“La réforme de l’action publique doit se baser sur la concertation”
Entretien avec Olivier Dussopt, Député (SRC, Ardèche), futur rapporteur du projet de loi sur l’acte III de la décentralisation.
J'ai donné une interview à la Revue Parlementaire au sujet de la réforme de la décentralisation et de modernisation de l'action publique, pour un numéro spécial dans lequel interviennent aussi Marylise Lebranchu, Ministre en charge du dossier, et Jean-Pierre Bel, Président du Sénat.
Cette réforme présentée en trois textes sera bientot examinée par le Sénat puis par l'Assemblée.
Pour lire l'entretien en ligne : http://www.larevueparlementaire.fr/pages/RP950/rp950-territoires-reforme-action-publique.html
Le texte va toucher de nombreux parlementaires qui sont eux-mêmes à la tête d’un exécutif local. Comment appréhendez- vous les débats ?
Pour discuter de textes relatifs à l'organisation et aux compétences des collectivités locales, la présence au Sénat et à l’Assemblée nationale de parlementaires qui sont aussi élus locaux est à la fois une chance et un risque.
Une chance car ces élus viennent éclairer le texte de leurs expériences concrètes. Je pense à leur connaissance de la complexité de notre organisation décentralisée, de la fameuse complexité normative, mais aussi à leur pratique quotidienne des outils mis en place par les précédentes lois de décentralisation. C'est un risque aussi car ces élus peuvent avoir tendance à regarder le texte depuis le fauteuil qu’ils occupent et à l’analyser à travers le prisme de leurs mandats locaux. S'il est hors de question de parler de conflit d’intérêt, force est de constater - et la mobilisation des associations d’élus l’illustre - que chaque niveau de collectivité souhaite défendre ses positions, notamment concernant ses compétences, et se considère comme fondé à agir. C'est humain et logique.
Finalement, le clivage droitegauche risque vite d’être dépassé par une opposition entre membres de différentes collectivités…
Il est vrai que sur ces questions les clivages traditionnels peuvent être dépassés. Que l’on soit parlementaire de la majorité ou de l’opposition, il nous arrive de partager des idées et des objectifs. Pour prendre un exemple, le chapitre relatif à l’intercommunalité dans le projet de loi de réforme des collectivités territoriales en 2010 faisait quasiment consensus.
“Dans le contexte actuel de forte contrainte budgétaire, les projets de loi apportent des solutions, en favorisant la pondération des dépenses par les économies d’échelle, en encourageant la mutualisatio n des services, mais aussi en amorçant un processus de simplification normative”
Personnellement, je trouve que certaines personnalités de la droite et du centre formulent des idées intéressantes. Je pense à Jacqueline Gourault et à son travail sur les normes ou sur le statut des élus avec Jean-Pierre Sueur, ainsi qu’à Alain Lambert qui vient de rendre, avec Jean-Claude Boulard, un rapport sur la lutte contre l’inflation normative.
Comme futur rapporteur, je refuse d’adopter une attitude fermée. Toute contribution enrichit le débat et je suis confiant dans la capacité des deux chambres à améliorer et préciser les textes à venir.
Le texte sera examiné dans un contexte différent de celui de 2010. D’une part, la RGPP a laissé place à la modernisation de l’action publique (la MAP). La réforme de l’action publique doit se baser sur la concertation et sur une démarche qualitative. D’autre part, la défiance a laissé place à la confiance. Les élus locaux ne sont plus pointés du doigt. Confiance aussi car les conférences territoriales de l’action publique permettront aux collectivités locales d’élaborer un pacte de gouvernance territoriale. Confiance enfin avec le Pacte financier qui se construit entre l’Etat et les collectivités.
Selon la ministre Anne-Marie Escoffier, le texte est « amendable » et c’est au Parlement « d’amél iorer le texte ». Quelles seront les priorités de la majorité ?
Comme c’est le cas pour tous les textes gouvernementaux, le Parlement – et notamment la majorité à laquelle j’appartiens – entend bien améliorer et enrichir les trois projets de loi.
Conformément à l'article 39 de la Constitution, les textes arriveront en première lecture à l’Assemblée en ayant déjà été examinés, et donc sûrement modifiés, par le Sénat. Les priorités de la majorité à l'Assemblée tiendront naturellement compte du travail des sénateurs.
Quelques points seront cependant prioritaires à mes yeux : comment clarifier au mieux les compétences ? Quelle gouvernance pour les nouveaux lieux d’échanges et de dialogues que sont le Haut conseil des territoires et les conférences territoriales de l’action publique ? Comment favoriser l’adaptabilité et la proportionnalité des normes ?
Je considère aussi que les textes devront apporter davantage d’attention à la ruralité, même si le redécoupage du projet de loi permettra sûrement d’introduire de nouvelles dispositions sur ce sujet.
Depuis le jeûne du maire de Sevran, Stéphane Gatignon, devant l’Assemblée, on sait aussi que la répartition des ressources locales sera un enjeu majeur de la réforme…
C'est le nerf de la guerre. La répartition des ressources constitue un enjeu majeur, tant au niveau des dotations qu’au niveau de la solidarité entre les territoires au travers de la péréquation. D’où l’importance de la conférence annuelle des finances publiques locales, qui réunit l’Etat et les collectivités et qui a mis en place six groupes de travail. Ces travaux permettront l’élaboration du Pacte de confiance et de responsabilité.
Dans le contexte actuel de forte contrainte budgétaire, les projets de loi apportent des solutions, en favorisant la pondération des dépenses par les économies d’échelle, en encourageant la mutualisation des services, mais aussi en amorçant un processus de simplification normative.
J’aurais souhaité que l'élaboration et la présentation du Pacte de confiance et de responsabilité soient concomitantes avec l’examen du projet de loi de décentralisation au Parlement, pour répondre à la question des ressources que posent tous les textes de cette nature, tant en termes de dotations, de fiscalité que de compensations. Le séquençage de cette réforme ne permettra malheureusement pas d’obtenir cette concomitance.
Vous qui êtes également maire, ce texte permettra-t-il de clarifier le rapport de plus en plus confus entretenu entre les communes et les communautés de communes ?
Oui, absolument, même si je tiens à rappeler que le bloc communal est celui dont les compétences sont les moins encadrées. Il dispose de la clause de compétence générale dans l'acceptation la plus large. Et comme le Gouvernement, je considère que les maires et les communes restent le socle de la vie locale.
En matière de clarification, le troisième projet de loi enrichit la liste des compétences obligatoires des EPCI et reforme les principes de définition de l'intérêt communautaire. De plus, de nouvelles règles encadreront la mutualisation des services pour plus de lisibilité.
Au-delà des rapports entre les communes et les intercommunalités, la réforme clarifie la répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivité en désignant des chefs de file pour de très nombreuses compétences. Les conférences territoriales serviront de cadre pour l’élaboration du pacte de gouvernance territoriale, pour fixer les modalités d'intervention de chaque niveau et affiner cette répartition.
Pour inciter les différentes collectivités d’un territoire à s’inscrire dans cette dynamique collective de clarification des compétences, sans revenir sur le principe de non tutelle, les règles applicables aux financements croisés seront rendues plus contraignantes pour les collectivités qui n'auraient pas approuvé le schéma d’organisation proposé.
Que change le séquençage de la loi en trois textes distincts ? Est-ce une manière pour le Gouvernement de prendre le temps de revoir sa copie ?
Une seule et même réforme a été présentée en Conseil des ministres le 10 avril dernier, comme cela avait été prévu initialement, mais sous la forme de trois textes qui seront débattus successivement. Ces trois textes reprennent tous les aspects de l'avant-projet initial.
L'examen en trois temps s'explique par des contraintes de calendrier et la volonté du Gouvernement de donner du temps à ces débats pour qu’ils soient fructueux. L’Assemblée nationale ne disposait plus que de deux semaines pour examiner le projet de loi en première lecture durant l’été. La densité du texte initial aurait nécessité plus de temps. Sa réorganisation en trois volets permettra la tenue de débats plus apaisés et certainement de meilleur qualité.
A propos du calendrier, il me semble cohérent de rapprocher le plus possible l’examen des trois textes. L’idéal serait qu’ils soient tous votés avant les élections municipales.
Ces trois projets de loi, portés par Marylise Lebranchu, portent en eux une belle possibilité de réforme de notre organisation territoriale. Avec quatre objectifs : la clarté, la confiance, la cohérence et la démocratie.
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