Une loi-cadre sur l’Economie sociale et solidaire sera adoptée en 2013. La future Banque publique d’investissement prévoit d’intégrer l’ESS dans sa stratégie d’investissement: 500 millions d’euros de crédits sont prévus. Interview de Benoît Hamon, ministre délégué à l’Economie sociale et solidaire et à la Consommation, dans l'Express.
Vous travaillez à l’élaboration d’une loi-cadre sur l’Economie sociale et solidaire (ESS). Pourquoi le recours au législatif était-il nécessaire?
L’ESS a besoin d’être structurée. Dans ce but, avec le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, nous élaborons ce projet de loi afin de donner un cadre général à ce secteur. Selon le calendrier, elle sera adoptée au premier semestre 2013.
Nous considérons l’ESS comme capable de porter le changement. Certaines structures innovent massivement sur le plan social, elles ont parfois défriché des pans entiers de l’économie et sont rentables. Or, en raison de leurs statuts, elles sont privées de l’accès aux circuits de financement classiques de l’économie et sont évincées par le jeu d’une concurrence importante exercée par les entreprises privées.
Un exemple parlant: le formulaire Oséo, que devait remplir toute entreprise à la recherche de financements, demandait des renseignements relatifs à son actionnariat et aux dividendes versés. Ce type d’approche n’est évidemment pas adapté à une association ou une coopérative. C’est une situation qui doit évoluer: la constitution de la Banque publique d’investissement (BPI) portera une partie de la réponse.
Comment?
La future BPI fait l’objet de décisions cet automne. Mais il est d’ores et déjà prévu qu’elle intègre l’ESS dans sa stratégie d’investissement: 500 millions d’euros de crédits pour développer des structures de l’ESS et en financer de nouvelles.
Justement, certains observateurs estiment que le financement existe, mais que les projets ne sont pas assez professionnels. Comment mieux accompagner ces entreprises?
Comme les PME, les structures de l’ESS sont confrontées à un assèchement du crédit auquel la BPI doit apporter une réponse. Cela implique de pouvoir compter sur des interlocuteurs spécialisés, capables de comprendre leur stratégie, de les aider au montage des projets. Sans cette ingénierie, il est clair que les financements seuls ne constituent pas une mesure suffisante.
Vous travaillez à la mise en place d’un label Entreprise sociale. Pourquoi est-ce important pour une entreprise de l’ESS?
Notre démarche de labellisation doit concerner l’ESS au sens large. Les entreprises sociales qui en bénéficieront pourront se prévaloir d’une meilleure visibilité auprès des financeurs et des acheteurs, qu’ils soient publics ou privés.
Des études montrent que l’ESS permet aux collectivités et à l’Etat de réaliser d’importantes économies.
Comment oeuvrer davantage en partenariat afin d’amplifier ce phénomène vertueux?
Cela va constituer un volet important de la loi. Nous travaillons à la mise en place de politiques contractuelles entre l’Etat, les collectivités locales et les acteurs de l’ESS, afin de créer des schémas pluriannuels de développement.
C’est nécessaire: sur le terrain, une foule d’initiatives sont lancées, mais restent au stade de l’expérimentation, sans dépasser, malgré les succès rencontrés, le niveau local. Je veux que les canaux d’accès aux financements soient mieux structurés, que des stratégies de filières se mettent en place pour qu’au final nous puissions obtenir une meilleure assise régionale de l’ESS.
Comment améliorer les conditions de reprise des entreprises en difficulté par leurs salariés, sous forme de Scop?
A ce jour, trop de petites entreprises s’éteignent faute de repreneur, alors qu’elles pourraient continuer à exister en Scop, si certains obstacles à la reprise étaient levés. Des milliers d’emplois sont détruits chaque année pour cette raison. Pour favoriser les reprises par les salariés, nous travaillons à la création d’un nouveau statut de coopérative.
C’est un fait: le passage en Scop peut parfois représenter une prise de risques trop importante pour des salariés pourtant motivés par ce scénario de poursuite d’activité. Nous voulons donc sécuriser leur démarche en leur permettant d’amoindrir le risque financier personnel. Il s’agirait de créer un statut intermédiaire de Scop où, sur une période transitoire, les salariés seraient majoritaires en votes, mais minoritaires en capital.
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