Vous trouverez ci-après l'interview donnée à Jean-Pierre Bouaffar, directeur de la rédaction du Réveil du Vivarais au sujet du projet de loi dont je suis le rapporteur. D'autres sujets, plus politiques, sont abordés en fin d'entretien.
1. Le marathon se termine, rapporteur de ce texte, vous allez, le 15 juillet, entrer dans l'hémicycle, peut-être plus une arène, dans quel état d'esprit êtes-vous ?
Le projet de loi est examiné pendant trois jours en commission des Lois cette semaine et il sera discuté en séance publique pendant la semaine du 15 juillet. Je suis donc concentré sur mon rôle de rapporteur qui consiste à éclairer les travaux de la commission en lui présentant un rapport dans lequel j’expose mon point de vue sur le texte et je propose des amendements.
En tant que rapporteur, mon objectif est d’éviter que l’hémicycle devienne une arène. Le débat aura bien lieu et reste nécessaire pour améliorer le projet de loi. Mais pour cela, il doit être respectueux et constructif.
2. Comment se prépare-t-on ?
Rapporter un texte législatif comporte plusieurs étapes. Je sors de trois semaines d’auditions, qui m’ont permis de rencontrer la plupart des associations d’élus et de recueillir leurs avis sur ce projet de loi.
D’une part, c'est une phase de consultation et de dialogue. D’autre part, cela éclaire les positions du rapporteur et nourrit son rapport.
Parallèlement à ces auditions, j’ai multiplié les réunions de travail avec le Gouvernement, les sénateurs qui ont déjà examiné le texte en première lecture et les députés. J’ai aussi beaucoup lu et relu de nombreux textes et rapports sur le sujet.
3. Le travail en commission a-t-il été facile à mener ?
A l’heure où je vous réponds, la commission des Lois n’a pas achevé l’examen du projet de loi. Avec les autres commissaires aux Lois, nous venons d’auditionner les deux ministres en charge de la réforme, Marylise Lebranchu et Anne-Marie Escoffier, et nous avons trois jours pour examiner un peu plus de 500 amendements.
Depuis la réforme constitutionnelle de 2008, l’examen en commission a pris de l’importance puisque le texte examiné en séance est désormais celui issu de la commission et non plus la version initiale du texte.
Mon objectif est que le projet de loi connaisse déjà des améliorations en commission avant d’arriver en séance.
4. En quoi ce nouvel acte va-t-il être novateur ?
Premièrement, il vise à moderniser l’action publique. Il faut avoir en tête que l’action publique territoriale et les relations entre l’Etat et les collectivités territoriales constituent aujourd’hui une part incontournable de l’action publique en général.
La loi va permettre de rationnaliser l’action publique en partant d’un triple constat : la défaillance du centralisme français ; les limites de la décentralisation imposée par le haut ; la richesse et la diversité de nos territoires. Dans chaque région sera créée une conférence territoriale de l’action publique qui sera chargée d’organiser et de coordonner les actions des collectivités territoriales. Des contraintes financières pourront être imposées aux collectivités qui ne respecteront pas les règles ainsi définies. De plus, les collectivités territoriales deviendront chefs de file pour l’exercice de certaines compétences : la région sera chef de file en matière de développement économique par exemple, quand le département le sera en matière de solidarité des territoires, et la commune en matière d’accès aux services publics de proximité.
Cette rationalisation a trois avantages : elle repose sur la confiance aux élus ; elle apporte de la clarté, elle est source de lisibilité en permettant de répondre à la question « qui fait quoi ? ».
Deuxièmement, le projet de loi reconnaît le fait urbain et l’émergence d’une dizaine de métropoles sur notre territoire. Ces métropoles seront des intercommunalités plus intégrées, qui permettront à leurs territoires de disposer de nouveaux outils pour répondre aux défis du monde urbain : logement, transport, environnement, inégalités sociales et spatiales…
5. Le Sénat a adopté début juin la réforme portée par Marylise Lebranchu, une loi qu'ils ont revisitée fortement, qu'en pensez-vous ?
La version du Sénat présente un équilibre interessant. A nous députés de conserver les évolutions positives. Je pense par exemple à l’article sur le transfert de la gestion des fonds européens aux régions. Certains points doivent être précisés, comme la création de pôles ruraux d’aménagement et de coopération. Enfin, nous devons trouver une solution sur les sujets sur lesquels le Sénat n’a pas obtenu de majorité.
6. Dans ce texte le mille-feuille semble toujours bien épais, région, département, commune, interco, communauté d'agglo, des métropoles, n'y avait-il pas là l'occasion de trancher dans le vif ?
C’est une idée qui circule beaucoup : ce projet de loi ne simplifierait pas notre organisation territoriale. C’est faux !
Le contresens le plus répandu est de dire que les métropoles constitueront un nouvel échelon qui s’additionnera aux autres. Ce n’est pas le cas : la métropole est une nouvelle catégorie d’EPCI, au même titre qu’une communauté de communes, une communauté d’agglomération ou une communauté urbaine. Il n’y a donc pas d’échelon supplémentaire.
De plus, dans le cas de Lyon, la création de la métropole fera même disparaître un échelon : celui du département. La métropole prendra le relais de la communauté urbaine de Lyon, tout en récupérant l’ensemble des compétences du département sur son territoire.
7. La Région sera prépondérante ne fallait-il pas supprimer les départements ?
Il est certain que depuis les années 80, le fait régional s’est imposé en France. Et ce projet de loi renforce et élargit les compétences de nos régions, qui seront notamment en charge de la formation professionnelle et chefs de file en matière d’aménagement du territoire, de biodiversité, de développement économique et de complémentarité entre les modes de transports.
Toutefois, l’essor des régions ne doit pas être considéré comme la fin des départements. Dire l’inverse c’est oublier la complémentarité entre ces deux niveaux de collectivité. En effet, les départements ont principalement pour mission de garantir la solidarité entre les hommes et la cohésion des territoires dans tous les domaines, et pas seulement dans le domaine social.
De plus, cette suppression engendrerait des contraintes juridiques et techniques difficilement évaluables à l’heure actuelle.
8. Les maires ruraux, mais aussi les élus de départements ruraux sont inquiets, ont-ils des raisons de l'être ?
Je peux évidemment comprendre leurs inquiétudes. D’autres projets de loi plus axés sur la ruralité sont nécessaires.
Il est impératif de garantir la présence de services publics de proximité dans tous nos territoires. Concernant les déserts médicaux, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, présentera prochainement de nouvelles mesures pour les faire disparaître, du moins reculer. Au niveau financier, les dispositifs de péréquation doivent prendre en compte les spécificités du monde rural. Enfin, il faut investir dans ces territoires, notamment dans le domaine de l’aménagement numérique.
9. Pour vous est-ce que ce rendez-vous devant les représentants de la nation peut être un tremplin ?
Les besoins et les attentes des citoyens doivent être le fil conducteur de l’action publique territoriale. Il est impératif qu’ils puissent comprendre « qui fait quoi ». Aujourd’hui, ce n’est pas toujours le cas. Une action publique modernisée, c’est une action publique qui inspire confiance aux citoyens. Le retour à la confiance doit être au cœur de notre action.
A titre personnel, je suis fier d’avoir été désigné comme rapporteur des trois projets de loi de décentralisation. C’est une tâche certes complexe mais passionnante. Mon cap, c’est que la réforme apporte des solutions concrètes à nos territoires et à leurs habitants. Je m’y tiendrai.
10. Vous êtes un député jeune, êtes-vous comme certains de vos jeunes collègues du PS et de l'UMP prêt à réformer les privilèges de votre fonction ?
Il est certain que certains privilèges sont rattachés à la fonction de député : le cadre de travail est prestigieux, les moyens matériels mis à la disposition des députés sont conséquents.
Il ne faut pas laisser croire que rien n’est fait pour moraliser la vie politique depuis juin 2012 après des années d’excès.
Le salaire du Président de la République, des membres du Gouvernement et des présidents des deux assemblées ont été diminués de 30%. Le nombre de collaborateurs dans les cabinets ministériels a été plafonné. L’indemnité de frais de mandat des députés a été réduite de 10%. Le système de la réserve parlementaire a été réformé. Le projet de loi sur la transparence de la vie politique vient d’être voté par l’Assemblée nationale. Toutes ces avancées ont été obtenues en douze mois. Il reste encore quatre ans au Gouvernement pour revenir sur d’autres pratiques abusives.
11. Après le vote sur le texte, vous serez en vacances…Vous aurez le temps de pensez aux municipales. Etes-vous candidat à votre succession ?
Chaque chose en son temps.
Ce qui m’importe à Annonay, c’est de faire avancer nos projets. Ma feuille de route, ce sont les engagements pris en 2008. Beaucoup de choses ont été faites, et je suis fier du travail de mon équipe municipale, mais dans une ville comme Annonay, il y a toujours à faire, à rénover, à améliorer.
Je suis au travail et mon équipe aussi. Les élections viendront en leur temps, mais j’aime trop notre Ville pour ne pas penser à son avenir et je ne manque ni d’envie, ni de projets pour qu’elle soit toujours plus agréable.
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