Par Benoit Hamon, Député Européen
"Ce n'est plus à M. Trichet de décider de notre avenir, c'est aux dirigeants démocratiquement élus ! » Cette phrase prononcée par Ségolène Royal lors du congrès des socialistes européens à Porto a fait couler beaucoup d'encre. Elle prolonge pourtant l'inquiétude de ceux qui constatent que, loin de se contenter de définir la politique monétaire, la Banque centrale européenne (BCE) outrepasse régulièrement les missions que lui assignent les traités.
Il y a plusieurs raisons à cela.
En premier lieu, les gouvernements ne peuvent plus être de véritables acteurs de la politique macroéconomique européenne. Exclus de la définition de la politique monétaire, ils sont aussi contraints dans leurs politiques budgétaires. Les critères du Pacte de stabilité et de croissance ainsi que les sanctions prévues contre les Etats contrevenants constituent la plus fameuse restriction à leurs marges de manoeuvre. De plus, la concurrence fiscale, la liberté de mouvement des capitaux et des contribuables, et le caractère quasiment intangible du secret fiscal dans le marché intérieur, exercent une pression constante à la baisse des prélèvements obligatoires et contribuent au resserrement des moyens affectés aux dépenses publiques et sociales.
En second lieu, cette inertie budgétaire nationale n'est pas compensée par une capacité d'action collective européenne. Le budget européen, limité à 1,04 % du PIB, est incapable de prendre le relais des moyens budgétaires défaillants des Etats. Il ne finance même pas les objectifs que les Etats membres se sont fixés dans le cadre de la stratégie de Lisbonne. Pis, en n'honorant pas la promesse de solidarité à l'égard des nouveaux Etats membres, ce budget les incite au dumping fiscal pour rattraper le retard de développement qu'aucun des investissements financés par l'Union ne leur permet de combler.
En troisième lieu, depuis le jeune couple qui guette l'évolution des taux pour acheter une maison jusqu'au cadre ou à l'ouvrier qui s'intéresse à la compétitivité de sa production libellée en euros face à la concurrence libellée en dollars, tous partagent avec leurs élus la même impuissance à pouvoir contrôler démocratiquement la politique menée par la BCE dans deux domaines : la fixation de ses taux directeurs et l'évolution du taux de change avec le dollar.
Il n'y a pourtant aucune fatalité. Tout le monde semble avoir oublié qu'en vertu des traités, c'est bien à l'échelon politique du Conseil que doivent se discuter les orientions de la politique de changes en lien avec la BCE chargée de les mettre en oeuvre. Le temps n'est d'ailleurs pas si lointain où les gouvernements décidaient de ne pas laisser faire.
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