Acteurs publics - le 9 février 2015
À quelques jours des discussions en séance à l’Assemblée nationale, le 17 février, sur la clarification des compétences territoriales, le rapporteur du projet de loi, Olivier Dussopt, défend les modifications apportées en commission des lois.
Comment jugez-vous les évolutions de projet de loi sur la Nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) apportées par la commission des lois de l’Assemblée nationale ?
Le bilan est très satisfaisant. En tant que rapporteur du texte, mon objectif était double. Il consistait d’abord à rétablir l’ambition initiale du gouvernement sur certains points sur lesquels le Sénat était revenu. Je pense à la compétence économique des Régions, au rôle des Métropoles ou au rôle des Départements en matière d’accessibilité aux services publics. Ensuite, à tracer le chemin d’un compromis – notamment sur la question du seuil de population des intercommunalités – qui puisse rassembler Sénat et Assemblée nationale. Je pense que nous y sommes parvenus.
Vous avez gommé les modifications sénatoriales en matière économique…
Nous avons rétabli la compétence économique exclusive des Régions tout en affirmant que les autres niveaux de collectivités, notamment les intercommunalités, pourraient intervenir aux côtés de la Région dans le cadre de conventions et dans le respect des orientations régionales. Nous avons rétabli le caractère prescriptif du SRDII [schéma régional de développement économique d’innovation et d’internationalisation, ndlr] et du SRAT [schéma régional d’aménagement du territoire, ndlr] tout en apportant quelques précisions sur leur élaboration et leur modalité de mise en œuvre. Ces clarifications étaient importantes.
Pourquoi avoir rétabli le seuil de 20.000 habitants pour les intercommunalités alors que ce seuil pose problème dans certains territoires ?
J’ai effectivement proposé cet amendement rétablissant le seuil de 20.000 habitants pour les intercommunalités, que le Sénat avait supprimé. Mais en l’assortissant de dérogations plus faciles à objectiver que ce qui était écrit dans le texte initial du gouvernement. La première dérogation tient aux zones de montagne et de littoral, pour lesquelles il faut faire preuve de souplesse. La deuxième, que je vais continuer à porter en séance, concerne les intercommunalités ayant fusionné ces dernières années. Elles doivent pouvoir bénéficier d’un délai de repos. On ne peut pas demander aux élus de fusionner tous les trois ans [le gouvernement souhaite que les intercommunalités actent leurs rapprochements avant 2016 pour une mise en œuvre au plus tard en 2020, ndlr]. Un mouvement très important de fusions a été opéré au 1er janvier 2014, c’est encore très frais. La troisième dérogation porte sur la création d’un mécanisme tenant compte des faibles densités de population. Les préfets devront adapter le seuil de 20.000 habitants dans les territoires ayant une densité très inférieure à la moyenne. En prenant en compte le critère de faible densité défini par l’Insee, soit moins de 30 habitants au kilomètre carré, il faudrait 60 kilomètres carrés pour atteindre le seuil de 20.000 habitants…
Le transfert des politiques locales de l’emploi aux Régions par le Sénat a provoqué quelques tensions avec le gouvernement…
Sur la question des services publics de l’emploi, nous avons procédé à des modifications par rapport à ce qu’a voté le Sénat. Les sénateurs n’ont pas voté une décentralisation mais des dispositions permettant d’améliorer l’implication des Régions. Il ne faut surtout pas déstabiliser Pôle emploi dans la période de chômage que l’on connaît. Il faut dans le même temps être en cohérence avec ce que l’on demande aux Régions en matière de formation et de développement économique, et donc d’emploi. L’une de nos collègues, Monique Iborra [députée PS de la Haute-Garonne, ndlr] a fait adopter la possibilité de lancer des expérimentations dans certains territoires pour décentraliser des politiques de l’emploi. Certaines conditions sont prévues : il faut que l’État et la Région soient volontaires et que Pôle emploi soit d’accord. On verra ce qu’il en ressort pendant les débats dans l’Hémicycle. Certaines crispations sont apparues entre celles et ceux qui revendiquent une forme de décentralisation et celles et ceux qui considèrent que Pôle emploi doit rester un service national.
L’avenir des Départements fait également débat. Quelle est votre position ?
La commission des lois a rétabli les dispositions prévoyant que le Département aura son mot à dire sur l’organisation des services publics tant au travers des maisons de service au public que dans le schéma départemental d’accès aux services publics. Nous sommes allés plus loin que le texte initial du gouvernement, que l’on trouvait un peu imprécis.
Autre sujet sensible : les relations futures entre Régions et Métropoles…
Le Sénat avait mis la stratégie économique des Métropoles sous l’autorité et la prédominance de la Région de manière paradoxale puisque les sénateurs ne souhaitaient pas confier autant de compétences économiques aux Régions que ce que le gouvernement voulait leur transférer. Nous avons rétabli le texte initial : faute d’accord entre Régions et Métropoles, la Métropole doit prendre en compte les orientations régionales. Il y a une forme de prédominance, mais il y a surtout cette possibilité d’un accord. Je n’imagine pas qu’une Région puisse travailler sans la Métropole de son territoire.
Le dernier point de tension concerne les compétences transférées des Départements aux Régions...
On sait que le gouvernement renonce à transférer la gestion des collèges aux Régions, puisqu’il n’a pas demandé son rétablissement en commission. Restent les débats sur la voirie et les transports scolaires, qui sont les plus ouverts. Les élus de droite et de gauche n’ont pas la même position au sein même de leur groupe politique. Pour moi, ce n’est pas le nœud de la réforme. Le plus important, c’est la spécialisation des compétences. Que les Départements gardent les routes ou que les Régions les prennent n’a pas une importance majeure à mes yeux tant qu’on sait qui fait quoi.
Les discussions en séance débuteront le 17 février. Pensez-vous qu’elles seront agitées ?
Les sujets relatifs aux collectivités sont souvent techniques, rarement enflammés. Chacun défendra sa position : régionalistes et départementalistes, Régions et Métropoles… Je suis sûr que nous arriverons à une réelle clarification entre chaque niveau de collectivité.
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