Nous avons déposé cette proposition de loi car selon nous, une entreprise qui envisage la fermeture d’un site industriel au sein de son groupe doit avoir non seulement l’obligation d’examiner les procédures de reprise qui lui sont soumises, mais aussi l’obligation de céder ce site si l’une des offres proposées reçoit la validation du Tribunal de commerce et un avis positif des instances représentatives du personnel.
Cette proposition est déposée mais le Gouvernement et la majorité refusent qu'elle soit inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée.
Pourtant, la désindustrialisation de notre pays s’est accrue de manière massive et inquiétante depuis 2002. Ainsi, 750 000 emplois ont disparu dans l’industrie, soit 1 emploi industriel sur 6, et 900 usines ont fermé au cours des 3 dernières années.
La désindustrialisation est un drame économique, social et territorial ; c’est aussi la perte d’un savoir-faire et d’une culture ouvrière, et une dure atteinte au réseau des TPE-PME sous-traitantes. Dans ce cadre, le refus d'un groupe sur le départ de rendre possible une reprise par crainte de voir s'installer un concurrent est une réalité choquante et, hélas, de plus en plus fréquente. L’objet de la présente proposition de loi est d’empêcher que ces comportements destructeurs ne déstabilisent des territoires entiers et n’obèrent toute possibilité de mettre en œuvre une politique industrielle nationale avec un fort ancrage territorial.
Face à la désindustrialisation, le pouvoir actuel a fait assaut de paroles mais peu agi. A l’approche des échéances électorales, ses promesses apparaissent d’autant plus vaines face à l’inquiétude de milliers de salariés.
Or il ne saurait y avoir de reprise économique durable sans rebond productif et sans une politique industrielle innovante et volontariste. Chaque emploi industriel génère en effet 3 emplois induits alors que ce ratio est bien moindre dans les services. L’industrie n’est pas le symbole d’une économie du passé, c’est le levier de la croissance à venir ; elle doit être de toutes les priorités de politique publique.
La logique des grands groupes industriels est celle de l’optimisation de leurs profits, de maximisation des dividendes, parfois au détriment des besoins de la collectivité : dans ce cas, la puissance publique doit intervenir fortement pour préserver l’intérêt général menacé par des fermetures de sites qui risquent de déstructurer le tissu industriel local et national.
Chaque fermeture d’usine est un aveu d’échec, faute de recherche efficace d’un repreneur, ou par refus du groupe détenteur de l’usine de céder le site de production à l’un de ses concurrents.
La papeterie d’Alizay appartenant au groupe finlandais MReal, l’aciérie de Gandrange et les hauts-fourneaux de Florange du groupe ArcelorMittal, l’entreprise PCT de Selles-sur-Cher… illustrent ces unités industrielles performantes et compétitives dont la survie est menacée en raison de la politique de certaines multinationales qui préfèrent fermer un site viable plutôt que d’accepter de le céder à un repreneur.
Si la jurisprudence de la Cour de Cassation a connu une évolution majeure concernant l’aval des processus de restructurations - avec une protection accrue des salariés en matière de licenciement économique, les difficultés d’une filiale n’exonérant plus un groupe de rechercher des solutions dans d’autres de ses filiales - le législateur doit désormais permettre une intervention en amont des restructurations industrielles.
Ainsi une entreprise qui envisage la fermeture d’un site industriel au sein de son groupe doit avoir non seulement l’obligation d’examiner les procédures de reprise qui lui sont soumises, mais aussi l’obligation de céder ce site si l’une des offres proposées reçoit la validation du Tribunal de commerce et un avis positif des instances représentatives du personnel.
C’est l’objet de la présente proposition de loi.
1/ L’article 1er crée un nouveau titre au sein du livre VI du Code du commerce, relatif à la cession de sites ou d’activités. Il crée un nouveau cas d’intervention du tribunal de commerce : à la différence des procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire, l’entreprise dans son ensemble n’est pas nécessairement en difficulté, mais le projet qu’elle nourrit de fermeture d’un site ou d’une activité justifie l’intervention du tribunal.
L’article L. 613-1 du Code de commerce impose, lorsqu’une entreprise envisage de mettre fin à l’exploitation de l’un de ses sites ou de l’une de ses activités, la saisine du président du Tribunal de commerce, en vue de la désignation d’un mandataire, dans les deux jours suivant la première réunion du comité d’entreprise tenue dans le cadre des procédures d’information et de consultation du comité d’entreprise prévues par le Code du travail. Il importe de maintenir le caractère prioritaire de l’information du comité d’entreprise, tout en assurant la désignation du mandataire dans les meilleurs délais.
Le Président du Tribunal de commerce désigne un mandataire, dont la mission est de rechercher des offres de reprise en lien avec l’entreprise cédante.
L’article L. 613-2 impose à l’entreprise d’examiner de bonne foi l’ensemble des offres de reprise.
L’article L. 613-3 est relatif à l’intervention du comité d’entreprise : celui-ci peut se faire assister d’un expert ad hoc, qui évalue les offres de reprise et remet un rapport d’évaluation au mandataire.
Si l’entreprise n’a accepté aucune offre à l’issue d’un délai déterminé par décret, l’article L. 613-4 prévoit que le mandataire peut être saisi par le comité d’entreprise ou par tout candidat en vue d’apprécier la pertinence des offres. Il détermine les offres pertinentes en fonction de plusieurs critères dont leur capacité à maintenir durablement l’emploi sur le site, l’innovation pour l’activité concernée et une adéquation à la valeur économique de l’ensemble cédé. Le mandataire, qui consulte le comité d’entreprise et l’autorité administrative, soumet à l’entreprise les offres qu’il estime pertinentes.
Si l’entreprise n’accepte aucune des offres considérées comme pertinentes par le mandataire, l’article L. 613-5 dispose que le tribunal de commerce peut arrêter un plan de cession, dans les mêmes conditions que pour les procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire. Ce plan de cession s’impose alors à l’entreprise.
L’article L. 613-6 confie aux délégués du personnel les prérogatives du comité d’entreprise en l’absence de ce dernier. L’article L. 613-7 définit les personnes pouvant être désignées comme mandataire.
2/ L’article 2 de la proposition de loi organise la coordination avec les procédures d’information et de consultation définies par le Code du travail. Il est créé un nouvel article L. 1233-33-1, qui impose l’information du comité d’entreprise sur les offres de reprise tout au long de la procédure. L’article L. 1233-34, relatif à l’assistance du comité d’entreprise par un expert-comptable dans le cadre de la consultation sur les projets de licenciement collectif permet de confier au même expert la mission d’évaluation des offres de reprise. Enfin, le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi, défini par l’article L. 1233-62, est complété par la mention de la cession d’un site ou d’une activité.
Proposition de loi
Article 1er
Après le titre Ier du livre VI du code de commerce, il est inséré un titre Ier bis ainsi rédigé :
« TITRE Ier bis
« De la cession de sites ou d’activités
« Article L. 613-1. - L’entreprise qui envisage de mettre fin à l’exploitation d'un de ses sites ou de l’une de ses activités doit en informer le président du tribunal de commerce territorialement compétent. Cette information a lieu dans les deux jours suivant la première réunion du comité d’entreprise tenue en application des dispositions du chapitre III du titre III du livre II de la première partie du code du travail et de l’article L. 2323-15 du même code. A défaut, le président du tribunal de commerce peut être saisi par le comité d’entreprise.
« Le président du tribunal de commerce procède à la nomination d'un mandataire chargé de la recherche d'offres de reprise du site ou de l’activité en lien avec l'entreprise cédante. Les offres soumises au mandataire doivent remplir les conditions définies par l’article L. 642-2 du présent code.
« Article L. 613-2. - L'entreprise a l'obligation d'examiner de bonne foi l'ensemble des offres de reprise qui lui sont présentées.
« Article L. 613-3. - Le comité d'entreprise peut recourir à l’assistance d’un expert ad hoc pour apprécier la validité des offres de reprise. L’expert remet au mandataire désigné par le président du tribunal de commerce un rapport d'évaluation de ces offres.
« Article L. 613-4. - Dans l’hypothèse où l’entreprise n’a donné suite à aucune offre de reprise, dans un délai déterminé par décret, le mandataire désigné par le président du tribunal de commerce peut être saisi par le comité d’entreprise ou par tout candidat afin qu’il se prononce sur la pertinence des offres.
« Le mandataire apprécie la pertinence des offres au regard de leur capacité à assurer le plus durablement l'emploi attaché à l'ensemble cédé et de l’adéquation de leur prix à la valeur économique de ce dernier. Il tient compte de l’avis du comité d’entreprise, accompagné le cas échéant du rapport d’évaluation des offres, et de l’autorité administrative. Il invite l’entreprise cédante à accepter l’une des offres qu’il estime pertinentes.
« Article L. 613-5. – Lorsque le mandataire a estimé qu’au moins une offre était pertinente et que l’entreprise refuse d’en accepter une, le tribunal de commerce peut prononcer la cession du site ou de l’activité dans les conditions définies par le chapitre II du titre IV du livre VI du présent code.
« Article L. 613-6. - A défaut de comité d’entreprise, le ou les délégués du personnel exercent les prérogatives qui lui sont confiées par le présent titre.
« Article L. 613-7. - Le mandataire doit avoir la qualité d’administrateur judiciaire, de mandataire judiciaire ou d’expert en diagnostic d’entreprise.
Article 2
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Il est créé un article L. 1233-33-1 ainsi rédigé :
« Lorsque l’employeur envisage la fermeture d’un site ou d’une activité, le comité d’entreprise est informé tout au long de la procédure des offres de reprise reçues par l’entreprise dans le cadre des dispositions du titre Ier bis du livre VI du code de commerce.
2° A l’article L. 1233-34, il est ajouté un troisième alinéa ainsi rédigé :
« La mission confiée à l’expert-comptable peut également comporter l’évaluation des offres de reprise mentionnée par l’article L. 613-3 du code de commerce.
3° A l’article L. 1233-62, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« 7° La cession du site ou de l’activité concernés par le projet de licenciement.
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