Député de l'Ardèche et maire d'Annonay, Olivier Dussopt propose trois pistes à la gauche pour contrer la réforme des collectivités locales «aux élans de populisme» imaginée par le gouvernement.
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Depuis plusieurs mois maintenant, la communication élyséenne bat son plein sur les aspects les plus anecdotiques et parfois les plus caricaturaux pour préparer le terrain à une réforme des collectivités locales qui sous prétexte de simplification porte un mauvais coup à la démocratie.Que disent le gouvernement et l'UMP sans craindre d'être leurs propres caricatures? Deux choses aux limites du populisme. Premièrement, ils se posent en pourfendeurs du mille-feuilles administratif et disent leur volonté de simplifier, supprimer des échelons, rationnaliser pour une meilleure lisibilité et une plus grande efficacité. Deuxièmement, les élus locaux sont trop nombreux, coûtent cher et mènent des politiques dispendieuses. Une solution s'impose, réduire leur nombre. Fermez le banc, l'évidence s'impose avec la facilité des arguments les plus simplistes et l'aide des réflexes populistes à l'égard de la classe politique.
En réalité, le gouvernement est fidèle à sa ligne politique tant sur le fond que sur la forme. La forme comme l'écume des vagues sur laquelle se concentrent les réponses et le fond avec un projet profondément libéral et inspiré des réformes locales des conservateurs britanniques du début des années 80. En effet, quel est le sens réel du projet de réforme? Quelle est sa nature? Elle peut être définie en quelques points.
D'abord des territoires en concurrence les uns avec les autres sans aucune péréquation. La France se caractérise déjà par une part des richesses redistribuées entre les territoires parmi les plus faibles d'Europe. Avec le projet et la réforme fiscale qui l'accompagne, plus aucun élément de péréquation ne subsiste. Quand on ajoute la baisse continue des dotations de l'Etat aux collectivités, le résultat s'impose comme une évidence. Chaque territoire est renvoyé à son seul potentiel économique et plus encore à la richesse moyenne des ménages qui le peuplent dans la mesure où une part croissante de la fiscalité des collectivités reposera sur les ménages et où il sera nécessaire de compenser la perte de recettes due à la suppression de la taxe professionnelle.
Ensuite des élus privés de légitimité avec la création d'un élu cumulant des fonctions régionales et départementales sans vraie lisibilité et avec moins de proximité. La volonté de la majorité d'une réforme du mode de scrutin renforce cet aspect. Un élu au scrutin uninominal à un tour ne pourrait même plus se prévaloir d'une majorité des suffrages face à un appareil d'Etat repris en main et politisé. Il n'y a qu'à observer la sociologie du corps préfectoral et les changements intervenus depuis presque trois ans pour le constater. Dans le même temps, cet appareil d'Etat se renforce avec de nouvelles prérogatives et la création d'agences et autres autorités indépendantes de tous sauf du pouvoir central. Là aussi, c'est une reprise du modèle thatchérien des années 80 et un dessaisissement des élus au profit de l'administration.
C'est enfin une logique du low-cost au détriment du service rendu. Baisse des dotations, réduction des effectifs, révision générale des politiques publiques, tout est prétexte et cause d'une dégradation de la qualité des services rendus aux usagers et à un véritable déménagement du territoire avec la concentration des services publics sur les seules zones urbaines.
C'est donc une réforme profondément libérale et néoconservatrice qui est mise en œuvre par un gouvernement et une majorité fidèles à leurs convictions.
Face à une telle entreprise, l'ensemble des forces de gauche doit réagir. D'une part car la décentralisation comme outil de démocratie et d'efficacité appartient aux valeurs de notre famille politique. D'autre part car tout dans cette réforme participe d'un dogme libéral que nous combattons.
Au-delà du combat nécessaire, pied à pied contre cette réforme et chacun de ses éléments d'une redoutable logique, nous devons surtout proposer un avenir pour les territoires qui composent notre République.
Nous devons dire quel modèle de développement et d'organisation territoriale nous voulons pour la France en 2012. Trois pistes essentielles nous paraissent devoir être explorées.
La première est une évidence. Il s'agit de construire un système garantissant une vraie péréquation des richesses entre les territoires les plus favorisés et les autres, ruraux ou en en zone urbaine fragile. L'Allemagne est souvent citée en exemple pour la forte péréquation entre les Landers qui la constituent. Une vraie réforme de la fiscalité aurait dû avoir comme objectif cette recherche d'égalité entre les territoires plutôt que de se concentrer uniquement sur la diminution de charges consentie aux organisations patronales. Nombreux sont les travaux universitaires et parlementaires à proposer des systèmes de redistribution des richesses horizontaux entre les collectivités appartenant à une même région, mais aussi verticaux avec un prélèvement par l'Etat pour alimenter des fonds de soutien structurels ou pour financer des projets nationaux. Associé à une refonte des bases de calcul des impôts locaux pour plus de justice fiscale, cette réforme doit être portée par une majorité progressiste et attaché à un développement de tous les territoires.
La deuxième piste à explorer est liée à la première et implique un infléchissement fort de la politique régionale de l'Union européenne. Depuis le sommet de Copenhague, la doctrine de cette dernière en la matière est fortement inspirée des thèses libérales de la concurrence et de l'émulation entre les territoires comme entre les acteurs d'un marché faussement décrit comme libre et non faussé. Cela a eu une conséquence pratique désastreuse avec la fin des zonages l'attribution des fonds structurels tels que le Feder ou le FSE. Alors que les anciens zonages (2a, 2b...) garantissaient qu'une part définie de chaque programme opérationnel soit attribuée aux territoires en retard de développement, la nouvelle doctrine amène à une concurrence des territoires sans considération de leurs différences. Ainsi au sein d'une même région, les projets présentés par des collectivités en grande difficulté se trouveront en concurrence, sur les mêmes lignes de crédits, avec ceux présentés par des métropoles en plein développement. Cela doit nous amener à envisager une politique de discrimination positive des territoires pour les fonds européens et nationaux. Oui, nous devons faire plus pour ceux qui ont plus de besoins. Zones rurales, quartiers urbains difficiles, l'action publique doit se concentrer sur eux et sanctuariser une part de ses moyens à répondre à leurs difficultés plutôt qu'à considérer chacun comme si toute chose était égale par ailleurs.
Enfin, les outils de péréquation doivent servir à financer le volontarisme politique en matière d'aménagement du territoire. Celui-ci ne se résume pas aux infrastructures, il concerne aussi les services. Comme l'avaient proposé les petites villes de France dans un de leurs manifestes, il est devenu nécessaire de concevoir un véritable bouclier de services publics en définissant pour chaque bassin le niveau minimum de services à garantir pour permettre son développement. Santé, communications, éducation, sécurité doivent être les secteurs prioritaires.
Péréquation et réforme fiscale, discrimination positive des territoires pour assurer une vraie cohésion nationale sans zones oubliées, bouclier de services publics. Il a là trois pistes et trois axes pour une réforme des territoires qui devra évidemment être accompagnée d'une réforme de la démocratie locale vers moins de cumul de mandats et de fonctions mais aussi un vrai statut des élus locaux.
Ces trois pistes doivent être explorées pour qu'en 2012, une réforme de progrès et d'égalité soit substituée à la régression démocratique et inefficace que propose le gouvernement aujourd'hui.
C'est la responsabilité de toute la gauche aujourd'hui que de préparer cette alternative.
Député de l'Ardèche et maire d'Annonay
olivier n'a pas écrit,ce qu'il a dit jeudi 6 mai,que la parité avec le mode de scrutin retenu pour l'élection des conseillers territoriaux,ne serait pas respectée.Si les écrits restent...IL VALAIT MIEUX l'écrire.Michèle
Rédigé par : rolland michèle | 09 mai 2010 à 17:11