Le règlement du contentieux entre Bernard Tapie et le Crédit Lyonnais est illustratif de la confusion des intérêts économiques, financiers et politiques qui règnent au sommet de l’Etat depuis l’élection de Nicolas Sarkozy et des illégalités auxquelles elle donne lieu. Tout au long de l’affaire, pressions et irrégularités ont jalonné la gestion du dossier.
Le 7 juillet 2008, le Consortium de Réalisation (CDR), structure de droit privé portant les actifs du Crédit Lyonnais, a été condamné par un tribunal arbitral à verser 285 millions d’euros à Bernard Tapie, dont 45 millions pour la réparation d’un préjudice moral (à comparer avec les 30 000 euros pour la mort d’un proche).
La procédure arbitrale ayant abouti à cette sanction financière extrêmement élevée et sans précédent soulève de graves interrogations qui conduisent plusieurs députés du groupe socialiste à l’Assemblée nationale à saisir la Cour de justice de la République (CJR).
Le recours à l’arbitrage, par nature confidentiel, est inédit pour des contentieux où des finances publiques sont en jeu. Le terrain judiciaire normal promettait d’aboutir à une situation moins défavorable pour l’Etat puisqu’en 2006 la cour de cassation avait cassé l’arrêt de la cour d’appel et annulé l’indemnisation prévue au motif qu’elle n’avait pas mis en évidence une faute du Crédit Lyonnais.
De son côté, la Cour des comptes a estimé que la procédure arbitrale n’était pas conforme à notre droit constitutionnel sans un vote préalable du Parlement qui contrôle la bonne gestion des finances publiques et le choix du type de justice auquel l’Etat peut recourir.
Pourquoi la ministre de l’Economie et des Finances, Christine Lagarde, a-t-elle choisi d’abandonner la procédure judiciaire normale et la défense qu’y observait le CDR ?
Pourquoi a-t-elle imposé la solution arbitrale et reconnu la responsabilité du CDR vis-à-vis de M. Tapie ?
Pourquoi a-t-elle accepté le montant des indemnités, exorbitant dans ce type de conflit entre l’Etat et un particulier ?
Pourquoi n-a-t-elle pas saisi le Parlement comme la loi le lui imposait ?
Sur l'indemnisation, la Cour des comptes a souligné que la version signée du compromis d’arbitrage limitait le montant de l’ensemble de la demande d’indemnisation à 50 millions d’euros. La version votée par le Conseil d’Administration du CDR en octobre 2007 est bien différente. En affectant la somme de 50 millions d’euros au seul préjudice moral, elle a ouvert la voie à une indemnisation exorbitante.
Ce faisceau d’indices tend à monter que l’ensemble de ces décisions avaient pour objet de favoriser des intérêts particuliers au détriment de l’intérêt général et mettent en lumière un manque flagrant de respect des procédures légales.
La cour des comptes a entamé une procédure contre les 2 responsables du CDR et de l’Etablissement public de financement et de restructuration (EPFR). Mais il apparaît qu’aucune de leur décision n’a pu être prise sans l’accord de leur ministre de tutelle, Mme Lagarde. Il serait pour le moins scandaleux que des hauts fonctionnaires soient seuls à être incriminés alors même qu’il apparaît que le dossier touchant à l’affaire Tapie a été directement géré par le pouvoir politique.
Nous respectons la présomption d’innocence. Et elle vaut bien évidemment pour Madame Lagarde. Mais ayant refusé de faire la lumière sur le rôle et les motivations du pouvoir dans cette affaire, elle ne laisse d’autre choix que la voie judiciaire pour établir la vérité.
Seule la Cour de justice de la République peut établir les responsabilités ministérielles. Quand les Français doutent de leurs représentants, le meilleur moyen de rétablir la confiance est de montrer que les lois s’appliquent de manière égale que l’on soit ministre ou simple citoyen.
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