Vivre et être soigné au plus près ? Sans attendre le Pacte territoire santé 2, des solutions sont mises en œuvre localement. Condition nécessaire pour les élus : allier bon sens et souci du « collectif ».
Pas de casus belli avec les médecins : la lutte contre les déserts médicaux se mènera de gré, pas de force. Avec le lancement, fin 2012, du Pacte territoire santé, le gouvernement a fait le choix de sortir le chéquier. Sur le terrain, le dispositif national d’incitation à l’installation est venu épauler des maires parfois lancés dans une surenchère désordonnée pour attirer les généralistes, dans un contexte de pénurie où la loi de l’offre et de la demande joue à plein - « les jeunes médecins, biberonnés à l’hôpital, sont des enfants gâtés », concède en off un responsable de l’Ordre des médecins. Pierre angulaire de la politique de santé ambulatoire, le Pacte va trouver un ancrage législatif grâce à la loi de modernisation de notre système de santé adoptée définitivement par les députés le 1er décembre. Olivier Dussopt, président de l’Association des petites villes de France, s’en est d’ailleurs félicité, tout en appelant à « un renforcement des mesures prises alors que la désertification médicale tend à gagner du terrain plus qu’à en perdre ».
Le premier fer au feu a été le contrat de praticien territorial de médecine généraliste (PTMG) qui, en contrepartie de l’installation en zone fragile, garantit une rémunération de 6 900 € bruts mensuels pendant deux ans (activité + complément). Fin octobre 2015, 480 contrats ont été signés. Résultat modeste, même au regard de chiffres qui montrent la désaffection pour la médecine générale et l’exercice libéral : 42,8 % des 7 525 nouveaux inscrits à l’Ordre des médecins en 2014 sont généralistes et parmi eux, 22 % seulement ont choisi de s’installer dès la première année.Un seul zonage pour les territoires aidés Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes a présenté le Pacte territoire santé 2 le 26 novembre. Elle a redit vouloir agir « pour donner envie aux médecins, en particulier les jeunes diplômés, d’aller dans les régions qui en ont le plus besoin ». Une mesure importante est entérinée : la définition des territoires aidés sera simplifiée, avec un zonage unique pour toutes les mesures incitatives à l’installation. Tout le monde y verra plus clair, y compris les élus locaux !
Deux nouveaux contrats sont ajoutés à la boîte à outils du Pacte 1. Ils ont déjà été financés par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 et réglementés par deux décrets du 26 octobre. Celui de praticien territorial de médecine ambulatoire (PTMA) est moins généreux que le PTMG, mais s’adresse aussi aux installés et aux spécialistes : pas de rémunération complémentaire, mais le même forfait maternité de 3 105 euros et paternité de 1 138 €. Et il est ouvert aux médecins de secteur 2 à condition qu’ils plafonnent leurs dépassements d’honoraires. Le public visé est clairement celui des jeunes femmes, plus nombreuses désormais à sortir des facs de médecine que les hommes… Le Pacte 2 se fixe le cap de 1 000 médecins signataires de PTMG ou PTMA d’ici 2017.Travail de dentelle Troisième contrat, encore plus ciblé, celui de praticien isolé à activité saisonnière (PIAS). Il permet aux médecins des stations de ski de bénéficier pendant six ans d’une rémunération complémentaire dans des communes éloignées de plus de 30 minutes d’un service d’urgence avec une population desservie inférieure à 100 habitants par km2 - des critères spécifiques qui s’ajoutent aux généraux. Anecdotique, ce nouveau contrat ? Certainement pas pour les maires de montagne… qui ont des difficultés à trouver des médecins acceptant le yo-yo saisonnier. L’agence régionale de santé Rhône-Alpes a même ajouté à la corbeille de la mariée un label « Cabinet de montagne », versant en 2015 à 32 labellisés un million d’euros pour les aider à s’équiper en matériel de radiologie. Rustines, disent certains observateurs. Travail de dentelle, répond Marisol Touraine qui parle « d’actions simples, concrètes, qui font la différence auprès des professionnels ».
Un autre contrat lancé par le Pacte 1 est un levier actionnable en amont : le contrat d’engagement de service public (CESP), par lequel étudiants en médecine ou internes s’engagent à s’installer dans un désert médical pendant deux ans en contrepartie d’une allocation de 1 200 euros mensuels pendant leurs études. Le démarrage a été poussif, mais 1 300 CESP ont été signés (et 80 ex-signataires installés) et les objectifs du Pacte 2 sont revus à la hausse : 1 700 d’ici 2017 contre les 1 500 initialement prévus. Un pari sur le proche avenir. Mais le temps que la hausse du numerus clausus fasse effet et que la démographie médicale reprenne des couleurs, le désert avance : le nombre de généralistes, descendu de 64 778 à 58 104 entre 2007 et 2015 va encore baisser de près de 7 % d’ici 2020. De quoi donner l’impression d’écoper avec une petite cuillère.
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