Génération Mitterrand. Cette génération est celle à laquelle j’appartiens. J’avais presque trois ans lorsque François Mitterrand est devenu Président de la République le 10 mai 1981. J’en avais presque 18 lorsqu’il a quitté le pouvoir et je me souviens de ma frustration lors de l’élection présidentielle de 1995 de ne pouvoir apporter ma voix pour quelques semaines de trop ou de moins.
François Mitterrand a présidé la France. C’est un point majeur. Au dessus du jeu politique quotidien et de la vie partisane, il a toujours veillé à ne pas renvoyer aux Français l’image d’un Palais de l’Elysee devenu le quartier général d’un camp. Cela ne signifie pas qu’il ne faisait pas de politique, ni qu’il ignorait les évolutions et parfois les tourments de la famille socialiste, mais il a toujours veillé à conserver une certaine neutralité et donc une valeur à ce lieu symbole du pouvoir le plus important de notre pays.
François Mitterrand a présidé la France dans une période difficile, à un moment où notre pays payait la facture sociale de la crise économique, énergétique et industrielle des années 70. Chômage de masse, intensification de la concurrence internationale, déprise industrielle…une spirale dépressive dont nous ne semblons pas véritablement sortis depuis. Une période aussi où le monde et la société ont changé. Génération Mitterrand, génération précarité, génération Sida…. Une génération qui affronte la pire des inquiétudes, celle de vivre moins bien que ses parents.
François Mitterrand a présidé la France pour la changer. Semaine de 39h et hausse du SMIC, 5e semaine de congés payés, RMI, abolition de la peine de mort, liberté des radios et des télévisions, dépénalisation de l’homosexualité, décentralisation avec un véritable progrès de la démocratie locale du fait des lois Deferre, amélioration de la prise en charge de la contraception, de l’interruption de grossesse, de la toxicomanie, ancrage de la construction européenne grâce à une réconciliation pleine et entière avec l’Allemagne… la liste est déjà longue mais loin d’être exhaustive. Elle démontre que la volonté politique donne une capacité à agir au-delà des crises. Elle démontre aussi le marqueur constant du progrès social, de l’émancipation des individus, des libertés individuelles dans toutes ces actions menées.
Je me souviens de mon attente, enfant, le 31 décembre au soir lors de l’allocution présidentielle. Je me souviens de cet homme qui aurait pu facilement être mon grand-père, de son regard et surtout de sa voix. Cette voix reconnaissable entre toutes qui faisait danser les mots, les articulaient entre eux avec le talent de l’homme de lettre, de l’amoureux de notre langue, de nos écrivains et de notre culture. Ce vieil homme qui donnait du sens et des perspectives à notre Nation en traçant les perspectives et les orientations à mettre en œuvre. Lui présidait, le Gouvernement agissait.
Je me souviens aussi, et plus nettement, des années 90. Des vexations et des attaques de la politique balladurienne envers un homme autant isolé politiquement qu’affaibli. De la curée aussi, celle qui a accompagné la publication de nombreux ouvrages jetant le trouble là, le doute ici, faisant ressurgir le passé entre Paris et Vichy et oubliant souvent les actes d'un homme dans ses fonctions. C’est aussi à François Mitterrand que je dois d’avoir compris qu’en chaque homme il y a une part d’ombre. Qu’entre le noir et le blanc, il y a le gris du doute, des erreurs et parfois des errements. Que la politique et l’engagement pendant un demi-siècle peine à se débarrasser des manœuvres et des habiletés machiavéliques, et que le parcours d’un homme n’est jamais aussi linéaire et facile qu’il l’aurait souhaité.
Je me souviens aussi de cette combativité. Face à lui-même, face à ses détracteurs, face à la maladie et face à la mort. De sa voix, déjà fatiguée, en mai 1993 lorsqu’il salua la mémoire de son Premier Ministre Pierre Bérégovoy à l’honneur « livré aux chiens » comme de son regard lorsqu’en décembre 1994 ses vœux furent comme des adieux avant l’heure. De sa combativité à défendre un bilan, une politique, une famille politique sur les plateaux de télévision comme dans les salles les plus reculées. De ce tribun qui a toujours considéré son auditoire avec intelligence pour ne pas sombrer dans la médiocrité et la facilité de la rhétorique. Qui a toujours été au premier rang des batailles politiques. « Dans les épreuves décisives on ne franchit correctement l'obstacle que de face.” Écrivait-il dans L'Abeille et l'Architecte (1978).
François Mitterrand, c’était tout cela à la fois. L’ombre et la lumière mais aussi le talent et mon dernier souvenir restera celui du 8 janvier 1996 lorsqu’élève en Terminale au lycée, j’ai appris son décès. Un peu comme celui d’un membre de la famille.
Je crois pour demain comme hier à la victoire de la gauche, à condition qu'elle reste elle-même. Qu'elle n'oublie pas que sa famille, c'est toute la gauche. Hors du rassemblement des forces populaires, il n'y a pas de salut.
Mémoires interrompus (1996)
En terminale, au lycée moi même, j'espère de tout coeur ne pas connaître de peine semblable chez les socialistes cette année ! Je n'ai quasiment pas connu Mitterrand, mais son héritage est si grand que je me sens proche de cette personne, de cet homme d'Etat fantastique.
Nous vaincrons en 2012, c'est le plus bel hommage que nous pourrions lui faire.
Rédigé par : Noé Michalon | 08 janvier 2011 à 14:55
Merci pour l'hommage à cet homme qui a marqué la vie de chaque citoyen, tant sur le plan du progrès humain que du progrès social. Pourtant ça fait un peu mal qu'en ce 15ème anniversaire, les médias et quelques uns à gauche, retiennent plus sa part d'ombre que sa part de lumière.
Rédigé par : georges | 12 janvier 2011 à 17:16
j ai le meme sentiment que vous , je n aurai pas mieux dit que l omage elogieux que vous venez de faire , je resens mots pour mots les memes emotions, et la meme peine lors de sa mort
gilles
Rédigé par : gilles | 13 janvier 2011 à 12:57
Le 10 mai 1981, j'avais 7 ans et déjà une bonne connaissance de ce qu'était la droite et la gauche, du nom des partis et même de leurs dirigeants. Et Mitterrand arrive. A la maison c'est l'explosion de joie, les bouchons de champagne sautent. Je suis heureux même si je ne comprends pas tout ce qui se passe. Je vois juste le bonheur de beaucoup d'adultes autour de moi. L'espérance, la réalisation de certains rêves devenaient possible.
Et je grandis.
Et je déchante.
J'admire cet homme de lettre qui est capable d'un regard, ou d'une phrase assassine de vous clouer le bec en 3 secondes. Je constate l'habileté politique, le grand stratège. Quand il s'agit de conserver le pouvoir, on peut bien sacrifier un Rocard.
Mitterrand a permis d'amener la gauche au pouvoir, pour réaliser quelques bonnes réformes. Mais il représente aujourd'hui à mes yeux tout ce dont j'ai horreur dans la façon de mener la politique; une attitude monarchique et dédaigneuse; un culte du secret et la pratique des coups bas. Mitterrand n'était pas à la portée de tout le monde et mais surement à la portée que de lui même.
Il est possible que le président français ait bien trop de pouvoirs pour qu'une fois élu sur le trône il ne puisse faire autrement que de se comporter comme un roi.
Tout lui semble permis.
Rédigé par : christophe | 19 janvier 2011 à 17:06
- Novembre 2010.
40e anniversaire de la mort de De Gaulle.
Sarkozy fait un discours à Colombey-les-Deux-Églises où il déclare placer son action sous l'héritage du Général.
Et pourtant ....
Sarkozy, avec l'aide de la majorité du PS, a négocié le traité de Lisbonne qui nous enfonce dans la supra-nationalité, à l'opposé de "l"Europe des patries" chère au premier président de la Ve.
Ainsi, il tourne le dos au vote hostile des Français en 2005 alors que De Gaulle avait quitté le pouvoir quand il avait perdu un référendum.
De plus, Sarkozy a réintégré le commandement intégré de l'OTAN que De Gaulle avait quitté en 1966.
Quant au PS de 2008, il était "cohérent" avec ses pédécesseurs de 1966, mais seulement sur la FORME.
En 2008, comme en 1966, les socialistes déposaient une motion de censure :
- En 2008, contre le RETOUR dans l'OTAN.
- En 1966, contre le DÉPART de l'OTAN.
Bref, Sarkozy se réfère à De Gaulle mais fait l'inverse sur des sujets capitaux.
- Janvier 2011.
15e anniversaire de la mort de Mitterrand.
Depuis des années, les socialistes étaient discrets sur leur ancien dirigeant. On parlait plutôt du "droit d'inventaire".
Oui, mais voilà. Mitterrand a été le seul socialiste à accéder jusqu'à présent à la présidence de la 5e république.
Alors, "l'utilitarisme" est "revenu au galop".
Et une bonne partie des dirigeants du PS de se retrouver à Jarnac.
Les "couteaux" n'étaient pas tirés, mais on les sentait sous les habits.
On sentait que se préparaient des "coups" portant le nom de cette ville ("coups de Jarnac").
Telle étalait son ambition : "je voudrais lui succéder". Telle autre était indignée par les ambitions personnelles. Etc ...
Comme Sarkozy cherchant à récupérer De Gaulle, chaque dirigeant du PS cherchait à récupérer Mitterrand.
Comme on demandait à Chevènement s'il était à Jarnac, il répondit : "j'irai peut-être quand il y aura moins de monde".
Comme on le comprend !
Rédigé par : Jacques | 22 janvier 2011 à 01:56