Réunis à Paimpol les 18 et 19 juin 2015 dans le cadre des XVIIIème Assises de l’Association des Petites Villes de France (APVF), présidée par Olivier Dussopt, les maires des petites villes lancent un appel solennel au Gouvernement afin que les réformes territoriales contribuent au dynamisme de nos territoires, à la croissance économique et à la cohésion de notre société. Ils demandent également une réelle prise de conscience de la gravité de la détérioration de la situation financière des collectivités locales.
Pour une réforme territoriale qui simplifie l’action publique
L’APVF a toujours appelé à une simplification du paysage administratif français, afin de clarifier le rôle respectif de l’État et de chaque niveau de collectivités locales, tout en préservant la clause générale de compétence des communes.
En ce qui concerne la répartition des rôles à l’intérieur du bloc local, l’APVF rappelle les principes qu’elle a toujours défendus :
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Les maires de petites villes refusent très majoritairement le passage de l’intercommunalité à la supracommunalité. L’élection des conseillers communautaires, qui se déroule au suffrage universel direct depuis mars 2014, doit continuer à être organisée au niveau de chaque commune.
- Les transferts de compétences ne doivent s’opérer que dans les domaines où l’intercommunalité est mieux à même d’intervenir que les communes membres. En matière de Plan local d’urbanisme, la loi ALUR de 2014, en empêchant le transfert de la compétence quand une forte minorité de communes s’y oppose, constitue un compromis satisfaisant que le projet de loi NOTRe ne doit pas remettre en cause. L’APVF rappelle qu’un PLUI ne peut être que l’aboutissement d’une co-construction entre communes membres. Ce souci de subsidiarité amène l’APVF à être défavorable au transfert obligatoire et systématique aux intercommunalités des compétences Eau et Assainissement, alors que les modes de gestion, au niveau des communes membres, sont encore très divers. De même, le transfert de propriété des ouvrages de protection contre le risque d’inondation ne saurait avoir lieu sans véritables ressources pour les entretenir. Enfin, le même souci de subsidiarité justifie que le contenu des compétences intercommunales continue de pouvoir être adapté localement selon la définition de leur intérêt communautaire. Cet intérêt communautaire doit demeurer soumis à une majorité qualifiée du conseil communautaire et non pas à une majorité simple comme prévu en l’état par le projet de loi.
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Les élus locaux doivent conserver le dernier mot en matière d’évolution du périmètre des groupements. En conséquence, l’APVF appelle le Parlement, comme l’a voté l’Assemblée nationale, à assortir le seuil minimal de population des précautions et des dérogations permettant de prendre en compte les particularités des territoires, notamment en cas de faible densité de population, et à conserver, dans le projet de loi en cours de discussion, l’obligation nouvelle imposée au Préfet d’obtenir l’accord préalable de la Commission départementale de coopération intercommunale avant d’imposer un projet de fusion ou d’extension.
Ces trois principes expriment une même exigence : le maire est l’incarnation de l’autorité la plus proche de la population et c’est cette proximité qui le rend indispensable. Cette proximité est d’autant plus impérative aujourd’hui que notre cohésion sociale est mise à l’épreuve.
Pour une défense républicaine du vivre-ensemble
La cohésion de notre société autour des valeurs communes de liberté, d’égalité et de fraternité n’est plus une évidence. Cette crise de nos valeurs républicaines ne s’est pas seulement manifestée dans les attentats atroces que notre pays a subis au mois de janvier. Les maires de petites villes, placés aux avant-postes des pouvoirs publics dans ce domaine comme dans tous les autres, le constatent : les moments de partage et d’échanges ont tendance à se privatiser, à se fragmenter entre communautés, au détriment du vivre-ensemble. Pire encore, ce sont désormais des principes aussi fondamentaux que l’égalité des sexes, la liberté d’expression ou la laïcité qui sont contestés ouvertement et quotidiennement. Ainsi les fragmentations sociales se généralisent, en même temps qu’elles s’approfondissent à la faveur des discriminations et des mécanismes de relégation qu’engendre la crise économique.
Pour la première fois, ce n’est donc pas seulement au Gouvernement et au Parlement que les maires de petites villes lancent un appel, mais à la nation dans son ensemble. La laïcité est un principe vital pour notre avenir : s’il doit être au premier chef respecté par les pouvoirs publics, en ce qu’il impose une obligation de stricte neutralité à l’égard des cultes et interdit toute discrimination entre les usagers du service public en raison de leur religion, il confirme que le service public est conçu pour le bien de tous et ne peut pas être systématiquement adapté pour satisfaire des exigences individuelles.
L’APVF appelle à la fois à une généralisation des conseils locaux de la citoyenneté et du vivre-ensemble qui ont fait la preuve de leur utilité sur le terrain, et à une clarification des zones d’ombre qui placent aujourd’hui les maires dans une situation d’incertitude délicate (carrés confessionnels, parents accompagnateurs, crèches de Noël).
Loin des invectives, excès et provocations qui ont pu être constatés, les maires de petites villes en appellent au dialogue, à la pédagogie et au respect du droit. Mais ces outils ne seront pas suffisants si les moyens concrets de l’action municipale devaient être remis en cause par l’effet d’une réduction excessive et brutale des concours financiers de l’État.
Pour des mesures fortes et urgentes en faveur des finances locales
Alors que les collectivités locales assurent près des trois quarts des investissements publics civils, la réduction annoncée des concours financiers de l’État à hauteur de 12,5 milliards d’euros d’ici 2017 a d’ores et déjà un caractère anxiogène et des effets récessifs sur une économie dont la croissance, si elle semble revenir, selon l’INSEE, reste très fragile.
Certes, des gisements d’économies existent, telle que la mutualisation des services, et les petites villes se sont révélées pionnières en la matière. Mais ces réorganisations sont coûteuses à court terme et ne produisent leurs effets qu’à moyen et long terme.
D’ores et déjà, l’annonce de la réduction des concours financiers de l’État aux collectivités locales a provoqué une chute de 12,4% des dépenses d’investissement des collectivités locales entre 2013 et 2014 et la baisse des investissements pourrait atteindre 25% à l’échelle du mandat 2014-2020, par rapport au mandat précédent. Le secteur du bâtiment et des travaux publics, directement dépendant de la commande publique, a déjà supprimé 20.000 emplois en 2014 et ce nombre pourrait tripler d’ici 2017. Du fait de la contrainte qui pèse sur les budgets locaux, des coupes budgétaires ont été opérées et notamment dans le soutien financier apporté par les communes aux associations, en tout premier lieu dans le secteur culturel. C’est une perte de richesse pour notre pays.
Dans le même temps, les petites villes, comme les autres niveaux de collectivités, ont été confrontées, à l’initiative de l’État, à de nombreuses dépenses contraintes nouvelles : inflation normative, augmentation des taux de cotisation à la Caisse Nationale de Retraites des Agents des Collectivités Locales (CNRACL), recrutement des emplois d’avenir et mise en œuvre de la réforme des rythmes scolaires, toutes réformes insuffisamment compensées et incompressibles, qui ont dégradé les marges de manœuvre des communes. De nombreux chantiers, au premier rang desquels la transition énergétique et la lutte contre le dérèglement climatique, qui font cette année l’objet d’une loi et d’une Conférence internationale à Paris, appellent une intervention massive et innovante des collectivités locales. Elles ne pourront l’assurer que si leurs marges de manœuvre financière sont préservées.
Par conséquent, sans nier la nécessité de réduire les déficits publics et l’obligation pesant sur les collectivités de participer à cet effort national, l’APVF appelle le Gouvernement à prendre toute la mesure de la situation dès le projet de loi de finances pour 2016 et à amplifier le soutien à l’investissement local en :
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étalant la diminution programmée des concours financiers de l’État sur la durée du mandat municipal, et en la liant à une clause de « retour à meilleure fortune » qui permettrait d’augmenter le niveau des dotations en cas de retour d’une croissance forte et durable,
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réformant le fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) pour permettre de manière pérenne un remboursement intégral et immédiat de la TVA,
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réduisant les frais de gestion ponctionnés par l’État sur les recettes fiscales du bloc local,
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et en poursuivant les efforts déjà entrepris permettant d’atteindre, dès 2015, l’objectif de « zéro charge nouvelle » pour les collectivités locales.
En tout état de cause, l’APVF souhaite que les mesures qui seront décidées abondent la section de fonctionnement des budgets communaux afin d’améliorer la capacité d’autofinancement des communes et ainsi favoriser les décisions d’investissement et appelle de ses vœux la concrétisation du fonds de soutien annoncé par le Gouvernement.
Enfin, concernant la réforme de la Dotation globale de fonctionnement, l’APVF rappelle son hostilité à une généralisation de la DGF territorialisée qui entraverait l’autonomie financière des communes et souligne que cette réforme doit être l’occasion d’une meilleure prise en compte des charges, et particulièrement celles de centralité, assumées par les petites villes, au bénéfice de la population de tout leur bassin de vie.
Dans le même esprit, l’APVF souhaite le lancement d’un second appel à projets pour la revitalisation des centres-bourgs, après le succès rencontré par la première édition en 2014.
De surcroît, la réforme de la DGF doit notamment améliorer la solidarité nationale et donc établir des mécanismes de péréquation plus efficaces, plus justes et mieux articulés entre eux.
Étant donné l’importance de ces questions, l’APVF demande au Premier ministre la tenue en juillet prochain d’une conférence exceptionnelle de concertation sur le projet de loi de finances 2016, réunissant les associations d’élus locaux.
La mobilisation de tous les acteurs locaux pour la croissance et l’emploi est indispensable, mais elle ne sera possible qu’en prenant la mesure du rôle incontournable des collectivités locales, et en particulier des petites villes, dans le développement de notre économie et l’aménagement de notre territoire.
Interlocuteur responsable mais exigeant vis-à-vis de l’État, l’APVF s’emploiera plus que jamais, dans la période qui s’ouvre, à être force de proposition, à porter et à relayer les préoccupations des élus de petites villes.
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