Ministre délégué à l’économie sociale et solidaire et à la consommation, Benoît Hamon est aussi un des leaders de l’aile gauche du Parti socialiste, critique sur la ligne social-démocrate du gouvernement. Une contradiction exprimée lors du dernier débat interne au PS sur l’Europe.
Comment analysez-vous les résultats de l’élection de Villeneuve-sur-Lot ?
J’ai vécu le 21 avril 2002 comme un choc. Il ne faut pas être dans le déni. Il y a évidemment un contexte particulier : le mensonge de Jérôme Cahuzac, une élection partielle, une gauche qui réussit mieux quand elle est rassemblée… Mais le fait que l’on perde 14 000 voix en un an et que le FN augmente en dépit d’une participation en baisse, montre qu’il y a une dynamique favorable à l’extrême droite. Elle repose, pour une partie des classes moyennes et populaires, sur des résultats qui se font attendre. Dans une France démolie par le chômage de masse depuis dix ans, beaucoup de Français se détournent du politique. Ce qu’on attend naturellement de la gauche, ce n’est pas qu’elle se livre à des commentaires de mauvaise sociologie électorale, mais qu’elle soit capable de proposer une amélioration de l’horizon personnel des Français qui permette de dépasser la crise.
Vous avez été accusé d’utiliser le PS pour critiquer une position que vous soutenez pourtant au gouvernement… Etes-vous dans un double jeu ?
C’est mal connaître les intentions du président que de penser que le gouvernement a été composé à son initiative pour neutraliser des personnes ! Au sein du gouvernement, on peut parler, et heureusement tout ne finit pas sur la place publique. Après, il est vrai que je suis un ministre qui s’intéresse à ce qui se passe dans son parti.
Comment jugez-vous le texte du PS sur l’Europe ?
Je me réjouis de ce texte sur le fond. Car il faut se débarrasser de cette culture du péché que l’on a pu entretenir à l’égard des critiques formulées contre l’Europe. L’engagement de la gauche pour l’Europe est ancien et robuste. C’est pourquoi on a le devoir de s’insurger, sans s’excuser, contre ceux qui ont une conception punitive du projet européen à l’égard des modèles sociaux et qui veulent tout réduire à un troc commercial.
Que répondez-vous à M. Barroso qui juge réactionnaire la défense de l’exception culturelle ?
C’est une invraisemblable bêtise. A entendre M. Barroso, ce serait presque la culture qui serait réactionnaire ! Dans mon domaine, je lui demande ce qu’il a fait pour tirer les conséquences de l’affaire de la viande de cheval. La France a fait des tests ADN, favorisé les contrôles et assaini la filière. Qu’a fait Bruxelles, compétente sur la sécurité alimentaire ? Rien, sinon avancer de quelques semaines un rapport d’étape qui ne laisse pas présager de progrès réel pour protéger le consommateur européen.
Etes-vous à l’aise avec la stratégie européenne de M. Hollande ?
La position du président est de réorienter la construction européenne. Plus que sur le tumulte ou le vacarme, c’est sur un rapport de force et un travail de conviction que repose la recherche de résultats. Il a déjà obtenu plusieurs victoires incontestables. Comme le fait que la Commission accepte une révision de la mise en oeuvre du pacte de stabilité, donc prenne acte qu’il fallait ralentir le rythme pour favoriser la croissance.
N’avez-vous pas dilapidé une partie de votre capital politique à l’aile gauche du PS en jouant le bon élève de l’exécutif ?
Le problème n’est pas de savoir ce que j’aurais perdu. Moi, je suis loyal à ce collectif qu’est le gouvernement, comme je suis loyal à mon parti. Personne ne pourra prospérer sur l’échec de la gauche au pouvoir. Si l’on échoue, qui va trinquer ? Les Français les moins aisés, ceux qui sont en logement social, qui enchaînent les petits boulots, les fonctionnaires, les employés… Je n’indexe pas mes prises de position publiques sur le nombre de voix de mon courant dans les sections socialistes. Quand il y aura des rendez-vous démocratiques au PS, je répondrai présent et je m’exprimerai.
En quoi vos projets de loi vous permettent-ils de défendre cette ligne ?
Nous n’éliminerons pas tout le chômage ni toute la pauvreté d’ici à 2017, mais nous avons quatre ans pour faire reculer le désespoir, qui alimente le vote FN. L’horizon collectif proposé par la gauche doit être, dans tous les domaines, de redonner du pouvoir aux Français sur le cours de leur vie. Les lois que je vais défendre vont y contribuer. La loi consommation va redonner du pouvoir d’achat, du pouvoir au consommateur avec l’action de groupe, du pouvoir pour lutter contre le surendettement. La loi sur l’économie sociale va favoriser les reprises d’entreprises par les salariés et un mode d’entreprendre qui associe les salariés et les usagers.
Sur les retraites, la gauche invoque une durée de vie plus longue pour justifier l’allongement de la durée de cotisations. Ne critiquiez-vous pas ce raisonnement quand la droite était au pouvoir ?
Il n’y a pas de raison qu’on ne discute pas de tout. Mais il y a une réalité qui m’interpelle. Quand vous regardez l’espérance de vie des gens qui partent à la retraite, les ouvriers qui vont vivre peu auront cotisé toute leur vie pour ceux qui vont vivre longtemps. Le débat sur la pénibilité a été renvoyé aux partenaires sociaux, et certains ont intérêt à le complexifier. Il faut que la réforme des retraites avance sur cette question.
Bastien Bonnefous et David Revault d’Allonnes
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