Souvent, en particulier lorsque je présente le rôle d'un élu dans des établissements scolaires, une question m'est posée. Je suis interrogé à propos de ce qui motive mon engagement politique. Pourquoi, aussi jeune, j'ai fait ce choix de l'engagement public et électif. La réponse est simple, elle touche à mes convictions, celles que je partage avec des amis, des militants, des sympathisants et qui font qu'aujourd'hui je suis un élu de gauche.
Être élu de gauche n'implique aucun sectarisme. Il est possible de défendre, avec acharnement et énergie, des valeurs, des convictions et de proposer un regard particulier sur la société tout en étant ouvert au dialogue et au partenariat au service d'un territoire notamment. C'est ce que je m'emploie à faire chaque jour tant comme parlementaire que comme élu local.
Je souhaite publier le texte qui suit, il est signé par Benoit Hamon, Député européen et membre du bureau national du PS. C'est un ami, c'est aussi un camarade avec qui je partage idées et de repères.
"Chaque jour, c'est les play-offs" par Benoit Hamon (tribune publiée dans Témoignage Chrétien le 17 juillet 2008
Il y a des vies entières sans jour de relâche. Des vies commencées et achevées à lutter contre un destin qui vous échappe. Pas forcément des vies malheureuses, mais des vies dures qui creusent l’épiderme et maltraitent les consciences. Des vies, dés la première seconde, écrites comme une dictée pleine de fautes. Des vies qui te rappellent que chaque jour c’est les play-offs. La lutte sans répit pour chaque pouce de terrain.
Un français sur huit vit sous le seuil de pauvreté selon les
statistiques européennes. Un(e) jeune ouvrier(e) a 25 fois plus de
chance d’être ouvrier(e) qu’un fils ou une fille de cadre. Un jeune sur
quatre est aujourd’hui victime du déclassement. En dépit de la
consommation de masse qui donne l’illusion du mouvement de la société,
l’ordre social semble immuable. On trouve toujours les mêmes aux mêmes
places de l’échelle sociale et la distance entre les barreaux de
celle-ci reste identique.
Face à cette paupérisation des classes moyennes et populaires, comment
combattre le sentiment que toute action collective est vaine ? Comment
convaincre qu’elle ne mène pas inéluctablement à l’échec, que ce soit
la conséquence de la trahison des politiques ou du déséquilibre
insurmontable du rapport de force ? Comment ensuite restituer ces peurs
et ces espoirs dans le débat politique ? Ce sont inévitablement des
questions que se sont posées et se posent les militants et élus de
gauche.
Je me souviens d’un soir passé à Tournus (71), au coeur d’une
circonscription rurale de Bourgogne. Les participants étaient pour la
plupart retraités et venaient de toute la gauche pour m’entendre parler
de mon mandat de député européen. Quinze jours auparavant j’étais dans
le lycée d’enseignement professionnel Louise Michel d’Epinay sur Seine
au cœur d’une banlieue française difficile avec 40 jeunes des classes
de terminale vente et seconde secrétariat/comptabilité.
Sans dire que ces jeunes ressemblaient aux couples d’anciens assis
sagement dans la salle des fêtes de Tournus, le lien entre ces
générations était pourtant évident : une condition sociale identique,
une vie passée ou une vie promise à jouer chaque jour une partie à
«élimination directe». Pourtant ceux là, ne se connaissaient pas, ne se
croisent souvent que par télé interposée et pourraient même bien se
craindre ou se mépriser. Homogénéité des situations vécues et
hétérogénéité des situations perçues.
J’ai pour ma part tranché depuis longtemps une question essentielle.
J’ai mon camp. J’entends par là un camp politique dont le sens est
dicté par mon choix de défendre un camp social. Je n’ai jamais conçu
mon engagement comme un sacerdoce dédié à tous sans distinction. Je
hiérarchise. A Epinay, à Tournus, ce sont les miens. Là où je parle, là
où j’agis, j’essaie de parler et d’agir pour eux.
Choisir un camp est en soi une orientation politique. Il présuppose
qu’il existe des conflits d’intérêts majeurs dans la société et que la
conciliation de ces intérêts contradictoires, trop vite résumée par la
prétendue recherche de l’intérêt général, peut ne pas être le but
central de l’action politique. J’assume ce choix et je le crois
déterminant pour quiconque veut redonner du sens à la politique.
Je suis frappé de la conséquence immédiate d’un tel préalable à
l’action politique. Dés lors que vous choisissez un camp et que vous
posez comme exigence centrale la question de la dette économique et
sociale du capital à l’égard de ces hommes et ces femmes qui ont besoin
du travail pour vivre, vous devenez un dangereux idéologue pour les
libéraux, ce qui un compliment acceptable, mais parfois aussi un
dangereux populiste pour une certaine gauche, ce qui est un réflexe
inquiétant.
C’est significatif du rapport ambigu, du complexe qu’entretient
désormais une partie de la gauche de gouvernement avec le peuple et ses
aspirations. Remettre en cause l’équilibre social libéral de la société
française au motif qu’il n’est pas parvenu à freiner la progression des
inégalités depuis plusieurs décennies relève de la démagogie et du
populisme aux yeux des héritiers et des comptables de cette séquence
politique toujours en cours au PS. La montée de la dénonciation du
populisme dans le discours socialiste marque à mes yeux essentiellement
la perte de légitimité de quelques élites à comprendre, traduire et
répondre aux aspirations des classes populaires. A bien des égards, les
scénarios catastrophe annoncés de concert par la droite française et
certains socialistes lors du référendum sur la constitution européenne
en 2005 rappelaient l’hébétude et l’incompréhension fondamentales d’une
partie des élites française devant l’arrivée de la gauche au pouvoir en
1981. Les réactions « écœurées » de quelques uns devant l’ingratitude
des irlandais il y a quelques semaines démontrent que cette fracture
demeure et plus grave, l’incompréhension persistante de la séquence
politique globale que nous vivons.
En effet, nous assistons à un renversement de cycle mondial caractérisé
par l’incapacité des recettes libérales à anticiper et à régler quatre
crises majeures : financière, alimentaire, énergétique et
environnementale. Une fois encore ce sont les femmes et les hommes qui
se tassent au bas de l’échelle sociale qui paient en premier les
conséquences de ces crises : émeutes de la faim et migrations
climatiques au sud, baisse brutale du pouvoir d’achat en Europe et 2
millions de foyers expulsés de leur logement aux Etats-Unis par la
crise des « subprimes ». Pour s’extraire de ces crises, il ne suffit
pas d’en appeler à l’intérêt général, il faut faire de la cause de ces
millions d’hommes et de femmes qui composent l’immense majorité de
l’humanité le moteur de l’action politique, le moyen de bâtir de
nouvelles régulations, le moyen de construire un nouvel équilibre entre
capital et travail, le moyen de fixer des frontières claires entre le
marchand et le non marchand.
Je crois donc que la meilleure manière de redonner du sens à la politique c’est de partir des intérêts fondamentaux de ceux que l’on veut défendre et promouvoir. On dira que c’est un peu court de considérer qu’au point de départ et au point d’arrivée d’un engagement politique il y a la défense d’un camp. Je revendique le contraire je dis que c’est tout. Qui affirmera que les conservateurs et les libéraux ne sont pas les mandants politiques d’un camp ? Donc, à Epinay et Tournus, il y avait des gens pour qui le système actuel signifie la lutte incessante pour conserver sa place, si petite soit elle. « Une vie qui te rappelle que chaque jour c’est les playoffs… ». Définitivement, c’est à eux que la gauche doit, c’est à eux que je dois.
nous nous le devons tous...
convictions et implication nécessaires à mieux vivre notre société, à mieux l'organiser pour que chacun y trouve sa place dans l'espace comme dans le temps, en paix avec lui-même, en paix avec les autres
Olivier, je partage tes convictions et je connais ton implication forte dans chacun de tes mandats
je salue et soutiens ton engagement politique avec beaucoup de fierté
Rédigé par : une amie | 26 juillet 2008 à 03:38
Question difficile que celle de l'engagement politique .
Qu'est ce qui le motive ? Et surtout qu'est ce que l'activité politique ?
L'engagement pour le "camp" des laissés pour compte est depuis tous temps une bonne motivation... puit sans fond , sable à remonter indéfiniment en haut du tas , tant la nature humaine va dans le sens de la domination , de l'exploitation de l'homme par l'homme; au point qu'on peut considérer cette facheuse tendance comme un des moteurs de l'histoire . Alors ,oui soutenir ceux qui sont délaissés, opprimés , exploités, cela motive . La terre elle même , polluée, maltraitée , épuisée , motive nos engagements .
Mais au delà de cela .. Y aurait il les bons , les méchants et deux camps bien distincts ? Que désire aujourd'hui un ouvrier chinois?
La découverte du pétrole , les progrès de l'industrie , le "progrès pour tous " a redistribué , rebattu les cartes et brouillé le jeu en faisant croire à la fin de l'histoire , à l'accès pour tous au bien être , à l'égalité enfin réalisée et mondialisée ; il n'en est rien ;et, si fin de l'histoire il y a , c'est d'épuisement des ressources , de pollutions, de dérèglement du climat que nous allons mourir ...Et de réactivation visible et violente des conflits pour la simple survie et exploitation des dernières ressources.
Dans ce contexte l'engagement politique ?
Il me semble que lutter contre un système aussi puissant , aussi fondateur de nos organisations sociétales , de notre culture .. est vain et que "faire de la politique " avec les outils du système est vain ; s'engager dans un parti , un camp , même avec les meilleures intentions du monde , c'est rajouter un élément à un ensemble , faire le jeu d'une organisation sociétale qui de toute manière , dans sa logique même n'est pas durable.
Il me semble que le chemin politique aujourd'hui consisterai à créer un nouvel politique capable de nous libérer : un outil public , participatif d'intelligence , de réflexion et de compréhension globale , un outil destiné à faire émerger du sens et du projet ; nous avons les moyens techniques et les resources humaines pour le créer et le faire vivre ; manque la volonté politique (on y revient) et une conscience partagée plus claire de la catastrophe que nous nous préparons à vivre .
Rédigé par : Di Girolamo | 27 juillet 2008 à 08:09