Plusieurs lecteurs de ce blog m'ont interrogé sur mon sentiment quant à l'Accord National Interprofessionnel. En résumé, je pense qu'il ne mérite ni les excès d'honneur, ni les outrances négatives que certains lui prêtent. Cet accord a le mérite d'exister et d'avoir remis le dialogue social au coeur de la méthode de réforme et du travail politique. Je refusais de me prononcer sur son contenu avant que le projet de loi de transcription soit connu. Je considère que les parlementaires ne sont ni des huissiers ni des notaires tenus par une fidélité à une plume qui ne serait pas la leur.
Michel Sapin a présenté, le 6 mars, en Conseil des Ministres le projet de loi sur la sécurisation de l’emploi. Celui-ci est la transcription de l’Accord National Interprofessionnel (ANI) signé le 11 janvier dernier par le MEDEF et 3 organisations syndicales (CFDT, CGC, CFTC).
Lors de la conclusion de cet accord, nous étions nombreux à avoir regretté que les conditions de signature des organisations syndicales ne permettent pas de s’assurer d’une représentativité suffisante pour engager l’accord majoritaire des salariés puisque deux syndicats importants (CGT et FO) ont refusé de le valider. Nous estimions également que, si l’ANI comportait des avancées, il suscitait aussi des inquiétudes quant à ses conséquences sur les protections collectives des salariés notamment en matière de licenciement et de contrat de travail.
Au regard de la complexité de l’accord et des enjeux auxquels il doit répondre (la lutte contre la précarité du travail et le chômage dans un contexte de forte crise économique), je considère que les parlementaires doivent adopter une démarche responsable en se gardant d’afficher, dans la précipitation, une position tranchée. Nous devons participer aux cadres de discussion mis en place au sein de l’Assemblée nationale. Enfin, nous devions attendre la présentation du projet de loi par le ministre du Travail avant de nous prononcer. Cette première version du projet de loi infirme certaines inquiétudes contenues dans l’accord, mais il peut être encore amélioré en faveur des salariés. Il est aujourd’hui de la responsabilité des parlementaires de gauche de s’appuyer sur leur légitimité propre, celle du suffrage universel, pour débattre et amender un texte crucial pour l’évolution de notre contrat social.
Le ministre a fait des changements très importants, preuve que l'on peut mettre de la couleur dans les blancs tout en respectant l'accord et les signataires. Une des précisions majeures concerne les licenciements. L'administration devra homologuer le contenu du plan social présenté par le chef d'entreprise. Le Medef espérait qu'elle ne se prononcerait que sur la forme, mais le ministre du Travail a décidé qu'elle pourrait demander de renforcer les conditions de départ des salariés concernés. Autrement dit, elle pourra renchérir le coût du licenciement. Ce qui donnera des arguments de négociations non négligeables aux représentants du personnel qui devront signer le plan. En gros, le choix stratégique qui a été fait dans le projet de loi est de rendre plus difficile les licenciements secs à l'avenir.
Pour ces raisons, nous devons effectuer un travail d’amendement pour consolider les droits des salariés et renforcer les protections collectives comme l'a déjà exprimé le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, Jean-Marc Germain, Député des Hauts-de-Seines. En complément de la confiance accordée à la méthode du dialogue social défendue par le Gouvernement, nous pensons que la démocratie n’est pleinement efficace que si elle donne toute sa place à l’action législative du Parlement.
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