L'approche du débat sur le projet de loi relatif à la bioéthique réveille un certain nombre de débats autour de la parentalité et de la procréation notamment. Le Monde du 14 décembre se fait l'écho, dans un article, d'une tribune signée par de noombreux chercheurs, philosophes, psychiatres,...mais aussi des parlementaires et des responsables politiques du Parti Socialiste.
J'ai signé cette tribune et vous invite à en prendre connaissance. Elisabeth BADINTER, Caroline FOUREST sont aussi signataires, comme d'autres grands noms du combat féministe à l'image d'Antoinette FOUQUE, cofondatrice du MLF, Geneviève DELAISI de PARSEVAL, Irène THERY, mais aussi Serge HEFFEZ ou Israel NIZAND. Nous sommes une vingtaine de parlementaires dont Patrick BLOCHE, Serge BLISKO, Michèle ANDRE, André VALLINI, François REBSAMEN, Alain VIDALIES, ainsi que Najat VALLAUD BELKACEM et Bruno JULLIARD, membres du secrétariat national du PS.
"Chaque victoire emportée par la France contre ses propres conservatismes est le résultat d’une confrontation. Lorsqu’il s’agit de prendre acte de l’évolution de notre société, les libertés à conquérir sont toujours précédées d’incompréhensions, d’inquiétudes et de prophéties menaçantes. C’est en répétant les choses avec obstination que les Français, et plus encore les Françaises, ont dissipé les doutes et obtenu le droit au divorce, puis le droit de disposer librement de leur corps, malgré tous les messagers de l’apocalypse qui s’y sont opposés.
Il y a un demi-siècle, on imposait aux futurs parents la naissance d’enfants non désirés. Aujourd’hui, à travers les interdictions inscrites dans la loi de bioéthique, on interdit à des parents la naissance d’enfants désirés. La distance qui sépare notre droit ancestral des réalités de nos familles n’a cessé de s’étendre.
La multiplicité et la plasticité des modèles familiaux ne peuvent être ignorées plus longtemps. En sociologie, en psychanalyse et en droit, voilà bien longtemps que les liens sociaux priment sur les liens biologiques. Parenté et filiation n’ont rien de naturel, ce sont des liens institués. Ce ne sont pas les liens génétiques mais la manifestation de la volonté d’être parent, l’engagement irrévocable, et la réalité d’une vie de famille qui font d’une personne un parent. Ce n’est pas le fait de porter un enfant qui fait d’une femme la mère de cet enfant, mais le fait de le vouloir, de s’engager à l’élever et de s’y préparer.
Voilà trente ans que les techniques médicales permettent aux femmes de porter l’enfant d’une autre. Il y a vingt ans, alertés par les dérives qui pouvaient affecter cette pratique en l’absence de toute loi, le juge puis le législateur français ont préféré mettre un terme à la pratique elle-même, plutôt qu’à l’absence d’encadrement. C’est ainsi que toute gestation pour autrui est prohibée dans le droit français depuis 1991.
Depuis, des enfants naissent grâce à des gestations pour autrui dans plusieurs démocraties avancées. Les droits des femmes et l’intérêt des enfants y sont protégés. Leurs témoignages invalident les justifications que les avocats de la prohibition vont chercher là où aucun cadre n’est proposé par la loi. Refuser un encadrement de la gestation pour autrui en prenant exemple sur les dérives connues dans les pays qui n’encadrent pas les gestations pour autrui : voilà l’artifice auquel se prêtent les partisans du statu quo.
Oui, sans encadrement, la société peut dériver vers une instrumentalisation des femmes, une réification de leurs corps, une marchandisation de l’enfant. Sans encadrement, les droits de tous ceux dont le corps peut être source de profit sont en danger. C’est la raison pour laquelle nous proposons de fixer le cadre qui permettra aux femmes de porter un enfant pour d’autres parents sans voir leurs droits menacés.
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