La Gaette des Communes a publié une tribune que je signe comme député et maire, mais aussi comme vice-président de l'AOVF au sujet de la péréquation et de sa réforme à venir.
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Le débat qui s’engage sur la péréquation entre collectivités locales soulève une question fondamentale : la liberté locale, à laquelle nous sommes tous attachés trente ans après la première loi de décentralisation, est-elle conciliable avec l’égalité territoriale - au moins l’égalité des chances - grâce à un effort de solidarité entre territoires ?
Cette question n’est pas seulement théorique : dans de nombreuses collectivités territoriales, par l’effet cumulé du ralentissement de la croissance, de la suppression de la taxe professionnelle et de la hausse légitime de la demande de services par la population, les budgets deviennent pratiquement impossibles à boucler… sauf à augmenter encore la pression fiscale sur des ménages au pouvoir d’achat limité et sur le fondement de valeurs locatives obsolètes. Certaines collectivités sont préservées de ce dilemme : la France est le pays d’Europe dans lequel les écarts de potentiel fiscal sont les plus élevés : de 1 à 8500 pour les communes ! Les 360 communes les mieux dotées ont une richesse fiscale par habitant 44 fois plus élevée que les 360 communes les moins bien loties. Pour chacun de leur habitant, les premières disposent de 7403 € de ressources, quand les dernières doivent se contenter de 168 €. Il ne s’agit pas de contester le mieux-être de certaines mais de constater des inégalités qui ne sont pas démocratiquement acceptables.
La rénovation de notre système de péréquation s’impose. Quelle en doit être la philosophie d’ensemble ? En apparence, ce principe simple : « de chacun selon ses moyens à chacun selon ses besoins ». S’ouvre alors le débat sur le sens de chacun de ces termes : comment mesurer les « moyens » d’une collectivité ? Et ses « besoins » ?
Le débat technique aura lieu, mais il est désormais évident que la réforme 2011 devra permettre d’affiner notre perception de la « richesse ». Le potentiel financier par habitant devra continuer d’être mobilisé, mais rien n’interdit d’intégrer également le revenu fiscal de la population. Quant aux « besoins », de prime abord, chacun admet qu’ils ne sont pas seulement une « absence de moyens ». Des charges spécifiques pèsent sur certaines collectivités, eu égard à leur positionnement sur le territoire, au service qu’elles prennent en charge pour leur bassin de vie. Pour autant, chacun voit immédiatement poindre l’écueil de la complexité infinie et de l’usine à gaz. Doit-on prévoir un critère spécifique pour les communes de montagne, les communes du littoral, les communes touristiques, les communes minières ? Pour que la réforme réussisse, elle devra être simple. Alors, pour la répartition du futur Fonds de péréquation des ressources du bloc local, admettons que le « besoin » corresponde à « l’absence de moyens ». Sur une seule échelle de référence figureront, en haut de classement, les communes contributrices et, en bas de classement, les communes bénéficiaires. Mais une telle simplification, souhaitable, doit alors amener à conserver, en parallèle, les outils de péréquation et d’aménagement du territoire qui compensent des charges spécifiques et qui ont fait jusqu’ici leur preuve, la Dotation de solidarité urbaine et la Dotation de solidarité rurale.
A ce propos, des voix soulignent qu’une partie des charges de centralité assumées par les villes-centres est désormais assumée par l’intercommunalité. C’est, soit-dit en passant, davantage vérifié dans les grandes intercommunalités (communautés urbaines et communautés d’agglomération) que dans les plus modestes, organisées sous la forme de communautés de communes dont les compétences sont moins nombreuses et qui n’assument pas toutes, loin de là, le financement des équipements structurants. Pour autant et une fois encore par souci de simplicité, on peut admettre que le niveau intercommunal soit désigné pour recueillir les fonds de la péréquation, charge à lui de reverser ensuite à ses communes membres une partie des sommes reçues. Les maires peuvent consentir à un tel schéma… si l’intérêt des communes membres est préservé. Il serait tout à fait absurde et inéquitable qu’à la faveur d’une utilisation discrétionnaire des fonds par le conseil communautaire, le reversement aux communes aboutisse à un effet anti-péréquateur ! Des conditions de solide majorité qualifiée doivent donc être prévues, incluant, le sujet le justifie, un droit de veto de la ville-centre, en trouvant un équilibre afin d’éviter d’installer une hégémonie. A défaut d’accord local, la loi viendrait fixer une part fixe à reverser aux communes, en détaillant les critères obligatoires de répartition. La future réforme devra être juste.
Enfin, la réforme de la péréquation doit également être l’occasion de nous interroger sur son financement. Est-il absolument inévitable que les collectivités financent seules le dispositif ? La suppression de la taxe professionnelle et son remplacement par la Cotisation économique territoriale ont généré un bénéfice considérable pour les entreprises. Lorsque, comme le note Gilles Carrez dans son rapport sur la loi de finance rectificative pour 2010, « cet allègement d’impôt serait d’un montant comparable à celui des baisses cumulées d’impôt sur les sociétés adoptées entre 2000 et 2009 », d’un montant total de 7 milliards d’euros (contre les 4 milliards d’euros initialement annoncés), la participation des bénéficiaires au système de redistribution ne doit pas être taboue. Elle pourrait prendre la forme d’une augmentation de 0,1% du taux national de Cotisation sur la Valeur Ajoutée des entreprises (CVAE), affectée intégralement aux fonds de péréquation nouvellement créés. L’Association des petites villes de France souhaite dans cette optique une montée en puissance progressive des dispositifs de péréquation. Il est donc souhaitable de faire preuve d’un peu plus d’ambition dans ce domaine.
En suivant cette feuille de route, l’indispensable réforme de la péréquation peut rester simple et juste, tout en se montrant ambitieuse.
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