L'Assemblée et le Sénat ont adopté à l'unanimité une proposition de loi élaborée par l'ensemble des groupes politiques et permettant de reconnaitre le statut de société publique locale.
C'est une manière de protéger un certain nombre de secteurs dans lesquels les collectivités agissent des règles trop strictes de la concurrence. Le but est de favoriser le développement des Sociétés Publiques Locales (SPL) pour réaliser des opérations d’aménagements, de constructions, de créations et d’exploitations de services publics. Cette proposition de loi a pour objectif d’éliminer les procédures d’appel d’offres, de publicités et de mise en concurrence entre ces sociétés et les collectivités publiques qui en sont les actionnaires.
La Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a progressivement élaboré une jurisprudence qui autorise les collectivités et leurs groupements à déroger aux obligations de mise en concurrence lorsqu’elles confient certaines activités à des sociétés qu’elles détiennent et contrôlent étroitement. Ce régime dérogatoire, dit du "in house", n’a toutefois pas encore été formalisé dans le droit français. En effet, à l'heure actuelle, les collectivités locales qui ne disposent pas des compétences nécessaires ou qui ne souhaitaient pas exploiter leurs services publics industriels et commerciaux par le biais d’une régie ou d’un établissement public n’ont que la possibilité de créer des sociétés d’économie mixte (Sem) locales. Mais, dans une Sem, il faut obligatoirement des actionnaires privés.... ce qui exclut automatiquement ces sociétés du régime du "in house".
C'est pour permettre aux collectivités de bénéficier du régime "in house", sur un secteur particulier, l'aménagement, que le législateur a créé en 2006, à titre expérimental, les sociétés publiques locales d’aménagement (SPLA). Des sociétés au capital 100% public, dont l'objet doit être obligatoirement l'aménagement. Cette expérimentation prend fin en 2011. La proposition de loi sur les SPL vise à pérenniser cette expérimentation et permettre la création de ce type de sociétés sur tous les domaines d’activité des collectivités locales.
Au printemps 2009, le Sénat a amendé le texte présenté par le sénateur Daniel Raoul pour assurer l’éligibilité des SPLA et des futures SPL au régime communautaire des "in house". Il a d'abord contraint les collectivités locales et leurs groupements à détenir la totalité du capital des SPL. Le nombre minimum d’actionnaires participant au capital d’une SPL a par ailleurs été relevé de un à deux car "la présence de deux personnes publiques distinctes implique en principe une coopération et un contrôle mutuel de leur action, plus favorable à la recherche de l’intérêt général". La possibilité pour une SPL d’effectuer une partie de son chiffre d’affaires en dehors du territoire des collectivités territoriales et des établissements publics qui la détiennent a été supprimée. Cela afin d’éviter qu’une "inflation des activités complémentaires d’une SPL puisse conduire la CJCE à considérer qu’elle ne réalise plus l’essentiel de ses activités avec les collectivités qui l’ont créée, ce qui conduirait à la soumettre aux règles européennes classiques sur la concurrence".
Sur les SPLA, qui devraient être maintenues et voir leur champ d'action élargi, le Sénat a refusé que ces structures soient créées sous le régime des sociétés par actions simplifiées (SAS), "qui n’offre pas autant de garanties procédurales que celui des sociétés anonymes en matière de transparence et de contrôle des actionnaires sur les activités de la société". Il a également jugé préférable de préciser que, lorsque les collectivités délégueraient à la SPLA l’exercice de leur droit de préemption ou des procédures d’expropriation dont elles sont titulaires, des conventions signées avec chaque collectivité concernée devraient en préciser les conditions de mise en œuvre.
Le texte, une fois voté par le Sénat le 4 juin dernier, a été transmis à l'Assemblée. La commission des lois vient de déposer son rapport où elle propose quelques modifications complémentaires sans modifier le fond du texte. Elle affirme en préalable que "les orientations retenues dans la proposition de loi adoptée par le Sénat correspondent bien aux attentes des collectivités locales et leur permettront d'assurer, dans le respect des exigences communautaires, une gestion plus souple et efficiente de leurs services publics industriels et commerciaux comme de leurs opérations d'aménagement".
Voici les principales modifications proposées par la commission des lois de l'Assemblée : SPLA et SPL devront exercer leurs activités pour le compte "exclusif" de leurs actionnaires (ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent pour les SPLA). Ces deux types de sociétés seront soumis à l’ensemble des dispositions applicables aux Sem locales, "sous réserve des dispositions particulières aux SPLA fixées à l’article L. 327-1 du Code de l’urbanisme". La loi Sapin du 29 janvier 1993 régissant les délégations de service public devra être complétée pour préciser que les SPL sont, au même titre que les établissements publics, exemptées du respect des règles de mise en concurrence.
Enfin, afin de renforcer l’intensité du contrôle que les collectivités territoriales doivent exercer sur la société, il est proposé de créer au sein du Code général des collectivités territoriales un article consacré à la délégation d’un service public à une SPL. Il s’agit concrètement de permettre aux assemblées délibérantes "de se prononcer sur le principe de toute délégation d’un service public local à une SPL, après avoir été informées, au moyen d’un rapport, des caractéristiques des prestations que devra assurer le délégataire". En revanche, contrairement à ce que prévoit l’article L.1411-4 pour les délégations de service public soumises aux obligations concurrentielles, "l’avis de la commission consultative des services publics locaux ne serait pas obligatoire, afin de ne pas trop alourdir les procédures".
L’Assemblée a ensuite adopté ce texte.
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