1°) La mise en place d’une instance de concertation efficace entre l’Etat et les collectivités suscite beaucoup d’attentes chez les élus de petites villes. Lors de votre discours de politique générale devant le Sénat, vous avez confirmé votre intention de créer un Haut Conseil des Territoires, faisant directement un écho à une proposition de l’APVF. Quel rôle souhaitez-vous confier à ce Haut Conseil ?
Après plusieurs années de défiance, les relations entre l’Etat et les collectivités territoriales devaient repartir sur de nouvelles bases. J’ai mesuré lors des rencontres avec les associations d’élus, que nous avons organisées depuis le mois de juillet dernier, le besoin d’écoute, d’échange, de dialogue et je m’y suis engagé avec force, sans jamais oublier qu’il y a encore quelques semaines, j’étais maire, moi aussi. Il y a là un profond changement d’attitude et de perception globale des collectivités, qui ne sont pas une charge, un problème, mais qui sont au contraire un élément de réponse à la crise du pays. Je veux faire confiance à l’intelligence des territoires et au formidable dynamisme qui s’y exprime.
Pendant la campagne, dans son discours de Dijon, le Président de la République a proposé la création d’un Haut conseil des territoires. Il figurera dans le projet de loi que prépare Marylise Lebranchu, ministre de la réforme d’Etat, de la décentralisation et de la fonction publique, avec Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation. A côté du Sénat, qui assure la représentation des collectivités territoriales de la République en vertu de la Constitution, le Haut conseil des territoires offrira un lieu de dialogue et de concertation permanent entre l’exécutif, les associations d’élus, les élus eux-mêmes. Nous préciserons ensemble dans les prochaines semaines la composition et les modalités de fonctionnement du Haut conseil, notamment par rapport au Comité des finances locales, au Comité consultatif d’évaluation des charges et le Comité consultatif d’évaluation des normes qui jouent un rôle très utile.
2°) Le Gouvernement que vous dirigez a affiché la volonté de mettre en œuvre un nouvel acte de la décentralisation. Quels sont les principes directeurs qui présideront à cette nouvelle réforme des collectivités locales ?
J’en vois quatre. D’abord j’entends associer les élus le plus possible à la réflexion et à la préparation des textes. Les Etats généraux de la démocratie territoriale viennent à point nommé et je tiendrai le plus grand compte des résultats de la consultation lancée par le Président Jean-Pierre Bel. C’est aussi pour cela que nous avons voulu attendre ces Etats généraux, les 4 et 5 octobre prochains, pour terminer la préparation du projet de loi.
Ensuite, la démocratie territoriale doit être revivifiée. Le conseiller territorial sera abrogé et ne verra donc pas le jour ; le mode d’élection des conseillers généraux sera modifié pour une meilleure représentativité de l’assemblée départementale et davantage de parité. Le calendrier électoral sera adapté en conséquence mais je peux d’ores et déjà vous dire que les élections municipales se tiendront comme convenu au printemps 2014.
Ensuite, je souhaite que nous envisagions de confier de nouvelles responsabilités aux collectivités, par transfert de compétences ou par délégation. Là encore, la méthode du dialogue et de la concertation sera retenue pour préparer et expérimenter ces transferts.
Enfin, puisqu’il n’est pas question d’un « big bang » institutionnel, je souhaite que nous trouvions le moyen de mieux coordonner l’action des acteurs publics dans leur ensemble, Etat, régions, départements, communes, avec les intercommunalités pour améliorer l’efficacité de l’action publique. Il y a là un enjeu majeur, pour éviter les doublons et pour développer des stratégies communes, notamment pour le développement économique. J’ajoute que la décentralisation marchera du même pas que la modernisation de l’Etat. Les deux sont liées, y compris au sein du gouvernement. C’est l’ensemble de l’action publique que nous voulons rendre plus performante.
3°) La situation financière des collectivités locales, et des petites villes en particulier, ne cesse de se dégrader, obligeant nombre d’entre elles à renoncer à des investissements nécessaires. Quelles mesures votre Gouvernement compte-t-il adopter pour redonner des moyens à l’action publique locale ?
La situation financière des collectivités locales m’est parfaitement connue et j’ai veillé à ce que des réponses rapides soient apportées lorsque des inquiétudes fortes se sont manifestées, en particulier pour le bouclage de certains investissements sur 2012. Plus précisément, pour faire face à la crise de Dexia, nous avons mis en place un dispositif exceptionnel avec le déblocage de fonds de la Caisse des dépôts et la Banque postale s’est engagée pour sécuriser le financement du secteur public local.
Plus fondamentalement, il n’y a pas de décentralisation et de libre administration sans une certaine autonomie financière. Le maintien des dotations en valeur pour 2013 a été assuré. Je sais que les collectivités sont prêtes à prendre leur part dans l’effort national de redressement des comptes publics qui n’est pas négociable. Je souhaite établir un pacte de confiance avec les collectivités, pour qu’elles gagnent en autonomie tout en assumant leur responsabilité budgétaire. Je sais pouvoir compter sur elles.
4°) Le Ministre de l’Intérieur a laissé entendre que les sous-préfectures pourraient être amenées à disparaitre. Cette annonce suscite une vive inquiétude dans les petites villes, alors que nombreuses d’entre elles ont été durement touchées par les fermetures de services publics liées à l’application de la RGPP. Confirmez-vous ?
Je mesure, en ma qualité d’élu local, la sensibilité de ce sujet. Mon expérience m’a permis de mesurer le rôle des préfets et des sous-préfets, l’importance des missions qu’ils assument et qui participent de l’équilibre de nos institutions et de la cohésion nationale.
J’ai également mesuré la préoccupation des Français dont certains ont exprimé un sentiment d’abandon en constatant le départ de services publics. Je pense particulièrement à des zones périurbaines les plus éloignées ou encore des territoires ruraux isolés.
J’ai demandé à chacun des ministres de réfléchir à la meilleure organisation à retenir pour l’exercice de leurs missions et, dans ce cadre, je les ai invités à renouer avec les principes de la déconcentration.
Je ne veux pas en effet que les ministères sacrifient leur présence territoriale qui répond à une vraie attente des habitants et de leurs élus. Lorsqu’il y a réduction d’effectif, l’effort doit être équitablement réparti entre les différents échelons : l’administration centrale, l’administration régionale et l’administration départementale. L’échelon de proximité ne doit pas être le premier mis à contribution.
Ma priorité, c’est l’efficacité de l’action publique. S’il doit y avoir des réorganisations, elles ne doivent pas être contradictoires avec cet objectif et nous prendrons le temps de la concertation avec les élus locaux.
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