Le Monde – Le 12 novembre 2015
« Taxe cabane », « taxe abris de jardin »… En plein vote du budget, en pleine campagne régionale, la majorité socialiste n’avait sans doute aucune envie d’une nouvelle polémique fiscale, après celle sur la « demi-part veuves ».
Pourtant, la grogne monte contre un autre impôt : la taxe d’aménagement, et plus précisément sur le fait qu’elle s’applique aux abris de jardin. Avec des exemples nombreux de personnes modestes qui se retrouvent à payer des sommes parfois très élevées pour un simple cabanon de bois.
1. Qu’est-ce que cette taxe ?
Il n’y a en réalité pas à proprement parler de « taxe cabane », qui viserait spécifiquement les cabanons, appentis, serres et autres abris à bois, mais une « taxe d’aménagement », qui s’applique « à toutes les opérations d’aménagement, de construction, de reconstruction et d’agrandissement de bâtiments ou d’installations, nécessitant une autorisation d’urbanisme » et s’applique « lors du permis de construire ». Elle vient remplacer une série de taxes plus anciennes. Le terme de « taxe cabane » est une invention de la très libérale Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (Ifrap) qui est parvenue à la populariser.
Cet impôt se voulait, à sa création, un élément de « fiscalité écologique » : cette taxe, dont communes, départements et régions, reçoivent le produit, est destinée à financer des aménagements et des équipements municipaux, entre autres.
Elle s’applique lors de toute opération d’aménagement, de construction, reconstruction ou aménagement d’un bien nécessitant une autorisation administrative (permis de construire ou déclaration préalable) : véranda, cabanon, agrandissement de maison, etc.
2. Encore une idée de la gauche ?
Non. Là encore, contrairement à ce qu’on peut lire, la seule responsabilité de l’actuelle majorité est de n’avoir rien fait pour changer cette taxe, qui fut créée en 2010 dans un projet de loi de finances rectificative gouvernement Fillon et votée par la majorité UMP d’alors.
Mais son application s’est faite progressivement, à partir de 2012. La taxe étant prélevée un an après le dépôt d’un permis de construire ou d’une déclaration de travaux, nombre de contribuables l’ont donc « découverte » cette année seulement.
La majorité socialiste a donc reçu ce nouveau cadeau empoisonné, au même titre que la fameuse « demi-part fiscale des veuves », là encore une réforme votée avant 2012, mais dont l’application s’est faite ensuite.
3. Comment se calcule-t-elle ?
La taxe s’applique (une seule fois) sur toute surface de plus 5 m2 et de plus de 1,80 m sous plafond.
Le mode de calcul n’est pas des plus intuitifs :
On multiplie la surface construite par une valeur forfaitaire qui dépend du type de construction :
- Construction (cabane, extension, véranda fermée…) : 705 euros du m2 hors Ile-de-France, 799 euros dans la région capitale ;
- Emplacement de tente, de caravane, de résidence mobile de loisirs : 3.000 euros ;
- Habitation légère de loisirs (c’est-à-dire un logement démontable et transportable type bungalow) : 10.000 euros ;
- Piscine : 200 euros du mètre carré de surface ;
- Éolienne de plus de 12 mètres : 3.000 euros ;
- Panneau photovoltaïque : 10 euros du mètre carré de panneau ;
- Place de parking : 2.000 à 5.000 euros selon les communes.
On divise ensuite le résultat par deux (abattement automatique de 50% pour les 100 premiers mètres carrés).
Et on applique enfin un taux, dont le montant est fixé par les communes, les départements et parfois la région :
- Pour les communes : de 1% à 5% ;
- Pour les départements : de 0 à 2,5% ;
- Pour les régions : de 0 à 1%.
Prenons un cas particulièrement coûteux : un abri de jardin de 10 m2 en Ile-de-France. Pour celui-ci, le montant de la taxe correspond à 10 fois 799 euros divisés par 2 (l’abattement automatique), soit 3.995 euros. À la construction de l’abri, il faudra donc verser :
- 3.995 x 5% = 199,75 euros à la commune
- 3.995 x 2,5% = 99,80 euros pour le département
- 3.995 x 1% = 39,95 euros pour la région
Soit, au maximum, 339,50 euros. Ce qui représente tout de même plus de la moitié du prix d’un abri de jardin préconstruit neuf de 10 m2.
4. Cette taxe va-t-elle être aménagée ?
Elle l’est en fait déjà : depuis 2014, les communes ont la possibilité d’exonérer de taxe d’aménagement les « abris de jardin, les pigeonniers et les colombiers ». Encore faut-il que les municipalités choisissent de se priver de cette manne, qui, rappelons-le, leur revient en partie.
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