A la veille de la remise du rapport sur la RGPP, la ministre de la Réforme de l'Etat, de la Décentralisation et de la Fonction publique déclare aux «Echos» que sa «priorité est de renouer le dialogue social car on ne peut pas réformer l'action publique sans les fonctionnaires». Elle se dit «favorable au recours à un fonds d'urgence » pour les départements, mais prévient que «les collectivités seront associées à l'effort de redressement des comptes en 2014 et 2015».
Réforme de l'Etat, nouvelle étape de la décentralisation, définition d'une action publique « plus lisible, plus efficace et moins coûteuse » comme l'affirmait en juillet le gouvernement... La remise, mardi soir, au Premier ministre et à Marylise Lebranchu du rapport sur la Révision générale des politiques publiques (RGPP) donne le coup d'envoi de discussions qui s'annoncent serrées. Toute la difficulté pour la ministre de la Réforme de l'Etat, de la Décentralisation et de la Fonction publique est qu'elle doit attendre que se déroulent, au Sénat les 4 et 5 octobre, les Etats généraux de la démocratie territoriale, tout en organisant le travail du séminaire gouvernemental prévu fin septembre. Certains rêvent d'y voir débattu l'octroi d'une plus grande liberté d'action aux préfets pour mieux coller aux besoins du terrain. D'autres veulent en profiter pour réduire le rôle de l'administration d'Etat pour donner plus de latitudes aux pouvoirs locaux. Les volets transport et énergie, où il est question de donner plus de pouvoirs de décision aux régions, promettent aussi d'âpres débats. Une chose est sûre : les délais sont serrés, le projet de loi devant être discuté en janvier puis voté au printemps.
Le rapport sur le bilan de la RGPP est remis mardi. Quelles sont ses conclusions ?
La RGPP a été avant tout un tract politique flattant la démagogie anti-fonctionnaires. Après échange avec les rapporteurs, il ressort que pour eux, la RGPP a été un fourre-tout, un recyclage de décisions anciennes. Personne ne remet en cause la nécessité de réformer les politiques publiques mais le travail a été faussé par une approche idéologique et menée sans concertation. Ma priorité est de renouer le dialogue social car on ne peut pas réformer l'action publique sans les fonctionnaires. Le précédent gouvernement a déformé l'Etat. Nous allons le reformer autour d'une conviction partagée avec Jean-Marc Ayrault : il n'y a pas d'action publique sans Etat fort.
Mais l'Etat n'assume-t-il pas trop de missions ?
L'enjeu, c'est l'action publique, les missions qui en découlent et la meilleure organisation pour la conduire. Plus la crise est forte, plus le besoin de services publics est fort. Ce n'est pas un « cadeau » aux citoyens mais un droit et le filet de sécurité de ceux qui sont fragilisés par la crise. Nous devons redire que le service public, c'est une présence, une écoute et une compétence disponibles sur tout le territoire.
Pourquoi mener de front décentralisation et réforme de l'Etat ?
Nous voulons un seul texte de loi. Il est écrit, il est prêt. Son but : organiser le « qui fait quoi » pour une meilleure efficacité de l'action publique. Il y aura des transferts de compétence qui s'appliqueront uniformément sur le territoire. Les collectivités qui le souhaiteront expérimenteront en outre leurs propres transferts : un département pourra, par exemple, confier aux intercommunalités la mission de promouvoir le tourisme. Mais il devra alors, pour rationaliser, fermer son comité départemental.
Nous allons créer de nouveaux outils de gouvernance : les conférence territoriales des compétences viendront clarifier sur le terrain le rôle de chacun et le Haut conseil des territoires permettra à l'Etat et aux collectivités de discuter de l'action publique, son organisation, son efficacité et son financement. L'acte trois de la décentralisation conduira probablement à des transferts d'effectifs mais sans tomber dans l'excès : nous ne reproduirons pas l'erreur commise avec les techniciens et ouvriers de service en 2004.
Cela veut dire que les effectifs de l'Etat vont diminuer ?
Encore une fois, il s'agit d'affecter les moyens sur les missions prioritaires. Mais nous ne nous interdisons pas de créer des postes là où il y a des manques flagrants. Je pense notamment aux corps de contrôle. Certains abattoirs, par exemple, sont quasiment en auto contrôle, ce dont on ne peut pas se satisfaire.
Faut-il demander aux collectivités locales de faire des économies ?
Je me bats pour faire passer l'idée que 1 point de dépense publique, c'est 0,5 point de croissance. Et les services non marchands représentent 4 points de croissance. Pour 2013, les dotations ont été sanctuarisées afin de préserver l'investissement public et la croissance liée. Ensuite, les collectivités seront associées à l'effort de redressement des comptes publics pour les années 2014 et 2015, sauf retour à meilleure fortune. Cet effort sera mesuré par rapport à celui de l'Etat. Nous voulons leur laisser le temps et discuter largement les modalités d'une telle orientation.
Dans l'immédiat, une trentaine de départements sont en difficulté. Comment les aider ?
Je suis favorable au recours à un fonds d'urgence car je ne vois pas ce que l'on gagnera collectivement à avoir des départements dans le rouge. Il ne peut pas y avoir de développement économique sans cohésion sociale de qualité. Or la cohésion sociale est LE métier des départements. Mais ce geste ne serait pas lié au projet de loi sur la décentralisation.
Et pour l'avenir ?
Une réforme fiscale locale est prévue. Elle doit se faire dans le cadre du pacte de confiance et de solidarité entre l'Etat et les collectivités. Les régions ont quasiment perdu tout pouvoir de décision sur l'évolution des taux. Elles doivent retrouver plus d'autonomie. Les départements ont besoin d'une assiette dynamique car les droits de mutation sont beaucoup trop cycliques. Ils demandent à toucher un pourcentage de la CSG pour financer l'aide sociale. Cela peut être une piste. Il y a aussi la question des droits de mutation à titre gracieux, pour lesquels nous devons revenir à quelque chose de plus juste.
Le financement des collectivités est lui aussi déséquilibré...
Elles ont besoin de 18 milliards d'euros de prêts par an. Le projet de future banque publique des territoires, sous la conduite de la Banque postale et de la Caisse des Dépôts, est actuellement ralenti par les négociations avec la Commission européenne. Je suis favorable à la création de l'Agence de financement des collectivités, mais à une condition, qu'il n'y ait aucune mise en cause de la responsabilité de l'Etat par l'intermédiaire d'un établissement public à caractère industriel et commercial destiné à garantir les prêts des collectivités. Une solution serait de revoir le projet en intégrant une structure à statut mutualiste en lieu et place de l'EPIC.
Que proposez-vous sur le dossier des emprunts toxiques ?
Il doit être suivi au niveau national. Je constate que la médiation, en son état actuel, ne fonctionne pas. Les outils et les missions de la cellule de suivi doivent être renforcés.
La RGPP s'est aussi appuyée sur des délégations de services publics à des opérateurs privés. Allez-vous revenir dessus ?
Le précédent gouvernement est parti du principe qu'une mission confiée au privé est forcément mieux faite et revient moins cher. C'est faux. On peut s'interroger sur certains retours en régie mais il est compliqué de revenir sur des contrats passés.
Le point d'indice sera-t-il de nouveau gelé en 2013 ?
Pas forcément. L'enveloppe dédiée aux rémunérations est gelée mais on peut faire des arbitrages en son sein. Aucun sujet n'est tabou et je sais que l'attente des agents est forte mais il faudra être réaliste et sortir du débat sur le seul point. Nous ouvrirons le 9 octobre une vaste concertation sur les carrières, les parcours professionnels et les rémunérations.
Les grilles salariales se sont tassées avec les hausses du SMIC. Vont-elles être revues ?
Je suis résolue à rééchelonner les grilles. C'est un travail fastidieux, qui prendra plusieurs années, mais indispensable.Il faut redonner aux agents des catégories B et C, l'espoir d'une progression salariale juste, digne de ce nom, au cours de leur carrière.
Allez-vous poursuivre la politique de rémunération au mérite ?
Surtout pas. C'est une politique qui achetait le silence des fonctionnaires sur les suppressions de poste par des primes dites de performance. Cette approche, déguisée en bonne intention, était une hypocrisie puisque les primes étaient dérisoires et la baisse de la qualité des conditions de travail, bien réelle. Les agents y ont perdu sur toute la ligne.
Les agents des finances sont vent debout contre les suppressions de postes. Que leur répondez-vous ?
En cette période de crise d'une gravité exceptionnelle, la France a élu un président et a validé ses priorités : l'école, la justice, la police et Pôle emploi. Ces efforts sont justes et je les assume totalement.
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