Un long combat des députés socialistes est en passe d’aboutir : la réforme de la garde à vue. Avec la multiplication des lois pénales, cette contrainte policière peu encadrée, s’est totalement banalisée : 900 000, rien que pour l’année 2010, avec une myriade d’abus. A la suite de plusieurs condamnations de la France devant la cour européenne des droits de l’homme, le Conseil constitutionnel a jugé illégales les lois qui régissent la garde à vue et sommé le gouvernement de les réformer. C’est l’origine du projet de loi soumis à l’Assemblée à partir du 18 janvier. Sa présentation est en soi une victoire contre une procédure arbitraire devenue trop souvent abusive. Ses avancées sont en revanche microscopiques. Elles se résument, pour l’essentiel, au droit d’être assisté d’un avocat dès le début de la garde à vue.
Je vous invite à retrouver l'analyse faite par Dominique RAIMBOURG, député de Loire-Atlantique et porte-parole du groupe socialiste sur le texte.
Le nombre des gardes à vue a explosé durant les dix dernières années
Le nombre de gardes à vue a quasiment doublé depuis les années 2000 pour atteindre aujourd'hui environ 750 000 à 800 000 si l'on y inclut les gardes à vue pour les infractions routières. Cette augmentation a deux origines principales : tout d'abord la loi du 15 juin 2000 qui a prévu au profit de la personne gardée à vue des droits. Pour éviter toute critique, les officiers de police judiciaire (OPJ) ont donc placé en garde à vue toute personne interrogée après arrestation. Par ailleurs le ministre de l'intérieur devenu l'actuel président de la république a eu la mauvaise idée de faire du nombre de gardes à vue un indicateur de l'activité policière.
L’arrivée d’une série de décisions de justice exigeant une réforme de la garde à vue.
Dans le même temps la Cour Européenne Des Droits De L'Homme (CEDH), d'arrêt en arrêt, affirmait progressivement la nécessité de l'intervention d'un avocat auprès du gardé à vue.
Au plan national, le Conseil constitutionnel a, le 30/07/2010, déclaré non conforme à la constitution la procédure de garde à vue. Le fondement de cette censure est non seulement l'absence effective d'un avocat lors des interrogatoires, mais encore le recours accru à la garde à vue notamment pour des infractions mineures. À la suite, la Cour de Cassation a rendu trois arrêts le 19/10/2010 allant dans le même sens.
Un projet de réforme tardif et incomplet.
À l'évidence ni le Président de la république, ni le gouvernement n'ont pris la mesure de la difficulté. Tout d'abord ce n'est que dans le courant de l'année 2010 que les gardes à vue ont cessé d'être un indicateur de l'efficacité policière. Ensuite, à l'exception de la loi pénitentiaire, toutes les réformes de procédure pénale achevées ou en cours ont visé soit à l'aggravation de la répression, soit à la suppression des magistrats indépendants que sont les juges d'instruction.
Par ailleurs ce projet de réforme est incomplet. En effet notre procédure pénale souffre d'un grave défaut. La phase policière est le seul temps d'enquête dans la plus grande partie des dossiers y compris lorsque les faits sont d'une gravité certaine : agression sexuelle, délinquance financière, coups et blessures... Ainsi la plupart des auteurs et victimes ne peuvent prendre connaissance de leur dossier par l'intermédiaire d'un avocat que quelques semaines avant l'audience devant le tribunal. En pratique il leur est impossible de solliciter une quelconque mesure complémentaire s'ils estiment que l'enquête est incomplète.
Le projet de réforme va permettre la discussion contradictoire pendant le temps de la garde à vue, ce qui est souhaitable. Mais il ne va pas au delà. Cela signifie donc qu'un suspect interrogé hors garde à vue, se présentant de lui-même au commissariat, sera entendu sans avocat et sans accès au dossier. Or ces suspects hors garde à vue sont au moins aussi nombreux que ceux entendus sous le régime de la garde à vue. Par ailleurs la victime qui n'est, à l'évidence, pas mise en garde à vue, n'aura ni avocat ni accès au dossier sauf en cas de confrontation avec le suspect.
La douloureuse question des moyens
Il faut des officiers de police supplémentaires pour diminuer l’attente pendant les gardes à vue. Il faut aussi plus de magistrats et de greffiers pour assurer de véritables permanences de nuit, garantissant les droits des suspects. Par ailleurs, dans l'étude d'impact du projet de réforme, le coût total de l'intervention des avocats est estimé en hypothèse haute à 65,75 millions d’euros.
On le voit, cette réforme bouleverse complètement le savoir-faire policier et le savoir-faire judiciaire. Elle n'est que partielle et devra être complétée par une nécessaire réforme de l'ensemble de la chaîne pénale et une réflexion sur le rôle complémentaire d’autres mécanismes de régulation sociale.
Finalement, cette affaire est caractéristique d'une curieuse façon de gouverner par les uns et par les autres.
- Donc, une loi de 2000 (sous le gouvernement Jospin) faite pour donner plus de droits aboutit à l'augmentation des gardes à vue. Autrement dit, à imposer cette contrainte à des gens à qui elle ne devrait pas s'appliquer car les "durs à cuire" étaient déjà concernés avant.
C'est l'application de la célèbre formule "l'Enfer est pavé de bonnes intentions", ou, si on préfère, prendre des décisions dont les effets sont à l'exact opposé des intentions proclamées. Oh ! Depuis 1981, la gauche est "championne" dans ce domaine.
- La "politique du chiffre" que n'a pas inaugurée Sarkozy (quand la gauche était au pouvoir, on y avait aussi recours), mais qu'il a fortement aggravée a contribué à cette situation.
Cette "politique"-là a des effets pervers nombreux. Car, si enquiquiner des citoyens qui n'ont commis (peut-être) qu'une peccadille, une seule fois, permet d'être mieux noté, on comprend qu'on s'attaque plus aisément à cette population non dangereuse plutôt qu'aux authentiques truands et délinquants.
Mais, n'oublions pas que cette "politique du chiffre" n'est jamais que l'application aux forces de l'ordre des méthodes à la mode du management.
Donc, d'une méthode de gestion qu'un auteur appelait, il y a 10 ans, "la barbarie douce" (1), et qu'aucun politique ne conteste.
On connait les résultats humainement désastreux du management (cf les suicides à France-Télécom, mais on sait que les suicides sont encore plus nombreux chez les policiers).
Pourquoi ces méthodes ne sont-elles pas contestées ?
Comme le démontrait l'auteur cité dans ma note, ces méthodes profitent à la dérive ultra-libérale du capitalisme. Et ces méthodes s'inspirent des idéologies libertaires ou si on préfère néo-soixante-huitardes avec la promotion de "l'autonomie".
- Ajoutons qu'il est comique de voir le Conseil Constitutionnel qui existe depuis 1959 dire que la forme de garde à vue actuelle est non constitutionnelle.
Réveil plus que tardif car cette constitution date de 1958 et cette forme de garde à vue a toujours été appliquée depuis.
- Mais, peut-être, pour "notre" Conseil Constitutionnel, ce système est non conforme aux directives européennes. Car on sait qu'en France, elles ont été proclamées supérieures aux lois (et probablement à la constitution) de notre pays.
Aberration non seulement européenne, mais bien française (ou plutôt PS-UMP), car cette "supériorité" des directives n'est pas admise en Allemagne, pourtant signataire des mêmes traités que nous.
- Ainsi, on a accusé le système "de la rage" en faisant en sorte que les gardes à vue augmentent de façon scandaleuse au détriment de gens qui ne devraient pas être concernés.
Et maintenant, après l'avoir accusé "de la rage", on va "tuer le chien" ou plutôt la garde à vue nécessaire parfois à l'enquête.
Et on va aggraver les inégalités.
Car, pour le citoyen ordinaire inquiété pour une peccadille et qui ne connait rien à cette institution, il aura droit à un avocat probablement nommé d'office et qui se "fichera" royalement de ses droits.
Alors que le truand ou gros délinquant "cuit et recuit" bénéficiera de son avocat qu'il connait bien et qui lui conseillera de freiner l'enquête.
Décidément, quand la droite et la gauche officielles sont sur la même "longueur d'onde", c'est toujours pour proposer des sottises.
(1) "La barbarie douce (La modernisation aveugle des entreprises et de l'école)" par Jaen-Pierre Le Goff. La découverte.
Rédigé par : Jacques | 17 janvier 2011 à 23:07
Allez, après avoir écrit un commentaire sérieux, on peut maintenant plaisanter.
Ce n'est plus du tout politique et je pense que l'intéressé ne s'en offusquerait pas si on se souvient de ce qu'il avait dit à des journalistes quand il devint député.
Il est tout à fait logique que Dominique Raimbourg soit un spécialiste des questions de sécurité.
Car, dès sa plus tendre enfance, il a su ce qu'était "la tactique du gendarme".
Pour ceux qui n'ont pas compris, je leur conseille de chercher le nom du sympathique et talentueux père de ce député.
Puis de le retrouver dans cette vidéo.
http://www.dailymotion.com/video/xfy66_bouvilla-tactique-du-gendarme
Rédigé par : Jacques | 17 janvier 2011 à 23:20
Il est devenu très urgent d'entreprendre une réforme de fond au sein de la Police Nationale esr urgente, transformer sont statut national pour en faire une police territoriale placé sous l'autorité du préfet de région et du président du Conseil régional, conférer au ministre de l'intérieur la mission de coordonner l'activité de toute les polices, noamment en défendant devant les parlementaires l'action de celles ci et le maintien des budgets.
Rédigé par : Charaf-Eddine LAAREJ | 24 janvier 2011 à 14:33
Pour ce qui concerne les polices judiciaires, nous devons proposer pour cette catégorie de policier un changement de tutelle, à savoir des fonctionnaires dépendant du ministère de la justice, ( à l'image des USA ) agissant directement sous l'autorité des procureurs de la républiques.
Il n'est pas normal que des magistrats puissent être pris en otage par un syndicat de police. Ci la police judiciaire avait dépendu du ministère de la justice, la manifestation des policiers devant le TGI DE BOBIGNY n'aurait certainement jamais pu se tenir.
Rédigé par : Charaf-Eddine LAAREJ | 24 janvier 2011 à 14:42