L’Association des petites villes de France (APVF) formule de nombreuses propositions pour lutter contre les inégalités d’accès aux soins. Et propose notamment la mise en place de territoires prioritaires de santé.
Les initiatives locales suffiront-elles à lutter contre les inégalités territoriales de santé ou souhaitez-vous un débat national sur le sujet ?
Les initiatives prises par les maires et élus locaux, notamment dans les petites villes, jouent un rôle important contre la désertification médicale mais elles ne peuvent évidemment résoudre seules l’ensemble des problématiques auxquelles les territoires sont confrontés. Un débat fort sur ce sujet apparaît incontournable.
C’est la raison pour laquelle l’APVF a mené un travail d’analyse et de propositions, rendu public le 9 février 2016, sous la direction de Nathalie Nieson, Députée-Maire de Bourg-de-Péage, et Xavier Nicolas, Maire de Senonches.
Trois éléments préalables doivent être soulignés. Tout d’abord, les conséquences de la désertification médicale ne peuvent pas être uniquement mesurées selon la distance entre le lieu de résidence et les soins. La disponibilité, soit le temps d’attente pour obtenir une consultation, particulièrement pour les praticiens exerçant en secteur 1, est un critère essentiel qu’il convient de prendre en compte lorsqu’il s’agit de mesurer la qualité de la couverture médicale. Ensuite, l’échelle la plus pertinente pour aborder l’ensemble des problématiques nous paraît être celle du bassin de vie. Enfin, les déserts médicaux, ou au minimum les territoires fragilisés en matière d’offre de soins, ne sont pas les déserts tout court, contrairement à une idée répandue. Il s’agit d’espaces ruraux mais aussi périurbains ou urbains, à proximité immédiate de villes de taille importante.
Dans le cadre de ce débat national, qui commence à émerger, l’APVF se fait le relais des élus locaux qui, toutes tendances confondues, souhaitent que la question de la régulation de l’installation des médecins, accompagnée de nouvelles mesures incitatives, soit posée. L’idéal serait que cette question puisse être abordée par les médecins libéraux au sein de la convention qui est actuellement négociée avec l’Assurance maladie. Nous souhaitons l’émergence d’une solution commune et non d’une solution imposée qui serait mal vécue.
Au-delà de cette question, nous faisons plusieurs propositions. Nous proposons la mise en place de territoires prioritaires de santé. Ce dispositif doit s’adresser, sur le modèle des « quartiers prioritaires » s’agissant de la politique de la ville ou encore des « zones de sécurité prioritaires » (ZSP) concernant le domaine de la lutte contre l’insécurité, aux territoires où l’offre de soins est la plus faible. Il doit favoriser une approche territoriale qui implique l’ensemble des acteurs et de l’offre de soins (hôpitaux, notamment de proximité, médecine ambulatoire, pratiques avancées et centres de santé). Les mesures prises dans ce cadre pourront se matérialiser par un soutien au financement de certaines activités ou à l’implantation de certaines structures (centres de santé), par des mesures dérogatoires (seuil d’ouverture ou de fermeture de services, pratiques avancées, etc.), par des encouragements à l’innovation et à l’expérimentation, etc.
L’APVF porte également d’autres propositions : encouragement du cumul emploi-retraite pour les médecins libéraux, régionalisation de l’internat, attention particulière à l’importance des soins de proximité dans les futurs projets médicaux partagés et à la place des élus dans les groupements hospitaliers de territoire, etc.
Les ARS vous paraissent-elles suffisamment à l’écoute des élus locaux sur cette question ?
De nombreux élus nous font part du dialogue difficile avec l’ARS, notamment au moment de la mise en place du schéma régional d’organisation des soins ou lorsqu’il s’agit de prendre des décisions sur des structures hospitalières en difficulté financière ou qui ne seraient pas suffisamment rentable.
L’APVF a salué l’adoption par la loi Santé de la création d’un conseil territorial de santé par les directeurs généraux des Agences régionales de santé. Ils peuvent constituer, dans le cadre de l’élaboration des projets régionaux de santé tels que prévus par la loi et des difficultés de maintien de l’offre de soins dans de nombreux territoires, des outils essentiels dans le dialogue entre les élus et l’ARS et dans la recherche de solutions partagées.
Nous resterons cependant attentifs aux décrets d’application qui ne doivent pas faire de cet outil une coquille vide. Nous serons ainsi particulièrement vigilants sur le poids réel que les élus auront dans les décisions futures de l’ARS et dans l’organisation des différents schémas régionaux. Nous ne voulons pas d’une consultation de façade. Ce qui doit en découler, c’est un véritable dialogue sincère et pérenne entre les Agences et les élus.
Au-delà des règlements, c’est toute une culture de dialogue entre les ARS et les élus qu’il faut parfois créer, a minima organiser et renforcer. Aujourd’hui, les élus se plaignent largement de l’absence de dialogue, de la brutalité de certaines décisions, que ce soit dans leur préparation, dans leur annonce et dans leurs conséquences. C’est cette culture qu’il faut changer afin d’avoir un dialogue apaisé en matière de santé et qui permette de trouver des solutions qui aillent dans l’intérêt de nos concitoyens. Les élus représentent un réel apport pour les ARS par la connaissance fine de leur territoire, des enjeux et des situations. Les ARS ne doivent pas les concevoir comme des opposants mais comme des partenaires.
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