Réorganisation de l'administration, réduction de l'enveloppe versée par l'Etat aux collectivités, rémunération des fonctionnaires... Marylise Lebranchu la ministre de la Réforme de l'Etat, de la Décentralisation et de la Fonction publique, est en charge de plusieurs dossiers chauds au moment où le gouvernement est à la recherche de 50 Mds€ d'économies. Elle a d'ailleurs rendez-vous jeudi prochain avec les responsables syndicaux de la fonction publique.
Interview dans le Parisien du 10 mars 2014
La métropole du Grand Paris
Quel sera le statut des fonctionnaires qui rejoindront la métropole du Grand Paris ?
Le seul changement, c'est que les agents de la métropole auront un employeur unique. Mais les règles inscrites dans la loi sont telles qu'ils ne subiront pas de perte. Chaque agent gardera à titre individuel sa rémunération et toutes ses garanties de carrière.
Combien d'entre eux sont concernés ?
Nous le saurons précisément quand la mission de préfiguration aura examiné, compétence par compétence, l'organisation de la métropole.
Au sein de la métropole, il y aura donc une multitude de situations...
On regroupe des collectivités qui ont des pratiques différentes. Mais nul ne peut perdre des avantages qu'il a déjà. Après, il y aura des négociations sur le lissage des conditions d'emploi. Ce travail nécessaire sera mené au sein de la métropole du Grand Paris. Il n'est pas souhaitable qu'un fonctionnaire passant de la Ville de Paris à la métropole perde quoi que ce soit au bas de sa feuille de paie.
Où en est-on d'une éventuelle suppression de départements en Ile-de-France ?
La réorganisation territoriale en Ile-de-France va se faire de telle manière qu'on ait une métropole organisée avec, autour, des intercommunalités suffisamment fortes, de plus de 200 000 habitants en grande couronne, pour être de bons interlocuteurs. Ensuite, je me suis engagée à faire étudier l'impact d'une fusion des départements de la petite couronne.
Les impôts locaux
Si vous simplifiez le paysage des collectivités locales, il faut le faire avec la fiscalité...
C'est un sujet important. Même si la révision des bases cadastrales, qui sert au calcul de la taxe d'habitation, se fera dans un second temps, ce travail a déjà été commencé sur les locaux commerciaux. Nous allons continuer.
Quid des dégrèvements par lesquels l'Etat prend à sa charge une partie des impôts locaux ?
Un conseil municipal ou intercommunal qui vote une hausse d'impôt le fait souvent en sachant que les personnes à faibles revenus ne seront pas impactées, car bénéficiant d'un système de plafonnement pris en charge par l'Etat. C'est la règle : la solidarité nationale prend en charge certaines augmentations d'impôts locaux.
Chez certains élus, c'est un moyen d'obtenir de l'argent ?
Augmenter les impôts n'est jamais un acte facile. Mais le recours à l'impôt est facilité par le système de dégrèvement. Le Premier ministre a demandé au comité des finances locales d'en discuter pour déterminer si ce système est juste ou pas.
Les relations collectivités-Etat
De combien vont baisser les dotations de l'Etat aux collectivités ?
Rien n'est arrêté. Je rappelle que, pour les seules dotations de fonctionnement, l'Etat transfère chaque année 55 Mds€ aux collectivités locales dans leur ensemble. Les dépenses de fonctionnement des communes et intercommunalités sont de l'ordre de 80 Mds€. Or, à l'échelle des villes, en matière de mutualisation de services, on arrive à faire de 10 à 15 % d'économies en quelques années, en transférant les services d'urbanisme, de propreté ou de ramassage des ordures ménagères à l'intercommunalité par exemple. Mon objectif, c'est de prendre en compte l'effort de mutualisation dans la dotation générale de fonctionnement. Les communes ayant mutualisé leurs services recevront plus que celles ne l'ayant pas fait.
Faut-il supprimer la clause de compétence générale dont bénéficient les collectivités ?
C'est une question. Tout le monde se la pose. J'y suis favorable. Il faudra qu'on clarifie les compétences exercées par les collectivités et leur contenu. Les collectivités dépensent jusqu'à 20 % de leur budget sur des compétences non obligatoires. Il y a donc une marge de progrès dans la clarification et l'efficacité.
Les salaires des fonctionnaires
Le point d'indice, qui sert de base de calcul à la rémunération des fonctionnaires, va-t-il encore être gelé ?
Ce n'est pas encore décidé. J'ai la volonté de renégocier, au second semestre 2014 et début 2015, ce qui a trait au traitement, à la rémunération, au parcours professionnel et à la carrière d'un agent. Les fonctionnaires versent tous, depuis 1982, une contribution de solidarité de 1 % de leur salaire. Cet argent est destiné aux chômeurs en fin de droits. Si un nouvel effort devait être demandé aux fonctionnaires, il faudrait peut-être que seuls les mieux payés soient mis à contribution. Je n'imagine pas que tout le monde soit solidaire au même niveau, compte tenu du gel du point d'indice depuis 2010. Le salaire net de nombreux agents a diminué.
Un effort pour les catégories A mais pas pour les B et les C ?
Si besoin, c'est ce que je proposerai aux organisations syndicales et au Premier ministre pour les plus hautes rémunérations, par exemple lorsqu'elles dépassent celles des ministres. Il y aura aussi d'autres propositions. Certains compléments familiaux sont proportionnels au salaire. Est-ce bien juste ?
Un coup de pouce aux agents B et C est-il envisageable ?
Nous venons de revaloriser les catégories C, soit 1,6 million de personnes des trois fonctions publiques, sur un total de 5,2 millions. Beaucoup d'entre elles sont très proches du smic. Je pense que, dans un premier temps, nous allons faire davantage attention aux catégories B et C, oui. Ce sont des agents dont on a besoin et qui sont souvent mal payés. Un agent des services hospitaliers, qui garde chaque nuit 70 personnes, est payé au smic. Est-ce normal ? La réduction des inégalités dans la fonction publique est une priorité.
Demander un effort aux mieux payés peut éviter un nouveau gel du point d'indice ?
Peut-être mais pas seulement.
Les effectifs publics
Y aura-t-il en 2015 une nouvelle réduction des effectifs ?
Dans la fonction publique de l'Etat, on ne peut pas réduire beaucoup plus le nombre d'agents. En revanche, nous avons encore des pistes à explorer sur l'organisation des services de l'Etat, sur la répartition des missions et des moyens entre administrations centrales et services territoriaux. Et sur sa coordination avec les opérateurs de l'Etat devenus trop nombreux. Nous allons coordonner région par région la réalité des besoins et veiller en particulier à éviter que les missions ne doublonnent avec celles des collectivités locales. Cela ne consiste pas à faire moins mais à faire mieux
Le Parisien
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