sont identiques dans l'industrie, à l'exception de l'agroalimentaire) ni du temps de travail (les Français travaillent en moyenne 38 heures par semaine, contre 35,5 heures pour les Allemands). L'Allemagne investit dans la formation initiale et continue, assure le financement décentralisé des PME, structure les entreprises de taille intermédiaire, mise sur le dialogue social. Surtout, elle spécialise son industrie pour répondre à la demande des pays émergents et se positionne sur le haut de gamme. C'est le cas dans l'automobile ou les machines-outils.
En même temps, la déréglementation du travail outre-Rhin a fait que 2,5 millions de personnes travaillent pour moins de 5 euros de l'heure dans un pays qui n'a pas de smic. Quant au "tout export", il n'a été possible que parce que gouvernement et patronat allemands ont sous-traité une partie de la production dans les pays à bas coût d'Europe centrale et orientale, préférant ainsi l'"Europe-concurrence" à l'"Europe-croissance".
Pour la gauche, une réduction générale du coût du travail, jamais suffisante pour ceux qui la réclament, n'est un service à rendre ni aux entreprises ni à leurs salariés. C'est même la double peine puisqu'elle entérine la "moyennisation" de nos produits et la précarisation du travail et de son revenu. Ce qu'attendent les entrepreneurs et les salariés, c'est que soient financés leurs projets pour innover, grandir, exporter, amorcer ou transmettre leur activité. C'est le sens de la réforme bancaire et de la Banque publique d'investissement sous forme de fonds régionaux que nous mettrons bientôt en œuvre.
Autre exigence : une politique industrielle digne de ce nom après une décennie de démission. La France paie au prix fort l'écart grandissant entre les grandes entreprises insérées dans la mondialisation et la masse des PME peu présentes sur les marchés extérieurs. Elle souffre aussi d'une gamme de produits trop peu innovants et trop vulnérables aux variations de prix, donc au cours de l'euro ou à l'évolution des coûts salariaux.
L'alternative réside dans la constitution de filières industrielles forgeant les réseaux de compétences entre grands donneurs d'ordres et sous-traitants, anticipant les métiers en tension, engageant la conversion technologique et énergétique des secteurs d'activité. C'est le redressement productif ! Dans ce contexte, développer la fiscalité écologique, embryonnaire en France, en l'accompagnant d'un allégement des prélèvements sur le travail, pourrait favoriser la bonne compétitivité.
Enfin, nos savoir-faire doivent être protégés dans la compétition internationale. Soit de façon offensive – par exemple par le crédit impôt recherche –, soit de manière défensive – en interdisant, dans le cadre européen, l'accès de nos marchés publics aux Etats qui ne respectent pas les normes sociales ou environnementales en vigueur dans l'Union.
Le déficit de compétitivité français est d'abord un déficit de stratégie industrielle. Y répondre passe par une politique globale, cohérente et continue. C'est celle qui a été engagée avec l'alternance.
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