A la veille du 8 mars, et particulièrement lorsque l’on regarde le monde politique aujourd’hui à la lumière de la problématique de l’égalité hommes/femmes, difficile de ne pas s’interroger. Un seul exemple incroyable: Marine Le Pen! Seule femme présente dans la course à la présidentielle, Cette réalité devrait nous interroger beaucoup plus qu’elle semble ne le faire. A cette question pourtant d’importance, encore des réponses qui dénotent une réflexion en panne: elles n’avaient qu’à y aller…. toujours l’idée simpliste que si il n’y a pas de femmes en vue dans les instances politiques et les cercles de pouvoir, c’est simplement que les femmes refusent de prendre des responsabilités qui leur seraient offertes gentiment, et que finalement ces situations sont le résultat d’une sorte d’une « sélection naturelle »; si il y avait des femmes compétentes, prêtes à prendre de hautes responsabilités, nous les verrions, elles seraient candidates à la présidentielle, et à toutes les élections de nos institutions . S’il y avait des femmes compétentes et responsables, il n’y aurait pas besoin d’aller les chercher, et le problème devient peu à peu la solution!
Tout cela est intellectuellement pauvre et montre à quel point finalement nos institutions et beaucoup de nos hommes politiques se contentent, au mieux de pointer les problèmes, au pire de les balayer d’un sourire entendu.
C’est ignorer totalement comment les femmes vivent encore en France, au sein d’une société où les stéréotypes ont encore la vie dure, où les inégalités salariales restent importantes, où la question sur le genre reste un gros mot, où la répartition des tâches ménagères et des fonctions dans le monde du travail reste inégalitaire et marquée par un fléchage sur le monde professionnel particulièrement sexiste, où le terme de féminisme est devenu synonyme de « ringardisme », où des jeunes filles et des femme sont quotidiennement victimes de violence physique et psychologiques dignes d’un autre âge.
Qui se demande du côté des hommes, ce que les femmes doivent sacrifier au désir de faire par exemple une carrière politique? Et qui répond à la question des revenus pour une grande majorité de femmes qui doivent assumer seules un foyer, une vie familiale et professionnelle? Qui se demande pourquoi à la fin d’une journée ordinaire pendant laquelle une femme sera passée de femme de ménage à assistante maternelle avant de se rendre à son boulot, de ne pas oublier les courses au retour, de reprendre sa carrière de femme de ménage et de chef en cuisine…. pourquoi à la fin de cette journée cette femme n’aura pas eu le courage d’aller assister à une réunion importante à 20H30 dans le meilleur des cas, à 18H3O si la majorité des présents est masculine et ne se pose pas la question de la garde des enfants.
Sacrifier sa vie familiale et/ou professionnelle à ses idéaux n’est pas chose simple, accepter de mettre en balance une réussite personnelle et une stabilité familiale et/ou affective ne se décide pas consciemment un beau matin mais est la conséquence insidieuse d’une organisation « machiste » de la société, se dire que l’on est capable tout simplement de prendre des responsabilités et de les assumer au même titre que n’importe quel homme de notre entourage n’est pas seulement une question de confiance en soi qu’il suffirait de développer, mais un élément devenu constitutif d’une spécificité féminine.
Et d’ailleurs, qui se demande comment il est acceptable que tant d’hommes excerçant des responsabilités ne soient que « moyens », voire quelquefois « minables »? Pourquoi ce qui est acceptable pour les hommes ne le serait pour les femmes? Pourquoi faudrait-il admettre que des femmes n’auraient de place qu’à la condition d’être « encore meilleures »? Pourquoi une femme qui ne prend pas facilement la parole devient une potiche ? Pourquoi une femme qui ne se décide pas à se lancer dans une campagne électorale est-elle immédiatement taxée de « psychologiquement fragile »?
Qui oserait prétendre qu’il suffit de le vouloir pour s’impliquer dans la vie politique pour accéder à des postes à responsabilité? Comme si le plafond de verre avait été brisé sans que nous ne nous apercevions et que les obstacles institutionnels et culturels aient disparus et que ne reste en cause dans cette bataille plus que la seule volonté d’une moitié de la population du monde! Volonté vacillante et largement insuffisante qui désignerait les femmes comme responsables de leur propre défaite.
L'autre argument qui d’ailleurs fonctionne de la même manière pour les différentes minorités dont nous ne savons pas que faire est celui qui consiste à nous donner des noms de femmes exceptionnelles, porteuses elles, à contrario, des qualités nécessaires à la réussite: l’ambition, la volonté, la force de caractère, et surtout le désir profond de s’engager. Le contre-exemple devenant la preuve par l’absurde que tout est possible si on le veut….
Tout cela reste d’une complexité incroyable, car tous les éléments d’analyse mettent en jeu des champs de réflexion totalement imbriqués les uns aux autres: passer d’un présupposé naturel à une réalité culturelle, du quotidien à l’universel, de l’exemple à la généralité; dénouer les fils d’un ouvrage tissé depuis des millénaires et dans lequel la femme s’est trouvée enveloppée, à la fois protégée et exclue d’un monde que les hommes ont bâti à leur image.
Dans toute l’Europe la question de la place des femmes est posée au politique avec des réponses variées. La moyenne des femmes représentées au parlement européen de 36,4% a cette doublée depuis 1976 grâce à des mesures volontaristes, pour autant nos grandes démocraties ne se distinguent pas particulièrement dans ce domaine (France:26,6%, Allemagne:32,6%) et seulement 9 pays dans le monde arrivent à dépasser 40% de femmes élues au parlement. Mais l’évolution de ces chiffres nous disent cependant que le volontarisme politique en matière de progrès social est le seul moyen d’avancer: la gauche française et européenne ont eu le courage de proposer des actions concrètes: fixer des quotas, ou instaurer des mesures coercitives au sein de l’entreprise ou de la sphère politique reste encore pour beaucoup d’entre nous une atteinte insupportable à une évolution naturelle de nos sociétés, laisser le temps au temps, demander aux femmes de la patience, et les enjoindre à constater les progrès réalisés plutôt que les obstacles toujours présents, le discours ne varie qu’à la marge et les réponses inquiétantes qui sont formulées ici où là et qui viennent remettre en question des droits acquis fondamentaux (comme le droit à l’avortement ou les allocations versées aux femmes pour les garder à la maison ) devraient nous pousser à nous mobiliser fortement, à ne plus sourire de ces questions , à ne plus sous-entendre que tout cela n’est que folklore.
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