Ce lundi 30 mai, les agriculteurs de la Confédération Paysanne m'avaient invité ainsi qu'Olivier Keller, Président de la commission Développement Rural à la Région, et Jean-Paul Roux, Conseiller Général délégué à l'Agriculture. Les deux sénateurs ardéchois étaient représentés.
J'ai reçu de nombreux agriculteurs, représentant les différentes organisations syndicales au cours des dernières semaines. Toutes les organisations agricoles, syndicales et consulaires, sont mobilisées pour limiter les effets de cette sécheresse. La confédération était la première à organiser une viste de terrain pour plusieurs élus et un représentant des services de l'Etat.
Nous avons visité une exploitation de Preaux, tenue par un jeune éleveur Aurélien Mourier et son épouse. Les chiffres parlent d'eux mêmes. Habituellement pour nourrir leurs 120 chèvres et 13 bovins, ils utilisent 100 tonnes de foin de pâturage, 80 tonnes de foin fauché sur leurs parcelles et 20 tonnes de foin acheté. Cette année ils ne pourront mobiliser que 50 tonnes de foin de pâturage (si les bêtes ressortent en automne, 10 tonnes de foin fauché et devront acheter l'équivalent de 120 tonnes soit 50 tonnes de luzerne d'Espagne (dont la livraison est problématique), 50 tonnes céréales pour enrichir 40 tonnes de paille. Cela représente un surcoût de 22000 euros environ, soit plus que le revenu annuel de l'exploitation... Ce couple a déjà du se résoudre à vendre trois de leurs treize bovins, suivant l'exemple de plus en plus fréquent de décapitalisation des troupeaux.
Il faut ajouter aux effets de cette sécheresse une très grande volatilité des cours des céréales, due à une spéculation effrénée. Leur prix a quasiment doublé et est déjà supérieur à celui de 2003, année de grande sécheresse. Il faut aussi envisager des effets à long terme car le niveau des cours d'eau et des réserves est déjà inférieur, au même moment, à ceux de 1976 et 2003.
Je partage beaucoup des revendications exprimées et notamment celles qui ont pour but d'encadrer et geler les prix des différentes catégories de foin et de la paille. De même, je pense que l'interdiction du broyage de la paille est une solution lors d'un tel épisode de sécheresse. Cette mesure fait débat mais je la pense opportune à condition qu'elle soit nationale et non pas seulement départementale afin que les départements "producteurs" de paille, les céréaliers, puissent fournir ceux qui en ont besoin, les éleveurs. Il faut aussi intégrer le cout du transport aux prix de revient.
Les agriculteurs que j'ai reçus, organisations agricoles, pour celles que j'ai rencontrées avant ou la confédération ce lundi 30 mai, ont aussi comme objectifs communs la reconnaissance de l'état de calamites agricoles, l'accélération des versements des aides (notamment de la PAC) et un plan d'allégement de charges.
Au-delà de cette épisode dramatique, il me paraît important d'ouvrir une réflexion sur la régulation en matière agricole et les outils dont dispose la puissance publique. Les difficultés rencontrées pour encadrer les prix ou interdire le broyage montrent combien nous nous sommes désarmés depuis l'accélération de la libéralisation du secteur agricole qu'actait la PAC définie en 1992. Les prix payés aux producteurs, la spéculation sur les matières premières et alimentaires, l'irrigation et l'accès à l'eau sont autant de champs de réflexion. Ils renvoient à notre conception des "biens essentiels".
La réponse assurantielle, de plus en plus courante, se heurte à une double réalité : l'absence de trésorerie pour nombre d'exploitations et la fixation de primes évidemment liées aux risques et donc souvent peu abordables.
L'agriculture souffre. Les évènements climatiques portent une part de responsabilité, les marchés et leur absence de régulation ont des effets dévastateurs sur la vie des exploitations. La profession doit aussi assumer sa part de responsabilité et ses choix antérieurs pour mieux se réorienter et se relancer.
Au sein du groupe socialiste à l'Assemblée, nous avons interrogé plusieurs fois Bruno Le Maire, Ministre de l'Agriculture. Le ministre a réuni les prèfets de région le 30 mai et doit rencontrer les acteurs du secteur cette semaine. Nous jugeons que trop de temps a été perdu et l'appelons à des actions fortes et, si cela est nécessaire, à des mesures coercitives.
Les questions d'eau, la crise du lait, celle des fruits, les difficultés de trésorerie avec la volatilité des cours...tout participe à une dégradation des conditions de vie. Le nombre croissant d'allocataires du RSA parmi les agriculteurs montre combien il leur devient difficile de vivre de leur travail. Cela ne fait pas d'eux des assistés, simplement ce sont des professionnels en détresse. Notre société leur doit beaucoup et compte beaucoup sur eux pour l'aménagement du territoire, la lutte contre la forestation et les friches, mais aussi sur un domaine souvent oublié et pourtant majeur : la souveraineté alimentaire.
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