Benoît Hamon, ministre délégué à l'économie sociale et solidaire et à la consommation, voit dans son domaine un moteur pour l’emploi et défend un nouveau modèle de coopérative permettant susceptible d’aider des salariés à poursuivre l'activité dans une entreprise en difficulté.
Vous présentez ce mercredi 5 septembre en conseil des ministres les orientations de la future loi-cadre de l'économie sociale et solidaire, attendue au premier semestre 2013. En attendez-vous un impact sur l'emploi ?
Oui. L'objectif est clairement d'inscrire le développement de l'économie sociale et
solidaire [ESS] dans la stratégie de lutte contre le chômage et de croissance
de la France.
Le projet de loi-cadre s'inscrit dans la suite logique de l'élaboration du
programme des emplois d'avenir [100 000 en 2013] et de la mise en œuvre de l'outil
de financement de l'innovation sociale que sera le compartiment de la Banque
publique d'investissement (BPI) dédiée à l'ESS [à hauteur de 500 millions
d'euros], régionalisée et très attendue par le secteur.
Nous considérons aujourd'hui qu'un secteur qui pèse 10 % du PIB ne peut pas être à l'écart des stratégies de politiques publiques, de surcroit quand ce secteur-là combine performance économique, lucrativité limitée ou nulle et utilité sociale. Il faut consoldier le modèle économique des pionniers et des défricheurs.
Face à l'urgence de l'emploi, c'est paradoxalement un projet de long terme ?
Non, puisque le projet de loi des emplois d'avenir a été présenté dès la fin de l'été et que la BPI c'est quasiment pour la fin du mois.
Quels sont les principaux points du cadrage que vous présentez mercredi ?
Pour que ce secteur puisse bénéficier de la légitimité qui lui manque, il faut tout d'abord en définir le périmètre sans entrer dans une querelle des anciens et des modernes, ceux qui se définissent par leur statut – la gouvernance, le partage de pouvoir – ceux qui s'en revendiquent par la finalité sociale de leurs missions.
J'entends avoir une vision inclusive de l'ESS qui pose un certain nombre de critères vérifiables : la gouvernance démocratique, l'ancrage territorial, l'échelle des rémunérations, l'utilité sociale, l'inscription dans des politiques d'intérêt général. On définira qui appartient à ce secteur à l'aune de ces critères-là et à quelle contrepartie légale ouvre le respect de ces critères : un accès à la commande publique, est-ce que cela ouvre un accès à un label donnant droit au financement par l'épargne salariale dans les chambres régionales de l'ESS ? Est-ce que cela ouvre le droit à des dispositions fiscales particulières ? Voilà pour le premier point.
Quels sont les autres points ?
Le deuxième chapitre concerne les formes de contractualisation entre l'Etat, les collectivités territoriales et les acteurs du secteur pour développer l'ESS avec des programmes pluriannuels.
Le troisième point est le renforcement du cadre juridique des institutions du secteur et enfin le quatrième, c'est la modernisation de toutes les dispositions législatives qui régissent le statut des coopératives, les règles qui entourent l'activité des mutuelles, le financement des associations. C'est dans ce chapitre qu'intervient la création d'un nouveau statut coopératif.
Pourquoi créer un nouveau modèle de coopérative ?
La mobilisation des pouvoirs publics souhaite accompagner celle des acteurs de l'ESS. Des dizaines de milliers d'emplois d'avenir seront créés par l'ESS dès 2013, dans le domaine des services aux personnes, du soutien scolaire, de l'économie circulaire [recyclage], de l'économie verte, où il y a énormément d'acteurs de l'ESS.
Les contrats de génération intéressent au premier chef les employeurs de l'ESS, notamment le secteur sanitaire et social. Car plusieurs centaines de milliers de salariés partiront à la retraite d'ici à 2020 [608 000 selon l'Union de syndicats et groupement d'employeurs représentatifs dans l'économie sociale]. D'ici là, on peut construire une stratégie vertueuse qui intègre des jeunes en contrat de génération, formés par des anciens qui les trois dernières années de leur vie professionnelle vont transmettre un savoir-faire, des compétences ainsi que les valeurs de ce secteur à de jeunes salariés. Mais, les aspects emplois de la loi-cadre porteront surtout sur les situations de reprise d'entreprises en difficultés ou celles qui ne trouvent pas de repreneur.
C'est pour ces derniers que vous voulez créer un nouveau modèle de coopérative ?
Oui. Nous voulons créer un nouveau modèle de coopérative où le pouvoir des salariés pourrait être majoritaire malgré un actionnariat salarié minoritaire. Soit une transition qui diminue la prise de risque initiale et permette le passage en SCOP. Plus précisément, les salariés pourraient posséder 65 % des droits de vote pendant plusieurs années sans pour autant être majoritaires, ce qui leur donnerait le temps de constituer progressivement les fonds propres nécessaires pour devenir majoritaires en capital.
Ce nouveau modèle de coopérative peut permettre d'apporter une réponse sous la forme de maintien de l'emploi à des entreprises temporairement défaillantes. Ce modèle-là ne répond pas aux plans sociaux de grands groupes voire de multinationales. Mais on estime jusqu'à 200 000 le nombre d'emplois détruits en France dans des entreprises saines qui s'éteignent faute de repreneurs. Ce ne sont pas des pépites qui dégageraient un rendement de 15 % à 20 % par an – elles seraient immédiatement rachetées par des fonds spéculatifs – mais des entreprises qui dégagent 3 % à 5 %, 6 % les meilleurs années. Des marges qui fluctuent peu. Des entreprises dont on a besoin. Nous allons créer un nouveau modèle de coopérative pour faciliter la reprise de ces entreprises. Cela passe par la loi, la loi-cadre dont le projet sera présenté au cours du premier semestre 2013.
propos recueillis par Anne Rodier (Le Monde)
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