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L'été a apporté son lot de mauvaises nouvelles : croissance nulle en France au second trimestre, atone en Allemagne et dans le reste de la zone euro. La Banque centrale européenne a révisé ses prévisions de croissance pour 2012 à 1,3 %. La démission de l'économiste en chef de la BCE a accru davantage encore le trouble sur les marchés. La spéculation contre la zone euro est massive. D'aucuns parient même sur la disparition de la monnaie européenne !
L'Europe doit se ressaisir. Se ressaisir réclame de s'unir. La France et l'Allemagne doivent agir de concert pour sauver à la fois la zone euro et la croissance européenne - c'est l'urgence -mais aussi pour porter une autre Europe. Ce message, je l'ai porté à Berlin jeudi dernier auprès de nos amis du SPD. Je l'ai réitéré le lendemain à Evian devant des chefs d'entreprise de nos deux pays. C'est en avançant ensemble que nous grandirons ensemble !
L'Europe a besoin d'architectes, pas seulement de pompiers ! Personne ne peut se satisfaire du bricolage institutionnel auquel nous avons assisté cet été pour sauver l'Italie et l'Espagne de la crise de leur dette. Je suis convaincue que tôt ou tard nous devrons émettre des euro-obligations, pour créer un grand marché financier de la dette européenne. Dans l'immédiat, il faut accroître les moyens du Fonds de stabilité financière. Je propose de transformer ce fonds en une banque publique européenne, une BPE disposant d'un capital propre, émettant des euro-obligations, et intervenant sur le marché de la dette souveraine. Dotée d'un capital de 200 milliards, la BPE pourrait lever jusqu'à 2.000 milliards, ce qui représente les ordres de grandeur nécessaires pour casser la spéculation. Au-delà, nous devons réguler vraiment la finance : séparer les banques d'affaires et les banques de dépôt, créer une agence de notation indépendante, interdire les produits dangereux comme les ventes à découvert... Les solutions sont sur la table, ce n'est qu'affaire de volonté mais, aujourd'hui, la volonté manque.
Je ne transigerai jamais avec l'objectif d'un Etat irréprochable dans la conduite de ses finances publiques. C'est pourquoi j'ai fait des propositions cet été pour réduire les déficits publics, mais aussi pour soutenir de manière ciblée l'emploi et l'investissement. Car notre pays, comme beaucoup d'autres en Europe, ne souffrent non pas d'un, mais de trois déficits, déficit financier, mais aussi déficit d'emploi et de compétitivité, auxquels il faut s'attaquer simultanément. Si nous ne parvenons pas à relancer la croissance, alors c'est l'échec assuré : l'exemple grec le montre amplement.
Pour relancer la croissance, l'Europe a un rôle crucial à jouer. D'abord en créant cette taxe sur les transactions financières qui pourrait rapporter les ressources nécessaires pour trouver un bon équilibre entre réduction des déficits et relance de la croissance sans lequel il n'y aura pas de sortie de crise. Mais pour que cette croissance soit durable, l'Europe doit retrouver l'envie et l'enthousiasme de grands projets menés en commun. Ensemble, nous avons su faire Airbus et Ariane. Ensemble, nous avons formé avec EADS le champion mondial de l'aéronautique. Nous devons nous battre pour que le budget de l'Union européenne pour les années 2014-2021 fasse toute sa place à de grands projets : véhicules électriques, réseau ferré à grande vitesse, Internet haut débit, infrastructures y compris spatiales et d'observation de la Terre...
Un des grands défis du XXI e siècle sera d'inventer, de conquérir les énergies de demain. Le pétrole s'épuise. Le nucléaire n'est pas la solution : même Madame Merkel l'a compris, rejoignant les socialistes et les Verts allemands. Je propose que nous lancions de concert un grand chantier « nouvelles technologies de l'énergie » dans le cadre d'une véritable agence franco-allemande de l'énergie, premier pas vers une Communauté européenne de l'énergie. A l'image de ce qu'a été la Ceca - Communauté européenne du charbon et de l'acier -, elle pourrait permettre, avec tous les pays de l'Union, qui souhaiteront avancer dans ce sens avec nous dans le cadre d'une coopération renforcée, de favoriser la transition vers les énergies renouvelables.
Nos deux pays ont chacun leurs forces. La France, sa démographie, ses infrastructures, ses services publics puissants, ses champions mondiaux... De l'Allemagne, la France devrait retenir trois leçons. D'abord la gestion de la crise de 2008 : l'Allemagne a investi 4,5 milliards d'euros par an pour préserver l'emploi en recourant autant que de besoin au chômage partiel, quand en France nous dépensions la même somme pour subventionner... les heures supplémentaires. Résultat de cette gestion de la crise, le chômage a baissé en Allemagne de 7,5 à 6 % quand en France, parti du même niveau, il a bondi à près de 10 % aujourd'hui ! Ensuite, l'Allemagne soutient ses entreprises de taille intermédiaire, grâce à l'action de banques locales. Rien n'a été fait depuis cinq ans en ce sens. Enfin, l'Allemagne a fait le choix de la compétitivité-qualité : en 2009, ses dépenses de R&D ont atteint 2,8 %, contre 2,1 % en France. Un rattrapage est nécessaire en France : je le mettrai en oeuvre. Et puis, je ferai de l'harmonisation fiscale et sociale une priorité pour éviter toute concurrence par le bas ; l'Allemagne concurrence aujourd'hui notre agriculture par des salaires très bas !
Nous célébrerons, en janvier 2013, le 50 e anniversaire du Traité de l'Elysée, cet acte fondateur de la réconciliation franco-allemande. Je souhaite que cet anniversaire nous permette de franchir une nouvelle étape dans la communauté de destin, qui est celle de nos deux nations au sein de l'Europe. C'est en nouant une relation de confiance - qui n'existe pas aujourd'hui -, et en réussissant des projets en commun que la France, l'Allemagne mais aussi l'Europe seront plus fortes dans le monde de demain.
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