Article publié sur Mediapart le 15 septembre 2010
La réforme des collectivités territoriales doit être examinée en deuxième lecture, ce mercredi, par l'Assemblée nationale. A l'opposé de la «réduction des ressources» engagée par le gouvernement, Olivier Dussopt, député (PS) de l'Ardèche, plaide pour «une nouvelle étape de la décentralisatation».
Les territoires, ce sont aussi des citoyens et des élus. Des élus en prise directe avec la vie quotidienne. Des élus proches, en qui les citoyens ont confiance. Pour les plus jeunes de ces élus, leur engagement est souvent la première expérience politique, pas toujours comprise par leur génération et trop rarement reconnue par leurs aînés. Les conseils municipaux comptent des milliers d'élus qui construisent leurs vies en même temps qu'ils participent à écrire l'avenir de leurs concitoyens, parfois au détriment de leurs carrières faute d'un vrai statut de l'élu local.
Les territoires, ce doit être aussi l'assurance d'un service public local et le bouclier social protégeant contre une trop grande précarité en permettant de rebondir lors d'accidents de la vie. En effet, aujourd'hui, la plupart des prestations sociales sont du ressort des collectivités territoriales, et plus particulièrement des départements. De fait, les territoires sont en prise directe avec les difficultés sociales et économiques qui touchent les Français. Les collectivités ont un rôle d'amortisseur social indispensable, particulièrement en ces temps de crise, que plus personne n'ose contester.
Les lois de décentralisation, et la première d'entre elles en 1982, ont été de grandes avancées, portées par la gauche, dont elle peut être fière. Au départ décriés par la droite, la décentralisation et le développement de la démocratie de proximité ont été peu à peu admis par tous comme un progrès réel, avec comme volonté de mieux gérer en décidant au plus près.
Les politiques portées par la droite au pouvoir vont à l'encontre de ces avancées. Loi après loi, mensonge après mensonge, le gouvernement revient sur la décentralisation. La suppression de la taxe professionnelle fait vaciller un équilibre financier déjà précaire en défaveur des ménages qui vont payer l'exonération accordée aux entreprises. La réforme territoriale cherche à affaiblir un peu plus les territoires qui seront dans l'impossibilité financière d'assurer leurs missions et d'exercer les compétences qui leur resteront. Le gel des dotations de l'Etat, qui entraîne leur baisse en volume pour 20.000 communes, vont étrangler un peu plus les collectivités territoriales déjà affaiblies par la non compensation par l'Etat des dernières compétences transférées. C'est la mise en oeuvre d'une logique tatchérienne de réduction des ressources avec pour conséquence une politique publique « low cost » et une baisse de la qualité des services offerts à nos concitoyens.
La réforme des collectivités n'est pas une préoccupation d'élus déconnectés de la réalité. En ces temps de crise économique et sociale, le rôle des collectivités territoriales n'a jamais été aussi important. En effet, celles-ci réalisent 73% de l'investissement public en France, celui-ci ayant un rôle clé dans la relance de l'économie en temps de crise. Or, avec la suppression de la taxe professionnelle, le gel des dotations d'Etat, l'interdiction des financements croisés et l'obligation pour la collectivité maître d'ouvrage d'apporter une part encore plus importante du financement en fonction de sa population, c'est la capacité des collectivités à agir qui est remise en cause. Cet encadrement des financements croisés est inacceptable s'il ne s'appuie pas sur des critères pertinents (part des logements sociaux, taux de pauvreté, effort fiscal...) et reste uniquement lié au nombre d'habitants.
Il faut donner aux élus les moyens d'agir pour changer les choses. Un Etat stratège qui assure la péréquation entre les territoires afin d'en assurer la cohésion et de donner plus aux territoires fragiles, tout en préservant la libre administration des collectivités. Un Etat qui inspire, soutient et promeut les politiques locales de développement, dans le cadre d'une décentralisation réaffirmée, laissant aux territoires le choix de leurs projets et l'affirmation de leurs spécificités. Le principe des zonages et de la géographie prioritaire sont aussi des outils indispensables pour assurer l'égalité territoriale et permettre l'accès de tous les territoires aux aides au développement. C'est un principe qu'il faut remettre en vigueur en supprimant la méthode injuste des appels à projets.
C'est une nouvelle étape de la décentralisation qu'il faut assurer. Un véritable acte III, afin que l'Etat et les collectivités puissent travailler en confiance pour faire des territoires de véritables lieux d'échange, de mixité sociale, en menant notamment une politique ambitieuse d'accès au logement, aux loisirs, à la santé, à la culture et au savoir. Une vraie refonte de la fiscalité locale doit être entreprise pour une fiscalité plus progressive et un véritable partage entre les entreprises d'un coté, et les ménages de l'autre. Une fiscalité juste et économiquement efficiente, qui incite à l'investissement et qui permet la péréquation. Des territoires mieux armés et un Etat plus solidaire.
Cela passe par la création d'un bouclier de services publics partout sur le territoire, gage d'une attractivité retrouvée, assurant à tous de trouver un niveau de services correct. Il faut aussi assurer la mobilité de tous à travers une politique de développement des infrastructures de transport et de télécommunication, garantissant ainsi le désenclavement territorial. L'accès aux nouveaux services numériques, comme le haut débit et la téléphonie mobile, doit être intégré dans le service universel. Ces nouveaux services créent de nouveaux droits pour tous, où que l'on vive.
Alors que l'Assemblée Nationale s'apprête à examiner le projet de réforme des collectivités en deuxième lecture, une seule ambition doit être poursuivie: permettre le développement de tous les territoires de notre République, permettre à tous les élus d'agir. Une vraie réforme des collectivités et de la fiscalité locale pour plus de justice est nécessaire. Assurer une République décentralisée, juste et solidaire avec tous ses territoires, avec des élus en capacité d'agir partout.
Il est important de rappeler que l'aménagement et le développement des territoires est encadré par une loi bien trop méconnue et qui constitue pourtant une avancée démocratique majeure ; c'est la loi 95-115 dite d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire.
Cette loi indique que :
"La politique nationale d'aménagement et de développement durable du territoire concourt à l'unité de la nation, aux solidarités entre citoyens et à l'intégration des populations … Les citoyens sont associés à son élaboration et à sa mise en œuvre ainsi qu'à l'évaluation des projets qui en découlent."
Cette loi institutionnalise la participation des citoyens aux politiques territoriales.
Cette courroie de transmission entre les acteurs locaux c'est à dire "le terrain" et leurs élus est tout à fait essentielle à la démocratie ; le vote ne suffit pas : c'est le travail collaboratif entre les citoyens et leurs représentants qui seul permet dialogue, débat, approfondissement rationnel des problématiques, et en définitive une vraie démocratie représentative : car comment bien représenter si l'on ne côtoie pas au plus près les acteurs de terrain ?
Cette loi institutionnalise la participation, en fait même une obligation pour nos élus : pas de possibilité de signer des contrats de développement avec la Région sans la constitution d'un Conseil Local de Développement, structure spécifique de liaison entre les acteurs de terrain et leurs élus autour de l'élaboration, de la mise en œuvre et de l'évaluation des politiques d'aménagement et développement du territoire.
Les Conseils Locaux de Développement sont donc des maillons essentiels des Pays et répétons le constituent une avancée démocratique majeure.
Pourtant force est de constater que cette loi, que les Conseils Locaux sont très méconnus. Culturellement la participation, c'est-à-dire le travail collaboratif direct entre représentants élus et citoyens est loin d’être un acquis et dérange ; côté citoyens une grande majorité est absorbé par les tâches au quotidien à caractère privé et ne participent à la démocratie qu’occasionnellement aux grandes fêtes carillonnées ; les rares militants sont eux inscrits dans des partis politiques et des associations ; les représentants élus sont absorbés doublement : à titre privé et dans leurs tâches publiques ou pour les grands élus , détenteurs de plusieurs mandats, ils sont plus soucieux de représentation et de carrière que de réellement représenter les citoyens lambda. De ce fait, une loi qui brise ce fonctionnement, en établissant un lien direct entre les citoyens et leur représentants , qui plus est dans un cadre de travail sérieux , aménagé et doté de moyens , a toute les chances d’être au mieux mal comprise , au pire vivement repoussée.
C’est ainsi par exemple que le Conseil Local de Développement du Pays de l’Ardèche Verte, après un historique peu glorieux, connait actuellement d’extrêmes difficultés ; tenter de le faire dépasser le statut de vitrine d’une démocratie participative réservée à quelques initiés est parcours du combattant ou combat de Don Quichotte contre des moulins à vents , puisque d’un côté (citoyen) on ne connait pas ou on est indifférent , et de l’autre (élus) on vante le mot mais on fait tout pour que rien ne se passe puisque en démocratie c’est bien l’élu qui a le pouvoir ?!
Il faudrait dans ce cas modifier la constitution qui fait du peuple le souverain. Et de l’élu un serviteur.
La conclusion de ce discours est que tout attendre de l’état , en droite ou en gauche est un défaut démocratique et que la décentralisation , l’aménagement et le développement du territoire aurait tout à gagner à appliquer et promotionner la loi 95-115 , en faisant connaitre les Conseils Locaux et en incitant citoyens et élus locaux à s’investir plus nombreux dans ce type de démarche.
Rédigé par : Di Girolamo | 16 septembre 2010 à 20:11
Discours incroyable pour un homme de gauche de Michel Rocard à l'université d'été du Medef.
Pour Rocard, une seule catégorie sait ce qui se passe à l'étranger. Une seule catégorie est intelligente pourrait-on dire : la patronat.
Oh, je ne pense pas qu'il parle des patrons de PME et de TPE, mais de la finance mondialisée, celle qui semble avoir ses faveurs.
Puis, il continue en disant que les frontières sont un boulet et qu'il faut les supprimer.
Rocard trouve qu'on n'en a pas fait assez dans ce domaine depuis 25 ans. Il faut aller plus loin, au profit du Medef, bien sûr.
Une question se pose :
- Rocard est-il marginal au PS quand il parle de cette façon ?
- Ou Rocard ayant "son avenir politique derrière lui" dit tout haut ce que la grande majorité des responsables socialistes pense tout bas ?
Mon expérience de ce dernier quart de siècle me fait pencher sans hésitation pour la seconde solution.
Au service de la finance mondialisée, on trouve deux socialistes français : Strauss-Kahn au FMI, Pascal Lamy à l'OMC.
Ce sont les socialistes français Mitterrand et Delors qui ont initié une construction européenne qui tournait le dos à "l'Europe des patries" chère à De Gaulle.
Cette dernière, en conservant les frontières, aurait été plus protectrice.
Mitterrand a signé les traités suivants : Acte Unique, Schengen, Maastricht.
Cette politique, poursuivie par ses successeurs PS (premier ministre Jospin : cf accords de Barcelone le 15 mars 2002) et UMP (Chirac, Sarkozy), a favorisé les délocalisations, la suppression des services publics, la finance mondialisée.
Autrefois, les marxistes disaient : "la bourgeoisie ne met pas tous ses oeufs dans le même panier".
Un de ces "paniers", et pas le moindre, ce sont les socialistes de France ou d'ailleurs.
Rocard a eu un mérite : celui d'avouer.
"Rocard a dit la vérité, allez-vous l'exécuter ?" (cf Guy Béart).
(On trouvera l'incroyable discours de Rocard sur Dailymotion ou en allant dans un moteur de recherche).
Rédigé par : Jacques | 18 septembre 2010 à 11:05
Bonjour
une precision, Michel Rocard n'est plus (depuis longtemps desormais) adherent du PS....et c'est heureux
OD
Rédigé par : olivier d | 18 septembre 2010 à 14:36
Merci pour l'information que je ne connaissais pas.
Ceci étant, le mot "longtemps" est relatif. Car, en octobre 2008, Rocard menaçait de quitter le PS si S. Royal devenait la première secrétaire (congrès de Reims).
Donc, il était encore adhérent.
Il est vrai qu'étant largement sexagénaire, pour moi, 2 ans c'est court, d'où ce relativisme.
Au fait, Pascal Lamy, présent à gauche (physiquement, du moins) de Rocard à ces universités du Medef, est-il toujours au PS ?
Rédigé par : Jacques | 23 septembre 2010 à 02:01
Pas à ma connaissance pour P Lamy
et pour M Rocard, on est adhérent quand on paie sa cotisation...et ce n'est plus le cas depuis plus de deux ans....
Rédigé par : OD | 23 septembre 2010 à 15:33