Entretien avec Florence Belkacern, dans VSD. | 18 juillet 2007
Benjamin de l’Assemblée nationale, Olivier Dussopt, 28 ans, incarne un renouveau socialiste qui tarde à émerger. II est l’exception qui confirme la règle dans une Assemblée de plus en plus âgée. Le jeune député a des conceptions bien arrêtées, pas souvent favorables à Ségolène Royal.
VSD. Vous avez 28 ans et c’est votre premier mandat de député. Quelle est votre devise ?
Olivier Dussopt. Travailler et être présent
VSD. Je n’ai jamais entendu d’élu dire qu’il ne voulait rien faire et qu’il pratiquerait (absentéisme.
O. D. Certains le disent, seulement moi je tiendrai promesse.
VSD. Mais tous les hommes politiques disent aussi qu’ils tiendront leurs promesses.
O. D. Je viens d’une circonscription ingagnable par la gauche, dans le nord de (Ardèche. C’est donc une responsabilité supplémentaire si la gauche veut s’implanter durablement sur ces terres.
VSD. Qu’y a-t-il d’ardéchois, en vous ?
O. D. Tout : le pragmatisme, le bon sens et l’opiniâtreté. Il n’y a pas si longtemps, on disait chez nous "quand on trouve cinq francs-je parle des francs de la IV République-, il n’y a pas de honte à se baisser pour les ramasser". Un sou est un sou, et c’est un bon précepte.
VSD. Qui vous a transmis la fibre politique, dans votre famille ?
O. D. Personne.
VSD. À quel âge êtes-vous tombé dans la politique ?
O. D. À 14 ans. Je suis descendu dans la rue pour manifester contre le CIP d’Édouard Balladur. À cette époque-là, j’étais en troisième et mes parents gagnaient très mal leur
vie. Ils alternaient chômage et travail et, lorsqu’ils avaient un emploi, ils étaient smicards.
VSD. Quel métier vos parents exercent-ils ?
O. D. Ils sont tous les deux ouvriers. Mais mon père est récemment décédé. Les voir vivre avec le SMIC a été pour moi la première injustice et ma première révolte.
VSD. Quand vous entendez Ségolène
Royal critiquer le SMIC à 1500 euros alors que c’était une mesure phare
de son programme, comment réagissez-vous ?
O. D. Je regrette profondément ses propos.
VSD. Qui était votre modèle politique, lorsque vous étiez étudiant ?
O. D. Martine Aubry. J’ai beaucoup d’admiration pour cette femme parce qu’elle incarne une volonté de changer les choses en profondeur.
VSD. Diplômé de sciences politiques puis député alors que vous êtes fils d’ouvriers, on peut dire que l’ascenseur social a fonctionné pour vous, non ?
O. D. l’ascenseur social ? Mais il
est en panne ! Moi, c’est grâce au système des bourses que j’ai pu avoir un meilleur statut social que mes parent : Je suis l’exception qui confirme la règle.
VSD. Quelle sera votre place dans la définition du projet socialiste ?
O. D. On vient de perdre trois élections présidentielles et deux élections législatives de suite, il y a donc du pain sur la planche ! Les trois débat qu’on doit ouvrir, c’est : qui sommes-nous, quels sont nos objectifs, et comment les atteindra-t-on ?
VSD. Avec qui comme premier secrétaire ?
O. D. Vous les journalistes, il n’y a que les questions de personnes qui vous intéressent. Je suis dans une logique de projet d’abord, de candidat ensuite. Après, on choisira
celui ou celle -plutôt celui d’ailleurs - qui portera nos couleurs.
VSD. Vous n’avez pas l’air de lire les journaux, monsieur le jeune député. Chaque jour qui passe livre son lot de fiel et de haine contre Ségolène Royal. Vous croyez que ce sont les journalistes qui font les questions et les réponses ?
O. D. Dans le nord-Ardèche, on ne me demande jamais qui sera le premier secrétaire du PS, mais comment on peut changer la vie quotidienne. Désolé. Mais je ne me dérobe pas à
votre question : j’apprécie beaucoup Bertrand Delanoë. Avec Benoît Hamon et Jean Glavany, c’est l’un des trois dirigeants socialistes qui sont venus me soutenir.
VSD. Vous êtes un delanoéiste ?
O. D. Les candidatures au poste de premier secrétaire ne sont même pas ouvertes.
VSD. Encore la langue de bois. La course est déjà lancée pour diriger le PS. Vous n’êtes pas préoccupé par le fait que l’UMP mette en avant une nouvelle génération de dirigeants, et pas le PS ?
O. D. C’est vrai qu’au soir du second tour de la présidentielle, on a assisté à un match des sexagénaires du PS contre les trentenaires de l’UMP à la télévision. C’est d’autant plus paradoxal que notre électorat est plus jeune et plus divers que celui de la droite française :
VSD. Et votre conclusion ?
O. D. Plutôt une remarque : j’avais 3 ans et déjà Laurent Fabius comme Jack Lang étaient ministres et ilssont toujours les ténors du PS. Mon propos n’est pas de les déjuger, mais je suis pour donner de (oxygène neuf à notre projet.
VSD. Vous les cassez quand même, avec ce genre de formule.
O. D. J’ai du respect pour eux et aussi pour Dominique Strauss-Kahn et j’ai envie de profiter de leur expérience. Néanmoins, on a besoin de renouvellement et donc de l’arrivée d’une nouvelle génération.
"La droite parle de la valeur du travail tout en ignorant celle des travailleurs"
VSD. La droite n’est-elle pas en train de dépouiller la gauche de ses valeurs et de ses talents ?
O. D. Sarkozy a de bonnes lectures quand il invoque Blum et
Jaurès. Mais il devrait appliquer leurs idées plutôt que seulement les
citer.
VSD. Mais la valeur « travail » est en train d’être accaparée par la droite...
O. D. Sauf que la droite parle de la valeur du travail tout
en ignorant celle des travailleurs. C’est ce que doit souligner la
gauche.
VSD. Vous pensez que vous avez un destin ?
O. D. Je ne raisonne pas en terme de destin. Mais je sais que cette élection est le fruit de mon travail.
VSD. Comme celle de Nicolas Sarkozy ?
O. D. Je dirais comme pour tous ceux qui oeuvrent pour la France.
VSD. Votre maman est-elle fière de vous ?
O. D. Oui et c’est vrai que tout au long de la campagne
électorale elle s’est vraiment impliquée. Sa seule crainte, c’est
qu’avec ma nouvelle vie je lui échappe un peu.
VSD du 11 au 17 jullet 2007.
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