Olivier Dussopt, le président socialiste de l’Association des petites villes de France (APVF) qui débute ses assises, jeudi 26 mai, tire le signal d’alarme sur les difficultés économiques et sociales accumulées par cette strate de collectivités. Il réclame d’urgence un étalement des dotations et une vraie réforme de la DGF.
Malgré des ratios financiers moins dégradés que l’an dernier, l’APVF, qui tient ses assises annuelles à la Grande Motte (Hérault) les 26 et 27 mai, constate avec inquiétude le repli des investissements et de l’offre de service public des petites collectivités. Cette tendance accentue davantage les difficultés économiques et sociales. Olivier Dussopt, président de l’association et député-maire (PS) d’Annonay (Ardèche, 16 000 hab.), réclame donc plus que jamais non pas l’arrêt de la baisse des dotations mais son étalement sur deux ans et une réforme urgente de la DGF.
Comment expliquez-vous la hausse des dépenses et la baisse des recettes dans les petites villes quand les collectivités ont, selon Bercy, réussi à maîtriser l’effet de ciseaux actuel ?
En 2014 et en 2015, nous avons effectivement observé cet effet ciseaux particulièrement fort dans nos communes. En 2015, une majorité des petites villes qui avaient participé à notre enquête répondaient avoir connu cet effet ciseaux. Cela s’expliquait notamment par le fait, en matière de recettes, que la baisse des dotations n’avait pas été compensée par la péréquation, ni par la fiscalité, que les maires avaient tenté de stabiliser. En 2016, nous constatons toujours une baisse des recettes, dans des proportions égales à celles de 2015.
En revanche, une majorité de communes sont parvenues à réduire ou à stabiliser leurs dépenses. C’est le fruit d’un effort considérable, sur plusieurs années. Il a notamment fallu absorber de nouvelles charges comme la généralisation des rythmes scolaires ou la signature encouragée par le gouvernement de contrats aidés qui, dans des petites villes aux ressources limitées, représentent un véritable défi.
A quel prix ont été réalisés ces efforts ?
L’enquête de l’APVF montre bien que cette réduction des dépenses de fonctionnement contraint les maires à réduire leur offre de services publics : les budgets de la voirie et de la culture sont ceux qui en souffrent le plus. Nous avions déjà attiré l’an dernier l’attention du gouvernement sur l’annulation de nombreux festivals. Nous observons ensuite que les budgets des écoles maternelles et primaires, des centres de loisirs, des bibliothèques et des médiathèques sont également touchés.
Cette baisse des dépenses de fonctionnement correspond également à des fermetures partielles de services, notamment pendant les périodes estivales, ou à des réductions des horaires d’accueil. Cette réduction des dépenses de fonctionnement a été précédée aussi d’une baisse des dépenses d’investissement qui se poursuit. De nombreux maires ont également mis en place une politique de réduction des personnels municipaux ou de non-remplacement des vacances de poste provisoires (arrêts maladie, congés maternité, etc.).
En tout, les maires ont tenté de répondre à la baisse des dotations, dont l’ampleur et le rythme sont inédits, en pénalisant le moins possible la population. Ils ont choisi de ne pas augmenter la pression fiscale et de maintenir le plus possible les services publics.
Maintenant que les communes ont montré une certaine résilience, croyez-vous encore possible de convaincre le gouvernement d’arrêter la baisse des dotations ?
L’équilibre trouvé cette année reste fragile alors que la baisse risque de se poursuivre de façon particulièrement forte et que de nouvelles charges sont annoncées, notamment avec le dégel du point d’indice de la fonction publique ou l’accord sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations. Dans ce contexte global fragile et d’investissement en baisse, nous appelons à nouveau, et comme nous l’avons fait depuis plusieurs mois, à ce que la baisse des dotations telle que prévue en 2017 soit étalée sur au moins deux ans. Il faut également maintenir le soutien à l’investissement, notamment pour les centres-bourgs et plus généralement pour les villes qui disposent d’équipements publics et jouent un rôle dans le cadre des pluricentralités.
La fiscalité n’a pas été un levier pour les petites villes. Comment expliquer le faible dynamisme des bases des petites villes, notamment physiques, qui dépendent des constructions nouvelles. Un problème d’attractivité ?
Tout d’abord, la croissance dans notre pays reste encore faible, malgré les prémices de la reprise observés en 2015. Cela se ressent dans tous les territoires, et pas uniquement dans les petites villes. En matière de fiscalité, nous avons observé dans notre enquête une certaine stabilité de l’imposition des ménages. Cela s’explique par le fait que les maires ont choisi de répartir l’effort sur une multiplicité de leviers. Ainsi, nous avons pu remarquer dans notre enquête de novembre 2015 que les maires choisissaient d’augmenter, de façon très raisonnable, les tarifs et redevances, par exemple la cantine dans certaines villes, afin de ne pas faire peser tout l’effort sur l’imposition.
Il convient également de souligner que de nombreux maires font face à des assiettes réduites, en raison des difficultés économiques et sociales de leur population, qui frappent particulièrement les petites villes. Cela peut être illustré par la présence nombreuse de communes de notre strate dans les dispositifs de l’éducation prioritaire et de la politique de la ville. De plus, certaines communes ont déjà des taux d’imposition relativement élevés en raison de cette assiette réduite.
Les réformes territoriales ont-elles été l’occasion de réaliser des économies où ont-elles engendré des nouvelles dépenses ? Quelles sont les conséquences financières des nouveaux périmètres intercommunaux notamment ?
C’est une question piège dans la mesure où les économies ne pourront se faire que dans la durée. Je rappelle que les réformes territoriales (loi MAPTAM, loi NOTRe) ont visé à donner davantage d’efficacité à l’action publique locale avec des objectifs de rationalisation et de mutualisation. Toutefois, ce processus de synchronisation dans le pilotage des politiques publiques locales demande du temps et de nouvelles habitudes. Il appartient notamment aux conférences territoriales de l’action publique (CTAP) régionales de construire et de faire vivre les nouveaux partenariats entre tous les acteurs locaux. Ces économies financières à long terme seront également constatées une fois que les nombreuses fusions que prévoient les schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI) auront été mises en œuvre. Pour l’instant, cela n’est pas le cas. Les fusions prévues n’entreront en vigueur qu’au 1er janvier 2017.
Qu’attendez-vous de la réforme de la DGF ?
Nous attendons de cette réforme qu’elle rende la DGF plus juste, plus lisible et plus efficace. Les simulations dont nous disposons montrent que le projet de réforme tel qu’inscrit dans l’article 150 de la dernière loi de finances pénalise particulièrement les petites villes. Nous faisons notamment face à la difficulté de définir la centralité et d’appliquer la réforme aux territoires pluricentraux, avec plusieurs centres-bourgs. Les communes de 7 000 à 30 000 habitants dans des communautés de moins de 100 000 habitants apparaissaient également comme perdantes, notamment celles désindustrialisées et donc en difficulté.
Quelles sont vos propositions ?
Il faut parvenir à ce que les nouveaux dispositifs prennent en compte les charges réelles qui pèsent sur les communes, leurs capacités contributives ainsi que les ressources dont elles disposent. La dotation forfaitaire constitue, pour les petites villes, la principale source d’inquiétude. En effet, le montant de la dotation universelle, inférieur à ce que recevaient en moyenne les petites villes, associé à une dotation de centralité, qui ne prend pas suffisamment en compte les différentes situations des petites villes et les charges de centralité qui pèsent sur elles, apparaît particulièrement problématique.
Dès lors, la combinaison d’une dotation de base moins élevée et, pour la fraction centralité, avec une plus grande progressivité et des effets de seuil moins importants dans la répartition entre communes et intercommunalités, et ensuite entre communes à l’intérieur des intercommunalités, pourrait aboutir à des effets de bord moins importants pour les petites communes.
En matière de péréquation, l’APVF appelle à limiter le plus possible les effets de seuil. Il semble d’ailleurs que cette partie de la réforme puisse faire consensus. Enfin, nous souhaitons que les communes puissent disposer de davantage de visibilité budgétaire, notamment par la publication de simulations pluriannuelles. Cette réforme ne pourra être acceptée et comprise par les élus locaux que si le gouvernement fait un geste en matière de dotations.
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