Interview publiée dans Régions Magazine le 26 juillet 2011, propos recueillis par Raymond Lambert
Porte-parole de Martine Aubry pour les primaires socialistes, avec Anne Hidalgo, spécialiste des collectivités, le député-maire d'Annonay Olivier Dussopt annonce un Acte 3 de la décentralisation si la gauche accède au pouvoir en 2012. Les compétences de l'Etat seraient listées, mais pas celles des collectivités qui auraient de la clause de compétence générale. Les Régions ne bénéficieraient pas d'un pouvoir normatif.
Régions Magazine - Le gouvernement a lancé une réforme territoriale. Pourquoi revenir sur le sujet?
La réforme du gouvernement n'est pas une réforme de décentralisation, d'organisation des territoires, mais une réforme qui a deux vocations, la première de réduire le champ d'application des politiques publiques, d'où la suppression de la clause générale de compétence, d'où le préalable de la suppression de la taxe professionnelle et le mouvement opéré en même temps sur la réduction des dotations aux collectivités. Le meilleur moyen de réduire le champ des compétences publiques c'est tout simplement de réduire les moyens.
Le deuxième aspect, c'est un aspect purement électoral ou électoraliste avec la création du conseiller territorial.
Ce sont les deux principales critiques que l'on a adressées à cette réforme, accompagnée de deux autres, la première c'est l'absence de prise en compte de péréquation. La deuxième c'est une forme d'impréparation de cette réforme. La suppression de la TP n'a pas fait par exemple l'objet d'un texte mais d'un simple article dans le projet de finances. La péréquation n'a pas été traitée, On aurait pu imaginer que tant que l'on abordait le conseiller territorial on aurait pu aller jusqu'au bout de la logique, y compris en terme de découpage et en modalité de découpage. Les décisions du conseil constitutionnel ont renforcé notre conviction, à la fois sur la censure du tableau de répartition des conseillers territoriaux, d'un point de vue arithmétique, mais aussi sur la censure du deuxième tableau, pour un problème de procédure. Ce problème de procédure peut paraître idiot, mais c'est aussi révélateur d'une précipitation, de la volonté d'aller plus vite qu'il ne fallait. Ca renforce les doutes sur le caractère électoraliste de la réforme, cet empressement à vouloir faire passer absolument ce tableau des conseillers territoriaux alors que dans la première mouture de la réforme, il n'y avait pas de tableau des conseillers territoriaux, c'était renvoyé à un texte spécifique à la création du conseiller territorial.
Donc aujourd'hui on se retrouve avec une réforme dont on sait l'impréparation. J'englobe la réforme de la TP, le gel des dotations et la réforme des collectivités, parce que cela ne fait qu'un pour moi, c'est l'ensemble des moyens et des mesures pour ou contre les collectivités locales, avec une réforme dont on a du mal à mesurer les impacts financiers, y compris en terme de dynamisme des ressources. On a très bien mesuré qu'il n'y a plus d'autonomie pour les régions et les départements, mais on a du mal à mesurer l'impact tant pour les régions et les départements, tant que pour les communes que pour les communautés de communes, en terme de dynamisme. On se retrouve avec une réforme qui est extrêmement compliquée à mettre en oeuvre pour ce qui touche la réforme de l'intercommunalité. Il n'y a pas un seul département dont on me parle sans me signaler des problèmes sur l'acceptation par les élus du SDCI et le plus souvent on me parle du refus des élus de les valider et de les mettre en oeuvre.
Que proposez-vous alors?
Ce que l'on propose, c'est que l'Acte 3 de la décentralisation fasse l'objet d'une loi-cadre dès la première année du mandat, avec un couplage, une articulation, entre cette loi-cadre, qui s'attache à la répartition des compétences, aux aspects électoraux et à la question du statut de l'élu, avec le projet de loi de finances pour 2013, qui sera adopté fin 2012, pour porter une réforme de la fiscalité, et surtout la mise en place d'une vraie péréquation. Dès lors qu'on aura cette loi-cadre qui ensuite devra donner lieu à des textes d'application, soit des décrets, soit des lois complémentaires, on aura posé le cadre d'une autre répartition des compétences, avec, schématiquement, maintien de la clause de compétence générale pour les collectivités, assortie d'une véritable autonomie fiscale et financière.
Nous maintenons la région et le département avec le principe du chef de filat sur les compétences, à quelques exceptions près, notamment la compétence formation qui pour nous doit être complètement régionalisée. Si la loi dit qu'elle est régionale, cela veut dire que les départements n'ont pas à s'en occuper.
Notre projet de loi ne prévoit pas de lister les compétences des collectivités, notre projet de loi prévoit de lister les compétences de l'Etat, celles qui à nos yeux sont fondamentales en termes de missions régaliennes, fondamentales en termes de services publics et d'égalité des citoyens devant les services publics et devant l'accès aux droits fondamentaux. On n'est pas forcément dans le régalien classique, monnaie justice et armée. On va plus loin, et on considère que notre texte doit préciser les compétences qui sont du seul ressort de l'Etat et que par définition tout le reste fait l'objet de politique des collectivités locales, avec l'idée d'une organisation de chef de filat sur un certain nombre de compétences.
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