Rue89 a publié un long et intéressant entretien avec Jean Viard, socioliogue, sur la question du pouvoir d'achat. Un entretien qui passionne mais qui inquiète aussi tant le diagnostic est juste et plein de messages.
Quand le sociologue Jean Viard [2], proche du Parti socialiste, se plonge dans les chiffres de notre pouvoir d'achat – qui n'a augmenté que de 1,2% en 2010 [3] contre 1,6% en 2009 –, il pourfend les moyennes qui ne veulent rien dire et les politiques qui laissent faire. Quand il analyse la grande crise que nous traversons, il y voit une situation « -quasi révolutionnaire- ». Décoiffant.
Rue89 : Les Français ont l'impression que leur pouvoir d'achat [4] baisse, les statisticiens et les économistes disent que non. Qui croire ?
Jean Viard : Prenons quelques chiffres [6] sur dix ans. En 1998, les 10-% les moins riches avaient un niveau de vie de 7100 euros par an et par personne. En 2008, hors inflation, ce chiffre avait augmenté de 13,7-%, soit 970 -euros de plus. Pour les 10-% les plus riches, ce même indicateur a progressé de 27,3-% - : ça fait 11 -530- euros en plus. Et les 0,01-% les plus riches, eux, ont gagné 360 000 euros de plus ! Ça donne deux informations- : la première, c'est que les écarts se creusent, et la seconde, que la moyenne n'a pas grand sens… Le problème, c'est que nos modes de consommation nous coûtent de plus en plus cher. Il y a dix ans, on n'avait pas de téléphone portable, pas d'Internet, quasi pas d'abonnements à des bouquets de chaînes de télévision… L'évolution des modes de vie fait qu'on arrive moins bien à vivre au même standard – au sens où ces nouveaux produits sont maintenant entrés dans le standard. Le sentiment des gens n'est donc pas faux.
Jusqu'aux années 1990, l'évolution des revenus était suffisante pour absorber les innovations technologiques. Prenez le lave-linge, le lave-vaisselle, la télé couleur… Quand ça apparaissait, les riches l'achetaient tout de suite, les couches moyennes l'année d'après et les prolos deux ans plus tard. On savait que, quelle que soit sa position dans la société, son revenu permettrait d'avoir l'objet soit tout de suite, soit les années d'après.
Comme l'évolution des revenus est devenue moins rapide que celle des modes de vie, les choix qu'on est amené à faire ont augmenté. Les téléphones portables sont devenus les premiers concurrents du départ en vacances dans le poste de dépenses mobilité-loisirs- : on ne peut pas remplacer une soupe par un téléphone portable, mais on peut gratter sur ses vacances.
Cela montre que la croissance des salaires est insuffisante pour absorber le progrès technique.
L'intégralité de l'entretien : Téléchargement Entretien rue89 Jean Viard
Commentaires