Le Groupe socialiste radical et citoyen (SRC) de l’Assemblée nationale, auquel j’appartiens, a choisi de fortement s’opposer au statut d’auto-entrepreneur, créé dans le projet de loi de modernisation de l’économie, votée définitivement le 22 juillet 2008. En effet, ce statut autorise l’exercice de toute activité sans contrainte et sans précaution qui fragilise les artisans et plus généralement les PME et TPE. L’absence d’inscription obligatoire des auto-entrepreneurs au répertoire des métiers est le symbole de la construction d’un statut à part, source de recul pour la sécurité des consommateurs, et d’une concurrence tirée vers le bas l’égalité des moyens de la concurrence entre artisans et, finalement pour l’économie. Nous souhaitons la création d'entreprises car elles sont la force de notre tissu économique et nous avons notamment dit que cette mesure aurait pu être acceptable si elle avait été mieux encadrée avec notamment une limite dans le temps. Il aurait été imaginable que ce soit un statut de création possible pendant quelles semaines ou mois.
Nous avons pu le dénoncer en séance publique, annoncée comme une mesure phare de la modernisation de notre économie, la création du statut de l’auto-entrepreneur relève d’une faute grave multiple. Ce statut révèle beaucoup de mépris à l’égard de tous les entrepreneurs, cautionne une forme de trahison et, enfin, génère de la défiance. Les organisations professionnelles de l'artisanat, du bâtiment notamment, disent les difficultés qu'elles rencontrent aujourd'hui. De plus, sur les 150 000 auto-entrepreneurs déclarés, seuls 10 000 ont une activité déclarée permettant un revenu correct. Derrière cette mesure se cache aussi la vision la plus libérale qui soit avec la suppression du salariat et du salaire horaire au profit d'un lien contractuel non sécurisé entre donneur d'ordre et exécutant. Quatre défauts majeurs entachent cette mesure comme l'a bien montré Marylise Lebranchu, ancienne Secrétaire d'Etat aux PME et à l'Artisanat.
1.- L’illusion d’un entreprenariat facile.
Le Gouvernement fait croire que n’importe qui, à n’importe quel moment, en conservant son travail de salarié, ou sa pension de retraite, peut devenir son propre employeur, sans effort, et cumuler ces emplois. Or, il construit ainsi un statut qui accentue la précarité et qui pourra même être utilisé par certaines entreprises pour externaliser des activités et ainsi venir concurrencer des PME de l’artisanat et des services. En réalité, ce statut ouvre la voie au règne du « Tous tâcherons », comme l’a expliqué François Brottes, député socialiste de l’Isère, en séance publique. En précarisant un peu plus ceux qui sont déjà les plus précaires, le Gouvernement entraîne tous les entrepreneurs dans une concurrence tirée vers le bas.
Le statut fragilisera celui qui y aura recours et au final ceux qui en seront les concurrents. L’abaissement des coûts sociaux des seuls auto-entrepreneurs est un danger pour l’ensemble des PME qui seront en concurrence avec ces travailleurs auto-entrepreneurs.
2 - Le mépris de l’artisanat.
En permettant à n’importe qui de faire n’importe quoi, ce statut remet en cause l’histoire des métiers. Génération après génération, gouvernement après gouvernement, des efforts considérables ont été faits pour améliorer la formation et la qualification des artisans, validées par un CAP, un BEP, par l’apprentissage ou par des formations post baccalauréat. Chacun reconnaissait que l’exercice de ces métiers, du fait de leur technicité, nécessite une grande qualification. Or, avec la création du statut de l’auto-entrepreneur, le Gouvernement et sa majorité rejettent d’un revers de manche cette qualification au nom d’une pseudo simplification de la vie de l’entrepreneur individuel. Il ne suffit pas de dire que l’on est entrepreneur pour l’être. L’artisanat oblige une compétence pour faire naître la relation de confiance entre l’artisan et le donneur d’ordre. Rejeter cela par un statut a minima est extrêmement grave et montre le mépris à l’égard de ceux qui ont été formés et qui assurent aujourd’hui les formations.
3 - La trahison à l’égard des entrepreneurs de notre pays.
Les artisans vertueux, qui paient leurs taxes, forment des apprentis et ont reçu un agrément, vont être confrontés à une concurrence déloyale, menée par des gens qui s’improviseront entrepreneurs et casseront les prix. Ceux-ci étant par ailleurs salariés ou retraités, ils ne prendront qu’un faible risque et l’on verra ainsi apparaître des marchés sans référence de prix, sans référence de formation, sans immatriculation au registre.
4 - La rupture de la confiance entre le client et l’artisan.
Comment un client pourra-t-il vérifier que celui à qui il va confier une prestation sera capable de la mener jusqu’à son terme ? Sans registre, comment pourra-il vérifier sa qualification ? Il aura suffi au nouvel entrepreneur de sonner à la porte de son client ! Certaines prestations nécessitent une qualification. Comment le client aura-t-il une garantie de bonne fin de travaux avec quelqu’un dont il ignore s’il est inscrit sur un quelconque registre en tant que responsable d’entreprise ?
Ces quatre points, aussi graves les uns que les autres, ont conduit les députés socialistes radicaux et citoyens à lutter contre la création du statut de l’auto-entrepreneur qui dévalorise les entrepreneurs et organise une concurrence déloyale à leur endroit. Ces arguments n’ont pas été entendus par la majorité. Celle-ci privilégie l’abandon de toute régulation, même interne aux professions artisanales et commerciales. La fuite en avant libérale amène la fin de la transparence, avec l’abandon des plus inquiétants de l’obligation d’immatriculation.
Le projet de société de la majorité met la loi de la jungle en avant, contre toute logique de formation et de compétence. Avec ce statut, la France fait le choix d’une économie de bas coûts et fragilise les entreprises qui ont investi dans les compétences. Comme l’a expliqué le secrétaire d’État Hervé Novelli, il s’agit de permettre à de nombreux travailleurs au noir de s’inscrire dans la légalité, de permettre le cumul d’un emploi salarié avec un emploi non salarié ainsi que le cumul emploi-retraite. Au contraire de ces choix, nous pensons que la priorité de la politique de la France doit être de favoriser le développement d’activités artisanales à forte compétence professionnelle d’entreprises de taille moyenne qui offrent des emplois de qualité et sont capables de conquérir les marchés extérieurs. Le statut de l’auto-entrepreneur contredit ces objectifs en fragilisant les artisans et les PME existantes. C’est le signe d’une politique sociale dérégulée qui fait de la concurrence sauvage le lot d’avenir des artisans. Il accentue leur insécurité.
Nous ne pouvons soutenir cette politique dangereuse à terme pour les entreprises et pour notre économie, qui donne l’illusion du dynamisme et ne reflète que l’abandon des ambitions.
Commentaires