Le coeur du projet de loi porte sur la séparation de deux types d'activités que le modèle français de la banque «universelle» tend à réunir: la banque d'investissement, qui peut se livrer à des activités spéculatives, et la banque de dépôt, qui reçoit l'argent de ses clients. Les partisans de la séparation arguent que l'association des activités spéculatives et de la mission traditionnelle de la banque sous un même toit fait porter des risques sur les dépôts des épargnants et donc, pour l'ensemble du système. Ses adversaires, en revanche, craignent que les filiales spécialisées dans l'investissement imposées par la nouvelle loi ne soient trop faibles pour être compétitives. Après la faillite de Lehman Brothers en 2008, la question s'est posée avec acuité aux Etats-Unis. L'Etat fédéral a été contraint d'injecter des centaines de milliards de dollars pour sauver des banques dont les branches d'investissement avaient pris trop de risques. Le gouvernement français veut faire en sorte qu'il ne soit pas nécessaire d'en arriver à une telle extrémité en cas de crise. Il présente donc au Parlement un projet de loi que les députés socialistes ont déjà renforcé à l'occasion de son examen en commission mercredi 6 février 2013.
Ma collègue Karine Berger, députée des Hautes-Alpes, est la rapporteure du projet de loi. Elle a donné beaucoup d'interviews à la presse et ParisMatch a publié une des plus intéressantes et complètes.
ParisMatch.com. Il a beaucoup été reproché à ce projet de loi de ne pas aller assez loin. Est-ce que les amendements des députés suffisent à le renforcer?
Karine Berger. J'ai toujours dit que c'était un bon projet de loi. C'est une «paire de ciseaux» qui permettra une régulation structurelle du monde de la finance. Les évolutions du texte en commission des Finances mardi ont démontré l'utilisation concrète qu'on peut en faire. On a donné la possibilité au ministre de «couper» un peu où il veut dans les banques d'investissement opérant au sein de banques universelles. Le reproche qui a été fait au projet de loi de ne pas aller assez loin ne tient pas: avec ces amendements, on a démontré qu'il est parfaitement compatible avec une séparation stricte.
Précisément, ces amendements inquiètent les banques, qui craignent de n'être plus concurrentielles.
La semaine dernière, le monde bancaire semblait nous dire qu'il n'était pas très inquiet. J'ai cru comprendre que les amendements que nous avons apporté ont été pris très au sérieux. Mais dès le départ, c'était la logique du ministre du Finance d'avoir une régulation forte. Nous avons fait preuve de responsabilité. Nous avons respecté l'équilibre, préservant la compétitivité de nos banques et les protégeant contre elles-mêmes et les risques qui deviennent néfastes pour tout le monde.
Elles sont particulièrement inquiétées par le mécanisme de «résolution bancaire» prévu par le texte. De quoi s'agit-il?
C'est quelque chose de très utile. La résolution, c'est un testament que donnent les banques, disant: «Si un jour je vais mal, voilà comment je veux mourir». C'est la possibilité de couper des morceaux de la banque sans les sauver. En 2008, on avait des systèmes bancaires tellement gros, tellement puissants, tellement instables qu'il fallait tout sauver avec de l'argent public. C'est ce qu'on appelle l'aléa moral. Avec ce testament, la garantie de l'Etat n'est plus engagée sur une grosse partie de la banque. Et comme vous ne pouvez pas «résoudre» une banque qui est trop grosse, ce qui a été le problème de Lehman Brothers, on a renforcé les pouvoirs du ministre de séparer les activités très risquées avant même que les problèmes surviennent.
Au-delà de ces mesures, le projet de loi comprend aussi des mesures très concrètes pour les clients des banques. Quelles sont-elles?
Il s'agit de protéger les populations les plus fragiles sur les frais de commission d'intervention. Certaines personnes ont parfois du mal à joindre les deux bouts pendant quelques temps. Il ne faut pas qu'elles soient tabassées par des frais d'intervention systématiques parce qu'ils ne sont pas dans les clous pendant quelques temps. La loi les plafonne. Et le ministre souhaite que l'on élargisse le champ des populations concernées, ce sera fait probablement la semaine prochaine. Il y a un autre élément très concret: l'assurance emprunteur. Quand vous prenez un emprunt, ça coûte cher. Nous voulons renforcer la concurrence là-dessus, pour faire économiser de l'argent aux clients.
Comment jugez-vous l'attitude de l'opposition sur ce sujet?
Je suis consternée. Ils n'étaient pas là ! Enfin, je corrige: je veux remercier la présidence vraiment remarquable de Gilles Carrez (président UMP de la commission des Finances, ndlr). Il a été très bon en tant que président, mais en plus, c'était mon premier rapport en tant que rapporteur, ce n'est pas simple et il m'a aidée dans cet exercice un peu compliqué. Mais par contre, les membres de l'opposition n'étaient pas là du tout à partir de 21 heures. Nous avons légiféré pour la première fois au monde sur la question de la présence des banques dans les paradis fiscaux, sans l'opposition!
Dans votre travail sur le texte, avez-vous eu l’œil rivé sur l'Allemagne, où une réforme similaire se prépare?
Bien sûr. J'ai même mené de nombreuses auditions à l'étranger. J'ai été à Bruxelles, j'ai été à Francfort. Nous voulons être totalement en cohérence avec les textes européens qui sont élaborés en ce moment-même. La France est précurseur en la matière. Deuxième chose, nous savions qu'un certain nombre de partenaires européens étaient en train de travailler, donc nous les avons regardés de très, très près. Si l'Allemagne légifère, ça renforcera encore la démarche de la France.
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