J’ai fait le choix de m’abstenir et de ne pas voter le Traité Européen, dit « TSCG ». Pourquoi ce choix ?
Après avoir défendu le « non » lors du référendum relatif au Traité Constitutionnel Européen en 2005 puis m’être opposé à l’adoption du MES, j’ai toujours la conviction que la construction européenne doit être réorientée.
Dominée par les libéraux et les conservateurs, l’Union doit retrouver ses principes fondateurs et les objectifs assignés par ses pères, Monnet et Schuman. Trop souvent l’Europe apparait désormais comme un danger plus qu’une protection. La libéralisation, la déréglementation de pans entiers de notre économie mais aussi de notre protection sociale, cela semble aujourd’hui le seul horizon des dirigeants européens. Rappelons que l'immense majorité des pays européens sont dirigés par des conservateurs et des libéraux..
Je défends au contraire une Europe plus forte, en capacité de protéger l’emploi et l’industrie, de construire un modèle social grâce à une harmonisation vers le haut. Je suis convaincu que c’est à l’échelle européenne que nous pourrons réguler les activités bancaires et financières mais aussi taxer les flux financiers spéculatifs. Que c’est à l’échelle de l’Europe que nous pourrons lutter contre les délocalisations, inverser les rapports de force et imposer des normes sociales et environnementales plus protectrices.
Cela nécessite une réorientation forte de l’Europe. François Hollande a été élu avec ce mandat : réorienter la construction européenne, et je salue les efforts qu’il déploie, avec son Gouvernement, depuis le mois de mai.
Notre majorité veut réorienter le cours de la construction européenne. En effet, si nous sommes européens, nous n’en sommes pas moins en désaccord avec le chemin qui a été suivi depuis de longues années et depuis cinq ans en particulier. Pour répondre aux ébranlements provoqués par la crise financière et pour sauver notre monnaie, les gouvernements européens se sont contentés d’une réponse budgétaire, le précédent gouvernement français au premier chef. Si le sérieux budgétaire est indispensable lorsque la dette s’emballe et paralyse l’action publique, la réduction des déficits sans soutien à la croissance conduit à la récession.
Au nord, au centre et au sud de l’Europe, des partis populistes prospèrent. Les égoïsmes nationaux et le refus de toute solidarité gagnent du terrain. Si l’Europe n’avance pas, si nous la condamnons à l’impuissance, si nous refusons toute avancée sous prétexte que nous en attendons d’autres, alors ces forces du repli seront celles qui progresseront le plus vite.
Sous l’impulsion du Président de la République, le Conseil européen de juin dernier a rééquilibré le traité par l’ajout d’un texte complémentaire, le pacte pour la croissance et l’emploi. C’est la France qui a replacé la croissance au cœur du débat européen, avec l’appui de plusieurs de nos partenaires désormais convaincus de l’importance de cet enjeu.
Ce pacte crée un état d’esprit nouveau en Europe. La recapitalisation de la banque européenne d’investissement sera effective au premier trimestre 2013. Avec l’ensemble des cofinancements, ce sont des investissements supplémentaires à hauteur de 120 milliards d’euros qui seront engagés, soit l’équivalent d’une année du budget communautaire européen. D’ici la fin de l’année 2012, une supervision intégrée des systèmes bancaires de la zone euro adossée à la Banque centrale européenne sera mise en place.
La banque centrale européenne a pu prendre appui sur cette volonté politique nouvelle pour acheter des obligations gouvernementales sur les marchés secondaires « sans limites quantitatives », comme le dit le texte. Cela aussi, nous l’espérions et le demandions depuis longtemps et chacun ici sait que cette décision aurait été bienvenue avant que la crise des dettes souveraines n’atteigne l’Italie et l’Espagne.
Quant à la taxe européenne sur les transactions financières, nous n’avons cessé de la demander. Le gouvernement précédent nous disait que jamais nos partenaires n’y consentiraient. Elle avait été abandonnée par le précédent Président de la République. Elle sera sera mise en place dans le cadre d’une coopération renforcée.
Le premier défi, c’est d’apporter des solutions durables aux dysfonctionnements de la zone euro, qui font obstacle au redémarrage de la croissance. Le président du Conseil européen, M. Herman Van Rompuy, a été chargé de préparer une feuille de route sur l’avenir de l’union économique et monétaire, en collaboration avec les présidents de la Commission européenne, de la Banque centrale européenne et de l’Eurogroupe.
Les programmes de stabilité financière n’ont pas suffi à rassurer les marchés. Tant que l’hypothèse d’une sortie de certains pays de la zone euro n’est pas définitivement écartée, les marchés continueront d’imposer aux pays les plus vulnérables des primes de risque qui les asphyxient, ruinent leurs efforts et pénalisent durablement leurs peuples. Notre réponse sera l’approfondissement de l’union économique et monétaire. Ce sera aussi une nouvelle étape de notre histoire commune, que le Président de la République a appelée « intégration solidaire ». L’union monétaire appelle en effet davantage d’intégration économique et budgétaire, mais aussi bancaire, fiscale, sociale et démocratique.
A l’issue de ce conseil européen, le fonctionnement de l’union économique et monétaire devra être réformé, en répondant à trois exigences.
La première, c’est la coordination des politiques économiques de la zone euro au service de la croissance. Il est clair aujourd’hui que le pilier économique et monétaire doit être renforcé. Ce gouvernement économique que nous réclamons depuis des années est maintenant à l’ordre du jour.
La deuxième exigence, c’est l’équilibre entre le développement de mécanismes financiers de solidarité et la vigilance budgétaire. La zone euro doit disposer d’instruments budgétaires et financiers communs pour faire face aux chocs externes et permettre aux pays qui ont des difficultés de les surmonter pour retrouver la croissance. L’Europe ne peut se dispenser de solidarité. Trop souvent, le chacun pour soi prévaut.
Il faut d’abord élargir le rôle du mécanisme européen de stabilité en matière de crise bancaire. La France est favorable à la mutualisation d’une partie de la dette par l’émission d’eurobonds. Par ailleurs, il est temps qu’une nouvelle législation bancaire sépare la gestion des dépôts des activités à risque à l’échelle de toute l’Europe. La France le fera elle-même, sans attendre. La finance doit être au service de l’économie et non de la spéculation
Enfin, alors que le Président de la République précédent disait que le TSCG imposait l’adoption de la « règle d’or » et son inscription dans la Constitution, le Conseil Constitutionnel a dit que le TSCG ne comporte pas de transfert de souveraineté nécessitant une révision de la Constitution.
Il n’y aura donc pas d’inscription de la « règle d’or », néfaste et destructrice, dans notre Constitution. Nous adopterons simplement une loi organique qui définit les orientations et les échéances du redressement des comptes publics. Ce n’est effectivement pas le traité qui nous impose d’équilibrer nos comptes publics, mais la volonté de ne pas nous laisser dicter notre politique par les marchés financiers et de retrouver des marges de manœuvre. Il n’est pas acceptable que le premier poste du budget de l’État soit le remboursement des intérêts de la dette. Si nous voulons financer nos priorités, c’est-à-dire l’éducation, la recherche, l’emploi, la sécurité, la justice, le logement et la santé, alors il faut que nous redressions nos comptes publics.
Notre majorité a choisi de le faire dans la justice, en veillant à ce que les efforts soient justement répartis entre tous comme l’illustre le projet de loi de finances pour 2013.
Reste donc la question du TSCG.
Je ne peux pas voter en faveur de son adoption car il porte, selon moi, une inspiration libérale et ne préconise que l’austérité pour sortir de la crise. C’est le texte rédigé par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. Je ne peux l’accepter. Au-delà de la lettre de ce traité, c’est la sacralisation d’une politique économique dont l’échec est aujourd’hui manifeste que je refuse de valider. Il me semble inadapté de conduire une politique d’austérité en période de récession. L’austérité imposée à la Grèce et à l’Espagne a appauvri les populations sans relancer l’économie de ces pays. La politique d’austérité, revendiquée par le gouvernement Cameron, n’empêche pas le Royaume-Uni d’entrer officiellement en récession. Cette austérité que la droite européenne voudrait imposer à l’ensemble de l’Union est dangereuse et intenable.
Je ne peux pas non plus nier les avancées obtenues, arrachées, par le nouveau Président de la République. Certains les trouvent insuffisantes et je considère aussi que cela ne doit pas être un solde de tout compte. Je crois cependant qu’il faut les valoriser et les garantir. Je crois aussi que nous devons, dans la majorité, soutenir le Président de la République et une faille dans sa majorité l’affaiblirait. C’est parce que je crois que souvent le contexte compte presque autant que le texte que je ne peux pas porter un vote de défiance quant à la politique du Gouvernement, sans que cela puisse m’amener à approuver le contenu du texte.
C’est avec ces considérations que j’ai fait le choix de m’abstenir.
Certains, et notamment parmi mes amis, me reprocheront une forme de tiédeur. Je l’assume par esprit de responsabilité et parce qu’après dix ans pendant lesquels la Droite n’a fait qu’accompagner la libéralisation et la déréglementation, je ne veux pas censurer les efforts et la politique de réorientation que le Président de la République met en œuvre.
Avec cette abstention sur le traité, je veux aussi dire que l’adoption de ce traité n’éteindra pas le débat.
Celui-ci va se poursuivre, et heureusement, sur cet horizon européen nouveau que nous appelons de nos vœux et de notre espoir. D’ailleurs, heureusement notre agenda politique ne se limite pas aux débats sur ce traité – qui apparaît d’ailleurs largement caduc – et nous saurons nous concentrer sur la réalisation des grands chantiers nationaux et européens qui sont devant nous. C’est à cette aune que les Français nous jugeront.
Nous pouvons nous appuyer sur la récente décision de la BCE pour offrir une perspective de progrès à l’Europe, réformer les institutions de l’Union européenne et nous mobiliser pour soutenir François Hollande dans cette voie.
Il faut donner aux Etats les moyens de mettre en œuvre des politiques ambitieuses d’avenir et de dynamique économique. Il conviendrait en particulier de distinguer les dépenses de fonctionnement des dépenses d’investissement. Il n’est pas réaliste, ni juste envers les générations futures, de mettre sur un pied d’égalité les investissements en matière d’éducation, de santé, de protection de l’environnement et les crédits destinés au fonctionnement de l’Etat. Les investissements d’aujourd’hui sont les emplois et la compétitivité de demain. Il faut être clair: ce n’est pas la réduction des déficits que je conteste par mon abstention, mais l’idée que les ressources destinées à l’investissement doivent en faire les frais. Surtout, il convient de donner à l’Europe les moyens d’agir et d’investir, parce que c’est à l’échelle européenne qu’une réponse à la crise est pertinente. L’Europe fédérale sociale et démocratique doit être notre avenir.
Le débat ne s’éteindra pas non plus sur la question de l’équilibre à atteindre dans nos comptes publics, ainsi que sur l'échéance de ce redressement. La règle des 3% ne doit pas être intangible au point de compromettre la relance, le développement de notre activité ou remettre en cause de notre modèle de protection sociale et de service public.
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