Après quelques jours d'interruption l'activité du blog reprend. Au-delà du plaisir de quelques jours de vacances, l'actualité rattrape toujours, même ceux qui pourtant la suivent.
Elle a été marquée par un thème unique. Il ne s'agit pas du sport, malgré la moisson de médailles des athlètes et des nageurs. Il ne s'agit pas de l'affaire Woerth qui se perd en méandres nauséabonds et en conjonctions. Cela étant, légions d'honneur après chèques suspects, ventes de biens publics entre amis, réseaux difficiles à lire...tout cela devra être expliqué et je reste convaincu que la conduite de l'enquête par un juge d'instruction indépendant sera seule gage d'une possible impartialité dans cette affaire. Il ne s'agit pas de l'emploi alors que nous avons appris le triste record de suppressions d'emplois en 2009 avec 250 000 emplois détruits malgré les cris de victoire de Christine Lagarde annonçant fièrement la sortie de la crise. Pour qui? Il ne s'agit pas de la multiplication des catastrophes naturelles...
Il ne s'agit que de deux choses : la sécurité et l'immigration. Tout a commencé avec un fait divers dramatique. Braquage, mort d’un des braqueurs, émeutes dans les quartiers de Grenoble. Les faits, et surtout les mots, se sont enchainés avec comme point d’orgue un discours présidentiel établissant un lien de cause à effet entre l’immigration et l’insécurité. Discours honteux, aux relents xénophobes et outranciers, mais un discours devenu la pierre angulaire de toutes les rhétoriques les plus sombres. Tel ministre de l’industrie – visiblement peu inquiet des suppressions massives d’emplois sur la dernière année – a cru bon d’intimer à toutes et tous de choisir entre « Français et voyou ». A défaut d’avoir prouvé que tous les délinquants sont étrangers, il s’agissait peut-être de convaincre que tous les étrangers seraient des délinquants. Toujours le même, comme un fidèle aboyeur, qui met en cause les maires et leur action sans dire, par exemple, qu’à Grenoble c’est l’Etat et le Gouvernement qui ont supprimé près de 20% des effectifs de police… Un discours d’amalgame, mêlant étrangers, gens du voyage, délinquance et insécurité… Un discours d’exception aussi dans la mesure où le Président de la République en exercice a prononcé des mots bafouant l’article 1er de la Constitution qui précise que la « République est une et indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle garantit l’égalité de tous les citoyens devant la Loi, sans distinction d’origine, de race et de religion » alors que son rôle essentiel est d’en être le gardien… Lorsque l’on prenait la peine de tendre l’oreille, on entendait dans le même le concert des contempteurs de l’UMP et de la Secrétaire d’Etat à la Famille qui faisaient le procès de la presse et de l’insolence des journalistes qui souhaitent dévoiler ce qu’ils savent.
La marée montait alors. Elle montait dangereusement en essayant d’happer là un électorat frontiste perdu par le pouvoir en place, ici les réflexes et les instincts les plus vils de toute société confrontée à la peur de l’avenir, là encore de vouloir réactiver un clivage avec une seule pensée politicienne. La marée est encore montée, poussée par un organe de presse saluant comme un triomphe les résultats d’un sondage semblant valider les annonces précitées. Méthodes douteuses, sondage mené en catastrophe par l’institut présidé par Laurence Parisot, la crédibilité ne semble pas au rendez-vous mais cela n’a pas empêché les mêmes de reprendre les mêmes thèmes, les mêmes anathèmes sans s’inquiéter des brisures qu’ils causent dans la société.
Puis la mer est repartie.
Ce fut un retrait brutal mais pas nécessairement définitif. Il y eut d’abord le courage de quelques prises de position à droite telles que celles d’Alain Juppé, de députés villepinistes, qui sont venus renforcer les positons des élus socialistes. D’autres plus récentes lorsque le ministre-maire de Nice a voulu « punir les maires » et qu’il s’est heurté à l’opposition de son propre camp, dont le Député Maire de Lons le Saunier qui est Président de l’Association des Maires de France.
Surtout il y eut un autre sondage, plus crédible celui-ci et dont le résultat est sans appel. Il montre que pour l’écrasante majorité des Français, la politique de lutte contre l’insécurité est un échec depuis 8 ans, depuis 2002, 8 ans pendant lesquels Nicolas Sarkozy fut Ministre de l’Intérieur ou Président de la République. Un sondage qui dit et répète que supprimer la police de proximité fut une erreur et une mesure plus idéologique que pensée.
Ce constat sévère, et qui explique sans doute la multiplication des annonces sécuritaires par la majorité ces dernières semaines, est partagé à gauche (72 %). Mais les sympathisants de droite sont une majorité (53 %) à faire le même constat. Seuls 27 % des sondés jugent que Nicolas Sarkozy a été "efficace" en matière de lutte contre l'insécurité (25 % à gauche, 45 % à droite).
L'enquête montre aussi que Nicolas Sarkozy est jugé inefficace dans tous les aspects de la lutte contre l'insécurité : Pour 58 %, le chef de l'Etat est jugé "plutôt inefficace en matière d'atteintes aux biens" ; 69 % partagent ce constat pour les atteintes aux personnes ; 72 % pour la délinquance financière et 78 % le jugent "plutôt inefficace" pour lutter contre les violences urbaines. Autre information qui vient, en partie, contredire le lien établi de plus en plus fréquemment par l'UMP entre immigration et insécurité : la principale cause de celle-ci, aux yeux des Français, est sociale : pour 73 % des sondés et 68 % des sympathisants de droite, ce sont les inégalités qui causent l'augmentation de la délinquance. Pour 68 % d'entre eux et 64 % à droite, la suppression par Nicolas Sarkozy de la police de proximité est également en cause. Deux autres hypothèses sont validées : "l'incivilité des citoyens" (68 %) et la réduction du nombre de policiers (66 %).
Connaissance prise de ces sondages, le ton a changé mais le bilan reste le même : des reflexes odieux ravivés et un Front National qui se félicite que ses thèses soient « officiellement reconnues », une intolérance décomplexée, des communautés stigmatisées, et surtout l’échec.
L'échec du « premier flic de France » comme le proclame une tribune dans Libération le 16 aout. L’échec d’une politique faite de communication, d’actions « coups de poings » mais qui prive la collectivité publique des moyens nécessaires à la fois à la prévention et à la répression.
La question de l’insécurité reste posée et avec elle celle des formes utiles et efficaces de la prévention, celle des moyens dont nous devons disposer et qui ne peuvent se satisfaire de la suppression de 11 000 postes de policiers et de gendarmes en quatre ans, celle de la réponse ferme et juste que chaque acte délictueux doit voir s’opposer et de manière graduelle.
L’été n’est pas fini.
Et surtout rien ne dit que le pire soit derrière. Chacun se demandant jusqu’où ira cette escalade verbale. Une chose est certaine aussi. Personne n’est dupe du rideau de fumée ainsi formé pour cacher la réalité d’autres affaires (Woerth-Bettancourt, Karatchi, Wildestein…) ou la dureté et l’injustice de la réforme des retraites.
La rentrée est là, elle sera à ne pas en douter plutôt animée.
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