Mardi 14 septembre 2010, au moment des explications de vote précédant le solennel et dernier scrutin sur le projet de Loi relatif à la réforme des retraites, Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale, a déclaré, en application de l'article 49 alinéa 13 du Règlement de l'Assemblée nationale (RAN) : "Je vous rappelle que chaque orateur peut s'exprimer durant cinq minutes".
Il s'agit en effet d'un droit – et non d'une faveur – octroyé, sous la présidence de Bernard Accoyer, en application du nouvel article 51-1 de la Constitution. Ainsi, en maigre contrepartie du cumul de plus en plus fréquent de la procédure dite accélérée et du "temps législatif programmé" (ou "crédit-temps") qui enserre le travail parlementaire et n'offre en l'occurrence que quelques heures aux membres de l'opposition pour s'exprimer sur un choix de société aussi fondamental, l'article 49 alinéa 13 accorde un droit d'expression à tout représentant de la Nation qui en exprime le désir pour procéder à "une explication de vote personnelle de cinq minutes". Or, alors que 166 députés avaient formulé une telle demande, M. Accoyer n'a permis d'exercer ce droit qu'aux 23 premiers inscrits, reléguant d'un revers de main 142 élus et bâillonnant ainsi les droits de l'opposition.
Le président de l'Assemblée nationale a cru bon de justifier cette atteinte à la démocratie en arguant du fait que "l'esprit" de la réforme du RAN impliquait, d'après lui, une telle lecture du texte. Le règlement dit que de droit "chaque député peut prendre la parole" s'il la demande. M. Accoyer entend faire cet ajout : "si le président le veut bien". Or, juridiquement, lorsqu'un interprète s'en réfère à l'esprit d'un texte c'est que ce dernier est équivoque … ou que l'interprète est de mauvaise foi. L'article 49 alinéa 13 ne soulève en l'occurrence aucune difficulté d'interprétation.
Il a, au contraire, été prévu comme une contrepartie au "temps législatif programmé". Il s'agit d'un des droits désormais constitutionnels de l'opposition, et c'est ce droit qui vient purement et simplement d'être violé. Le processus est le suivant : en 1958, on a rationalisé à l'extrême le Parlement et, prétextant une revalorisation de celui-ci, la Constitution a été modifiée à l'été 2008 à cette fin.
Désormais, le droit parlementaire poursuit sa constitutionnalisation mais force est de constater que plus il est protégé, moins les droits qu'il consacre sont effectifs. De fait, la norme fondamentale semble-t-elle paradoxalement enfermer davantage le Parlement qu'elle ne le sert. Monsieur Accoyer est – par ses fonctions – celui qui devrait être le premier défenseur des prérogatives parlementaires, le premier à réclamer de nouveaux droits et à en assurer la protection. Or, il vient de les bafouer.
Quand bien même les 142 députés n'ayant encore pu s'exprimer auraient tenu, sur le fond, des idées qui lui paraissaient semblables à celles de leur groupe, il ne lui était pas permis de les censurer a priori. La lettre et l'esprit s'y opposent.
Certes, sa fonction le dote des pouvoirs de police inhérents à tout chef d'assemblée mais ceux-ci ne comprennent ni la voyance (qui aurait pu lui permettre de deviner ce qu'allaient dire les 142 députés régulièrement inscrits) ni la censure a priori. Seules, consignées à l'article 70 du RAN, existent quatre peines disciplinaires et l'on ne trouve nulle trace de celle que Bernard Accoyer vient d'inventer. Car, ainsi que nous l'a enseigné Eugène Pierre, la fonction de président de l'Assemblée nationale est celle d'un "primus inter pares", d'un "arbitre suprême", ce qu'avaient compris nombre de ses prédécesseurs de droite comme de gauche. Une fois élu il n'est plus – et ne doit plus être – le représentant d'une majorité parlementaire mais le garant des intérêts de cette haute institution.
CENSURE
Censurer un député, c'est au nom du mandat représentatif et des théories de la souveraineté, flétrir l'ensemble de la Nation qu'il incarne. C'est 142 fois que monsieur Accoyer a commis une telle atteinte. En 2003, lors de la précédente réforme des retraites, l'opposition avait, jours et nuits, pu bénéficier d'un mois entier d'échanges et de propositions. Cette année, grâce aux droits constitutionnalisés qui sont désormais les siens, elle a pu s'exprimer pendant deux dizaines d'heure. L'actuel président de la chambre basse osera-t-il prétendre que ce temps rationalisé à l'excès est encore … excessif ? Enfin, n'a-t-il pas l'impression, lui qui a certainement cru en cette prétendue revalorisation des droits du Parlement français, qu'il est désormais, par son comportement et son souci de plaire au pouvoir exécutif, sur la voie de l'automutilation ?
Aujourd'hui, les textes commandés par l'Elysée via le gouvernement sont enregistrés de manière presqu'automatique. Et lorsqu'un projet se trouve exceptionnellement rejeté par la représentation nationale (autrefois suite à une question dite préalable ou encore à la suite d'une "erreur" de vote(s)), le gouvernement obtient de le présenter à nouveau comme si les parlementaires ne s'étaient pas déjà exprimés.
C'est un blanc-seing que Bernard Accoyer accepte alors d'offrir. Quoi qu'il advienne, le texte de l'exécutif passe toujours et, désormais, nous comprenons que le président de l'Assemblée nationale exige qu'il passe vite. Notre Parlement était autrefois législateur ; il serait devenu, selon le président de la majorité du moment (M. Jean-François Copé), un outil de "coproduction législative" alors qu'il n'est, de fait, qu'un simple automate. Heureusement, donc, qu'il a été revalorisé ! C'est parce que nous aimons, comme les députés, profondément la France et respectons son institution parlementaire que nous sommes convaincus de ce qu'elle est – et doit être – le premier lieu d'exercice de la liberté et de la démocratie. M. Accoyer pourrait-il ne pas l'oublier ?
Mathieu Touzeil-Divina enseigne le droit parlementaire à l'université Paris-Ouest et Marc Boninchi, maître de conférences en histoire du droit à l'université Lyon-III
Le respect des lois est fondamental, esprit et lettre.
A l'assemblée come ailleurs.
Nicolas Sarkozy avait comme ministre de l'intérieur expulsé illégalement une personne qui vient 8 ans après (temps long de la justice) d'être reconnue dans ses droits et recevoir l'énorme dédommagement ! de 3000€ pour avoir eu sa vie gâchée par une décision illégale d'un haut représentant de l'état.( A noter que je tiens cette info de France Inter et que je n'ai pas vérifié ; eh oui il faut même vérifier les infos tant le travail des médias laisse parfois à désirer et comme actuellement ils nous bercent de ce qui n'est pas important pour que le bon peuple vaque tranquillement à ses occupations)
Je suis moi même actuellement victime d'une injustice et non respect de la loi n° 95 -115 relative à l'aménagement et développement du territoire et qui permet aux citoyens de participer aux politiques d'aménagement et développement de leur territoire ; c'est un droit ; c'est un droit qui m'est actuellement refusé ; j'ai été radié illégalement du Conseil Local de Développement du Pays , structure permettant cette participation. On m'a radié sans convoquer le Conseil d' Administration alors que j'en fais partie et que je suis Vice Président de ce conseil. C'est pourtant le Conseil d'Administration qui a en charge le contrôle des membres du bureau et qui est mandaté pour le bon fonctionnement de l'association. Je suis actuellement en justice et doit moi aussi prendre mon mal en patience du fait de la lenteur judiciaire. (8 ans ?)
En tant que Député, et surtout Président du Pays , vous pouvez facilement Mr Dussopt faire en sorte que la loi 95- 115 soit appliquée , esprit et lettre , et permettre aux citoyens de participer ; je vous ai à plusieurs reprises sollicité par écrit à ce sujet et n'ai à ce jour reçu aucune réponse à mes courriers .
J'ose espérer que vous voudrez bien me répondre et m'accorder un entretien ...malgré votre agenda surchargé , cumul de mandats oblige … vous connaissez mon point de vue sur la question.
Rédigé par : Di Girolamo | 28 septembre 2010 à 07:00
Merci à vous d'avoir relayé le billet ...
Bien cordialement
MTD
Rédigé par : Pr. Touzeil-Divina | 07 octobre 2010 à 23:31